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Archives pour 22 avril, 2016

Fernand Deligny, à propos d’un film à faire – Renaud Victor – 1989

06.-fernand-deligny-a-propos-dun-film-a-faire-renaud-victor-1989-900x619La méthode.

   5.5   Voilà ce qu’aurait dû être Ce gamin, là version Truffaut s’il avait eu un minimum de bon sens artistique, soit une sorte de non film commercial, avec une parole donnée, écoutée (comme dans un Duras) sur laquelle sont parfois insérées des images du film à tourner. Assez ingrat, certes, mais le film a au moins le mérite de ne pas couper la poire en deux, d’être purement ce qu’il doit être : Un projet en construction. Evidemment, le film en question ne verra jamais le jour, mais il reste ces quelques images qui nous font croire à un basculement total ou presque dans une dimension fictionnelle, Deligny et Victor y jouant des rôles, autour d’un petit garçon brésilien, autiste mutique, toujours. Ce qui frappe dans la parole de Deligny c’est cette manière qu’il a de tout offrir par tâtonnements, d’être dans la recherche perpétuelle de l’utilité du langage. L’autisme devient un radeau. Filmer devient camérer. Le langage une grille. Et ce monologue offre une multitude de questionnements improbables, amusants et complexes dont Deligny seul avait le secret.

Ce gamin, là – Renaud Victor – 1976

05.-ce-gamin-la-renaud-victor-1976Adieu au langage.

   5.0   Je n’ai cessé, durant l’intégralité du film, de m’interroger sur le pourquoi de la présence d’une narration, beaucoup trop conséquente il faut le reconnaître. Comment un type comme Deligny, que la parole n’avait guère intéressé (parce qu’elle est selon lui une grille avec l’autiste mutique) dans Le moindre geste, pouvait accepter de telles directives allant à l’encontre de sa façon de faire ? Comment Renaud Victor, qui chérissait Le moindre geste, avait eu l’idée saugrenue d’enrober le geste par la pédagogie ? La réponse est simple, évidente, mais je l’ai su après : François Truffaut produisait le film et imposa une voix off (Celle de Deligny, qui reprenait certains de ses commentaires de rushs voire de ses discours pédagogues) contre l’avis de Victor et Deligny. Ces derniers voulaient que le film dure cinq heures ; Truffaut refusa, évidemment, préférant le glisser dans un circuit commercial, d’autant que le film arrivait quasi dans la foulée de L’enfant sauvage. Bref, c’est dire combien les regards sont différents ; Combien être cinéaste c’est aussi faire marcher une industrie, ce que Deligny et Victor étaient loin d’être, dans leur chair. Il en résulte un film raté qui aurait pu être cinglant. Un film pour les circuits scolaires (j’exagère à peine) alors qu’il pouvait devancer les merveilles de Depardon et Wang Bing que sont San Clemente et A la folie. L’idée était géniale : Filmer les autistes dans un lieu loin des ambiances closes des hôpitaux auxquels ils ont l’habitude d’être cantonner ; Mais à l’inverse du Moindre geste, ne plus les filmer dans la solitude et la fuite, mais dans leurs interactions avec des accompagnants qui ne s’occupent pas d’eux mais sont à leurs côtés, effectuant des tâches quotidiennes. S’intéresser au chemin qu’ils parcourent durant leur journée et constater que petit à petit ce chemin se cale de plus en plus sur celui des accompagnants allant même jusqu’à reprendre et répéter certaines de leurs manies, comme des fous imitant des fous. Des gestes décisifs et coordonnées, sans aucune forme de langage verbal.

Le moindre geste – Fernand Deligny, Josée Manenti et Jean-Pierre Daniel – 1971

03.-le-moindre-geste-fernand-deligny-josee-manenti-et-jean-pierre-daniel-1971Le petit fugitif.

   7.0   J’ai pensé à Gerry. Je ne sais pas si Van Sant a vu Le moindre geste mais il y a dans l’errance de ses deux personnages un dialogue étrange avec ce garçon (dont on dit qu’il est incurable) qui traverse le film de Deligny, se perd, tombe dans un trou, grimpe des collines, s’enfoncent dans des carrières, s’extraie des roseaux, boit dans la rivière, trace ses propres lignes d’exilé dans le paysage cévenol. Peu de désert et de longues étendues, mais une succession de plaines, de ruines et de machines. Les deux Gerry sont aussi des fous dans un monde désertique auquel ils n’appartiennent pas. La grande différence c’est l’usage de la matière cinématographique, naturaliste (un naturalisme merveilleux, fantastique) chez Van Sant et une expérimentation par superposition de couches dans Le moindre geste.

     C’est le résultat d’un film à la production chaotique, qui s’invente au jour le jour, où l’on sent l’écrivain pédagogue d’un côté, celle qui s’occupe de l’image et celui qui fait les prises de sons de l’autre. Dix heures d’images et huit de sons dit-on. Et un matériau qui tombe dans l’oubli pendant près de dix ans avant d’être récupéré muet et monté par un larron (Daniel) qui ne connait ni Deligny ni Manenti. C’est assez fort d’avoir accès à un film qui aurait été monté complètement autrement s’il l’avait été par les membres de l’équipe du tournage, par ceux qui ont vécu l’aventure, savent ce que chaque plan raconte, le pourcentage de jeu et d’improvisation qui y réside. Daniel a inventé un film à partir d’images muettes, tandis que Deligny et Manenti voulaient seulement faire autre chose, utiliser le cinéma pour partager une expérience avec Yves, lui offrir un nouvel espace qui lui offrirait une infinité de gestes possibles.

     Le film plonge dans la tête d’Yves, d’abord discrètement puis entièrement, et la matière sonore qui accompagne son errance (Qui m’a fait songer à la superbe séquence des ruines dans Permanent Vacation, de Jarmusch, avec ce personnage qui se croit sous les bombes) devient complètement folle – Ce fameux torrent de mots qu’il reçoit en lui en permanence, qui le rendent imbécile – qui plus est lorsqu’elle est relayée par une parole discursive, parfois violente et délirante. Le moindre geste révèle aussi un contraste saisissant entre les premiers instants dans lesquels le garçon parait accablé par la dimension psychiatrique et collective de l’établissement qu’il s’apprête à fuir, et la liberté qu’il trouve dans la nature.

     Après, si le film est unique en son genre, il est aussi très rêche, titubant, moins émouvant que déconcertant en fin de compte car trop écrasé par son afflux images/sons désynchronisés. Genet avait merveilleusement trouvé cette grâce qui manque ici, dans Un chant d’amour, qui lui ressemble à bien des égards. Reste un objet fou, extirpé du néant par un homme qui fit ressurgir le travail d’un autre qui voulait raconter l’humanité de ce garçon. Approcher une vérité à la manière de Rouch dans La pyramide humaine, par le jeu. La pureté du jeu.


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