L’argent.
6.5 D’emblée le film est déjà dans la fable : Un père lit à son fils l’histoire de Robin des Bois, quand il est interrompu par son voisin qui sonne à sa porte et vient lui demander un peu d’argent. Cette séquence d’ouverture oriente tout le film. Corti semble avoir une vie précaire mais suffisamment rangée pour que sa famille joigne les bouts, donc dans un premier temps il refuse. Puis, à ce rejet immédiat répond un accord tout aussi soudain, lorsque le voisin revient et explique qu’il a besoin de 800€ pour louer un détecteur de métaux lui permettant de chercher un trésor enfoui depuis des décennies dans le jardin familial, selon la légende, et propose de partager avec Corti sil accepter de lui avancer cet argent et venir creuser à ses côtés. Si l’on est familier du cinéma de Porumboiu on sait que le film sera découpé en segments. L’accord d’une part, la quête de la somme d’argent et du matériel ensuite. Puis dans un troisième élan, la chasse au trésor dans ce carré de pelouse, loin de la ville.
Dans un premier temps, la mise en scène enferme littéralement les personnages dans des pièces froides et exiguës. Puis elle s’ouvre brutalement sur l’extérieur, tout en se libérant de sa sécheresse en y injectant un ton nouveau, plus léger et burlesque. Trois personnages seulement vont occuper une grande partie de cette étape : Le voisin, Corti et le technicien qui vient avec son matériel. Ils vont se nourrir l’un l’autre, tout en apportant chacun une tension qui va se reporter sur les deux autres. Le tout avec au centre deux détecteurs de métaux à les rendre fou : Un vieux truc qui s’emballe pour rien (Le trésor semble être partout) et un autre plus élaboré mais trop moderne sans doute (les statistiques sont reportées sur un écran de données) pour être correctement utilisé. C’est une séquence magnifique avec un cerisier dans le fond du jardin et un trou, qui grandit, jusqu’à proposer un mystère insondable, presque inquiétant. Il en faut peu au cinéaste roumain pour se créer un espace de cinéma qu’on n’a vu nulle part ailleurs, aussi parce qu’il convoque toute l’Histoire de la Roumanie, dans un malstrom de dates improbables, jusqu’à une résolution brusque, elliptique et enfantine. Le voleur qui aide les flics à l’ouverture du coffre c’est génial. Et le film est rempli de ces absurdités, suffit d’évoquer les bruits de ce détecteur de métal. Quant au butin…
Je m’arrête là, mieux vaut vivre l’expérience plutôt que la lire, c’est quoiqu’il en soit un beau film, un peu fou et anecdotique, fascinant et frustrant aussi. C’est surtout un film très vivant, très utopique, ce qui dans la vague de cinéma roumain est assez singulier pour avoir la bonne idée de s’y aventurer. Ce d’autant plus quand on sait que la fiction s’inspire du documentaire, puisque Porumboiu avait préalablement prévu de tourner un film chez un ami qui disait avoir un terrain renfermant dans sa terre un trésor inestimable. Ils n’ont rien trouvé mais l’idée aura au moins permis au cinéaste d’en construire un espace de fiction et d’en faire un terrain qui aurait vu passer, en un demi-siècle, sinon davantage, une pharmacie, une école maternelle et un nightclub d’une époque à une autre, avant de retrouver le jardin de famille abandonné qu’il est devenu. C’est assez délirant. Mais c’est un délire étrange, une comédie au ralenti, qui ne ressemble à aucune autre, enfantine mais pas vraiment pour les enfants non plus. Ravi autant que surpris de le voir arborer un virage de la sorte après son Métabolisme que j’ai finalement bien vite oublié.