Publié 14 mai 2016
dans Sébastien Betbeder
La fille de l’eau.
5.5 Si l’on retrouve le ton et le charme du cinéma tendre de Betbeder, avec ses correspondances savoureuses, ses ruptures de rythme, ses changements de cap, son humour qui le caractérise, ses partis pris formels, je dois avouer être relativement déçu par ce nouveau bébé. Non pas qu’il se fourvoie ni abandonne cette singularité qui lui est propre mais il me semble qu’il manque une homogénéité, une émotion, une grâce, il me semble aussi que l’on cherche Damien Chapelle plus que les autres. Pas sûr que cela soit dû à la présence d’André Wilms (dont le personnage est le gros n’importe quoi du film ; Le clip de Cosmo c’est d’un goût…Proche de celui que nous avait offert Tellier dans son moins bon album, My god is blue, Cqfd) mais j’ai ressenti la même distance que je peux ressentir devant les films de Kaurismaki. Il y a pourtant ici et là des choses qui me plaisent beaucoup, comme ces trois fragments de présentations de personnages que le film offre un peu à la manière de ces confidences face caméra qui rythmaient son Deux automnes, trois hivers ; Et cette impression que ce sont les personnages qui créent du récit. J’aime aussi le double niveau de récit qui se joue entre ce que vit Antoine (Cantona) et ce qu’il écrit. La récurrence de l’heure Pi. L’île de Groix. La citation de La jetée. La danse finale, aussi, avec sa magnifique chorégraphie de naufragés, sous néons bleus. La musique de Sébastien Tellier (qui accompagne tout le film) qui se love tellement bien dans l’univers de Betbeder. Quant à Vimala Pons, elle a beau faire du Vimala Pons puissance dix (Rêveuse, à contre-temps, l’absence à la fois dans le corps et dans les yeux) elle le fait à merveille. Pourtant et contrairement à celui que le film semble suivre (Siméon, Pierre Rochefort) c’est bien Oscar qui devient cette respiration géniale et insoluble, sorte de Tati qui parle ou de Pierre Richard qui pense. Toutes les séquences autour de son somnambulisme sont géniales ; Et puis j’aime sa rencontre avec Canto. Sa façon de se mettre le pommeau de douche dans la tronche. De craindre de se voir se jeter par la fenêtre. J’ai sensiblement le même coup de foudre pour lui que pour Thomas Scimeca dans Inupiluk. Je crains de garder cela en priorité, de Marie et les naufragés. On verra.
Publié 14 mai 2016
dans Ruairí Robinson
2.0 Dialogues insipides, scènes d’action illisibles, personnages caricaturaux, jeux complètement à côté de la plaque (Schreiber et Koteas, en priorité). Si au moins on avait eu ne serait-ce qu’un semblant d’humour mais non, tout est d’un sérieux de pape de bout en bout, c’est abominable. Un mélange d’Alien et de Mission to Mars dépourvu d’idées, d’originalité. Aucun intérêt.
Publié 12 mai 2016
dans M. Night Shyamalan
Papa, où t’es ?
