La mélodie du bonheur.
6.5 Employé d’une compagnie d’assurance, Alain Durieux, las, décide de mettre fin à ses jours mais se rate lamentablement en restant accroché au V de La Mutuelle Vie, l’enseigne de la société dans laquelle il trime désespérément, puis entre dans un processus psychiatrique à base de flashage permettant de se délivrer de toutes ses angoisses.
Construit en syncope, Paradis pour tous est parfois difficilement regardable, pratiquant les retours en arrière et au présent à la chaine, l’usage continu de voix off, une post synchro souvent dégueulasse et un appui sur l’absurde cynique (on ne veut plus mater des films mais des pubs en boucle) qui délite un peu son caractère singulier et transforme sa drôlerie en lourdeur. Le film est long, trop long pour du Jessua. Au bout d’une heure, la coupe est pleine, on se lasse de tout, Dewaere compris, le comble.
Pourtant, de discrets virages viennent redorer le blason du film : On reste dans les thématiques chères à Jessua, j’irai même jusqu’à dire qu’elles n’ont jamais été si jusqu’au-boutistes, où les masses ne sont plus qu’un tas de zombies, satisfait de leur réussite capitaliste et de leur médiocrité intellectuelle – L’absence d’angoisse permettant une réussite professionnelle évidente car dénuée de toute considération humaine.
Personnages zombies pris en charge comme le fut avant eux le chimpanzé Charles, par Henri Valois, créateur de ce fameux bonheur électronique. Comme d’autres après lui, Durieux (le cobaye) devient une parfaite machine, qui s’il ne travaille pas corps et âmes, sans affect, fait de son quotidien une somme d’exercices sportifs à n’en plus finir, obsédé par l’idée de se dessiner une ceinture d’Apollon. A côté, Durieux ne jure plus que par ces publicités aseptisées, décide illico de se coiffer comme le type de la pub Martini.
Il y a des séquences incroyables à l’image de celle de la danse hypnotique entre flashés, qui rappelle celle du dressage dans Les chiens ; Ou de cette séance d’aérobic entre Audran et Dewaere, absolument démente. En fait, le film dérive à mesure vers le pur conte horrifique, avec son côté Body snatchers. Et pour couronner le tout, Paradis pour tous s’ouvre dans un futur indistinct où la société semble avoir accepté la trouvaille comme un vaccin – Durieux, en fauteuil roulant dans les premiers plans, semble s’en accommoder à merveille – puis se ferme sur les remises de médaille de légion d’honneur et du mérite, au docteur et au patient, explorateurs de la thérapie jusque dans sa future transmission génétique.
Les derniers plans avec les deux corps noyés sous les draps, faisant qu’un avec le lit et la chaise, avant que les deux visages réapparaissent, vidés de leur substance, mais bien, heureux comme des bêtes (ça fait Orange mécanique du pauvre, mais tout de même, quel culot, quelle folie !) pour reprendre les derniers mots de Durieux et donc ceux de Dewaere au cinéma puisqu’il ne sera déjà plus là quand le film sortira en salle, sont particulièrement marquants.
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