5.0 Bien qu’il faille être solide pour encaisser l’atroce esthétique qui irrigue parfois le film, notamment dans l’épave du cockpit dans lequel est cloitré le père ainsi que dans les nombreuses apparitions d’animaux, et dépasser tout le début du film, assez désespérant avec son seul credo de faire d’un fils un ranger, et outrepasser les jeux inexpressifs de l’un (Will Smith est toujours aussi mauvais, mais pire cette fois encore puisqu’il doit jouer un personnage qui intériorise la peur tendance « Portait d’un homme constipé » et que c’est quasiment toujours grotesque) comme de l’autre, si l’on réussit à faire abstraction de tout cela, il reste un joli conte, un récit d’apprentissage mêlé à une forte relation entre un père et son fils (hantés par la mort) joués qui plus est par Will et Jaden Smith, père et fils. Tout est bien entendu cousu de fil blanc jusque dans les flashback idéalement disséminés dans le récit, ainsi que dans la dose continue de rebondissements offerts, mais en tant que course en forêt (sur une Terre devenue hostile pour l’Homme à cause, notamment, de ses brutales variations de températures) le film remplit sa mission, proche dans le déroulement d’un jeu vidéo, avec les rencontres par palier (singes, sangsue, aigle et lions) et le manque d’oxygène (Une sorte de jauge vie mise à mal par un manque de capsules d’inhalation) jusqu’au boss final (l’Ursa, qui détecte la peur des Hommes à partir des phéromones) dont on parle en permanence, qui est d’ailleurs la base du trauma familial, donc qu’on attend à voir et exactement de cette façon là – Où enfin, Kitai, parviendra à s’effacer. Cette idée est passionnante dans la mesure où l’effacement se joue aussi pour Will Smith, tête d’affiche qui s’efface, blessé, pour guider son fils dans la mission – Un parti pris de hors champ pur eut été toutefois plus judicieux. Ça reste à mon sens mineur dans la filmographie de Shyamalan, qui joue un peu trop à ne pas faire comme Hollywood, trouve un bon tempo minimaliste et parfois sidérant (Le retour de l’aigle) tout en se noyant en permanence dans un montage parallèle balourd, mais c’est attachant, parfois émouvant et surtout loin d’être la bouse que je m’attendais à voir.
Publié 12 mai 2016
dans Frederic Schoendoerffer
L’indic.
5.0 Avec les nanars que nous a récemment pondu Schoendoerffer (d’Agents secrets à Switch, en gros) ainsi que la présence au casting de Gérard Lanvin et Niels Arestrup en têtes d’affiche, Laura Smet, Anne Consigny et Sylvie Testud en seconds couteaux et ce titre, plaqué sur la durée maximum légale d’une garde à vue, soit donc 96 heures réduites en 96 minutes, ce nouveau cru avait sur le papier tout du best of irrécupérable. Arestrup incarne Kancel, un vieux caïd, qui profite d’une extraction pour kidnapper Carré (Lanvin) le commissaire de la BRB, afin de lui soutirer le nom de l’indic qui l’avait balancé trois ans plus tôt, pour le fiasco de son casse. C’est donc un duel d’intimidation entre un caïd vengeur et son flic otage, rien de plus. Evidemment, certains effets parasitent l’ensemble. Bien sûr, le montage parallèle est parfois chaotique ou fait pour empêcher que l’étirement provoque l’ennui. Pourtant, c’est haut la main ce que Schoendoerffer a réussi de mieux avec Scènes de crime, il y a quinze ans. Moi qui regardais Section zéro à côté je me rends compte à quel point Marchal peut être mauvais en tout quand son pote arrive parfois à trouver un correct juste milieu. Il y a plusieurs exemples : Les dialogues d’abord, chez Marchal c’est comme chez Arcady, c’est tellement grandiloquent, écrit dans la punchline que c’est ridicule en permanence. 96 heures est peu dialogué, juste ce qu’il faut et ça tombe bien car les silences d’Arestrup sont ce que le film trouve de mieux. Ce type peut vraiment être flippant s’il n’en fait pas trop ; Rectification, s’il lâche les chevaux avec parcimonie. L’autre élément c’est la violence, toujours utilisée comme un défouloir bien gras chez Marchal, qui adore ça et cela se voit. Dans 96 heures le premier coup de feu intervient après une heure de métrage et il y en aura à peine plus. Et au-delà de ces remarques, le scénario est simple, précis mais sait ménager ses progressions, ses zones d’ombre avant d’accoucher dans un final suffisamment anxiogène pour déjouer son caractère attendu (La fille qui entre dans la danse, la flic qui arrive à bout de sa quête solitaire, les hommes de main qui se grillent entre eux). Franchement, si l’on enlève les quelques phrases bateau qui ouvrent et ferment le film, on peut presque y voir un débouché d’Engrenages, mode format court en décor quasi unique, dans sa dynamique, son crescendo, ses infimes rebondissements en cascade. La musique signée Max Richter, qui accompagne le film tout du long, lui offre une ambiance froide et carré à défaut de nous propulser dans l’action et/ou l’horreur, et c’est tant mieux.
Publié 11 mai 2016
dans Alain Jessua
La fleur du mal.
4.0 Serrault, brillant architecte, s’apprête à rejoindre son fils sur une affaire quand il surprend sa bru (Nathalie Baye) dans les bras de Didier, éventuel futur associé de la société. De colère, il prend son véhicule, roule à fond les ballons et s’encastre dans un poids lourd. Il s’en sort avec les deux jambes cassées et feint spontanément de ne plus pouvoir parler. Sur un postulat aussi prometteur que classique Jessua emprunte les voies du thriller cheap, une sorte de guerre des Rose entre un père et sa bru, qu’il soupçonne de vouloir se débarrasser de lui. Tout le film s’intéresse à leur relation (et le secret qu’ils partagent) tout en observation d’abord avant qu’il ne glisse vers une violence sourde avant le carnage. Quelques séquences réussies, dont cette très belle fin et son parfum de famille brisée, s’échappe d’un lot amorphe, pantouflard et petit bourgeois, comme si Jessua prédisait le cinéma Chabrolien des années à venir. On a connu Jessua nettement plus inspiré même si je lui préfère cette veine à celle tentée dans Frankenstein 90. Mais bon, son cinéma semble bien derrière lui.
Publié 11 mai 2016
dans Isabel Coixet
5.5 Pas facile de revenir là-dessus, c’est un mélo hyper chargé mais c’est aussi d’une belle justesse, c’est souvent déchirant, parfois un peu simpliste et complaisant peut-être. En tout cas ce n’est pas le genre de film que je pourrais revoir, ça ne laisse que peu de place à un semblant d’espoir et j’ai quand même un certain problème avec la hauteur du regard que porte le film sur les petits malheurs de tout un chacun qu’il confronte un peu cyniquement à cette agonie centrale d’une tristesse sans nom.
Publié 11 mai 2016
dans Safy Nebbou
4.0 Film rebaptisé L’empreinte (tout court) pour sa sortie dvd, pour des raisons de droits plutôt flous. Rien à signaler, rien d’épouvantable mais rien d’étonnant non plus, c’est un film bien français, pantouflard et inconséquent, dans la lignée d’Il y a longtemps que je t’aime, en un poil mieux, mais c’est assez lourd de voir ce type de trucs qui veulent systématiquement jouer sur deux niveaux. Catherine Frot est bien, comme souvent, mais elle ne peut rien faire de plus.
Noir c’est noir…
1.5 C’est mauvais. Archi mauvais. Les dialogues chez Marchal ont toujours été un problème mais ici on tourne quasiment à la caricature. Ils sont tous affreux, involontairement drôles à se pisser dessus. Les acteurs en font des tonnes sans rien faire, on a l’impression qu’ils sont tous constipés. Et niveau esthétique j’imagine que ça voudrait emprunter à NY 97 ou à Mad Max mais ça refait du MR73 en version apocalyptique. Après on ne pourra pas lui enlever le fait que c’est archi violent. C’est parfois même d’un goût douteux tant ça assimile carnage et paillettes. Bref, c’est un bon gros dégueulis visuel, archi prévisible et sans aucun autre intérêt narratif que son affrontement flic ripoux / bons flics. La recette habituelle.
Publié 9 mai 2016
dans Friends et Séries
7.5 Hormis le pic extraordinairement jouissif à mi-parcours (Entendre Saisons 4&5) où chaque épisode semble encore plus génial que le précédent, Friends aura tenu une homogénéité assez irréprochable d’un bout à l’autre (Enfin au moins jusqu’à cette avant dernière saison, puisque snif, il ne m’en reste qu’une) s’endormant parfois discrètement sur ses lauriers sans pourtant jamais tomber dans une facilité un peu embarrassante comme ce fut le cas pour sa digne héritière How I met your mother. Pourtant oui, ça manque parfois d’embrasement ; les épisodes et leurs situations folles (de sitcom) se succèdent avec un vif plaisir mais rarement avec l’étincelle qui fera tout exploser. Voilà pourquoi l’épisode qui clôt cette neuvième saison est à ce point bienvenu, qui plus est après l’annonce un peu glauque de la stérilité commune de Monica & Chandler. Il y est question d’un speech sur les dinosaures que Ross doit tenir au cours d’un meeting scientifique à la Barbade ; Il invite pour ce faire ses amis de longues dates venir passer quelques jours à ses côtés pour qu’ils se réjouissent, surtout, de la plage et des cocotiers. Ce sera évidemment bien plus bordélique que ça, d’ailleurs, il ne fera que tomber des cordes. L’épisode en question dure cinquante minutes – Et si on l’accouple avec celui qui ouvre la saison suivante et fait directement suite (comme lors du mariage de Ross) on obtient un long métrage – et c’est une merveille d’énergie, situations cocasses (David/Phoebe/Mike) et/ou à rallonge (Une battle de ping-pong d’ores et déjà légendaire), running gag sublimes (la coupe de cheveux de Monica) et marivaudages croisés jubilatoires. Ça faisait un bien fou de revoir du Friends à ce niveau de générosité-là.
Publié 9 mai 2016
dans John Huston
« The stuff that dreams are made of »
4.5 Je laisse systématiquement passé plusieurs années entre chaque découverte d’un film de Huston. Ce n’est pas bon signe. Moby Dick, d’abord, il y a dix ans puis L’honneur des Prizzi et Des gens de Dublin. Aucun de ces films ne m’a laissé de souvenir suffisamment fort pour avoir envie d’approfondir sa filmographie illico. Je n’ai probablement pas vu les bons. C’est en voyant Huston dans Le convoi sauvage que j’ai pensé à lui en tant que cinéaste. Après avoir découvert ses deux derniers films, Le faucon maltais me permettait de faire le grand écart, étant donné qu’il s’agit de son tout premier. Quarante-cinq ans avant son dernier. Un film noir, en noir et blanc, plus noir que blanc, sur une histoire de trésor de pirates, un faucon fait de pierres précieuses, convoité par toute la pègre de San Francisco. Tout le film ou presque se vit du point de vue d’un privé, joué par Humphrey Bogart, qui brille par son charisme, tentant d’élucider le meurtre de son associé en se mettant aux trousses de ceux qui sont aux siennes. Le faucon maltais multiplie les séquences d’interaction notamment entre Lorre et Bogart, jouant sur de longues plages de dialogues bien pesés, intégralement repris, parait-il, sur l’œuvre de Hammett, dont le film est l’adaptation fidèle. Je ne suis pas vraiment attaché aux classiques du noir et si j’aime En quatrième vitesse d’Aldrich, Underworld USA de Fuller, Assurance sur la mort de Wilder, Les amants de la nuit de Nicholas Ray, je n’en ferais guère mes films de chevet. Ce qui me plait avant tout dans ces quatre films, cités spontanément, c’est leur mouvement permanent et leur capacité d’évolution dans le ton, la forme, le mélange du parler et du mutique et le fait de ne jamais rien reposer sur la présence des acteurs. Le faucon maltais me semble être le film idéal pour le fan ultime de Bogart, d’autant que je n’y vois qu’un scénario filmé, sans réelle envergure, sinon celle de filmer des gueules et les dialogues d’un bouquin. Alors certes, le film constitue les prémisses du Noir, puisqu’il est l’un des premiers répertoriés comme tel, mais sa mécanique huilée qui va pourtant dans tous les sens, ne dégage finalement que confusion, sans fascination. Essai manqué à nouveau, donc, mais je ne désespère pas et mise énormément sur Le trésor de la Sierra Madre, mon prochain rendez-vous avec Huston, j’espère pour très bientôt.