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Archives pour 7 juin, 2016

Ma Loute – Bruno Dumont – 2016

24. Ma Loute - Bruno Dumont - 2016Sous le sable.

   3.0   On ne pourra pas reprocher à Bruno Dumont de ne pas tenter autre chose ; De ne pas agrandir son champ d’action jusqu’à se fourvoyer. Son cinéma est toujours là, simplement, il s’est un peu transformé. Hadewijch, il y a sept ans, montrait un essoufflement. Hors Satan, dans la foulée, fermait la boucle La vie de Jésus / L’humanité, c’était sa limite. Pour rebondir, le cinéaste a changé deux choses. Il a d’abord injecté une star, pour la première fois dans son cinéma, c’était Binoche dans Camille Claudel, mais le personnage demandait cette présence, en somme le cinéma de Dumont se transformait mais ne changeait guère. Puis il s’est ouvert à la comédie, avec P’tit Quinquin. Si ce sont à mes yeux ses moins bons films, avant Ma Loute, ils me passionnent pour ce qu’ils représentent dans l’évolution du cinéma de Dumont, qui étire alors son dispositif, tente de s’extirper d’un monde cloisonné pour s’aventurer là où on ne l’attendais pas et pour tout dire, là où on craignait de l’y voir. Ma Loute constitue l’évolution ultime de sa mue, jusqu’à la saturation. C’est un fourre-tout indigeste qui embrasse autant Fellini que Tati, Keaton que Laurel & Hardy. Ça pouvait être génial, j’y croyais. J’aurais aimé l’adorer. J’aurais adoré accepter sa démesure. Mais c’est impossible. Déjà parce que je trouve le film, sauf à de rares exceptions, pas vraiment drôle. L’humour, difficile de se mettre d’accord là-dessus, de toute façon – Mais, en gros, ça m’évoque Les caprices de Marie de Philippe De Broca, ou plus récemment le Tip Top de Serge Bozon, des trucs qui doivent probablement faire rire plein de gens, mais que moi je trouve insupportable. La faute aussi à la certitude que le film semble imposer dans chaque plan d’être le pionnier d’un mélange nouveau. On retrouve les gueules habituelles des films de Dumont, oui, mais on doit aussi s’en farcir d’autres, qu’on ne veut vraiment pas voir ici. Ce mélange entre acteurs non professionnels et stars crée un gouffre gênant puisque Dumont tente d’y mettre le même humour décalé partout. L’effacement forcé de Tedeschi, les grimaces et la démarche bossu de Luchini, les geignements à n’en plus finir de Binoche – Je ne veux plus jamais les voir ces trois-là. Toutes les séquences chez les Van Peteghem sont nulles, laides, assourdissantes. Toutes celles avec les deux flics, copie conforme de ceux de Quinquin, m’ont gonflé. Reste alors tous ces instants avec les Brufort, qui m’ont arraché quelques sourires, voire deux/trois fou rire. La comédie, c’est là qu’elle se joue je pense. Dans ces innombrables traversées de marécages. Dans ces dégustations gore de bourgeois déchiquetés. Il y a aussi une grande trouvaille, une seule, en fin de compte : Billy. Personnage androgyne magnifique. Acteur (actrice ?) qui dévore chaque plan par son silence, la puissance de son regard, l’étrangeté de sa démarche. Et dans la relation qu’ils entretiennent lui/elle et Ma Loute une approche qui peut rappeler cette merveille qu’est La vie de Jésus. J’aurais voulu rester avec eux et/ou la famille Brufort en permanence, ce qui équivaut à rester dehors, en fait, car Dumont outre les visages a toujours su filmer ses extérieurs comme personne, capter une respiration inconnue et faire exploser un univers sonore d’une richesse qui n’a d’égal que la folie de sa quête. Il ne reste ici que des bribes de ce plaisir, souvent noyés dans une succession de bruits et de grincements appuyés qui dans leur excès alourdissent le film de manière définitive. Alors c’est vrai qu’on n’a jamais vu ça. C’est vrai que le film est anormalement gore, trop extrême pour ne pas en rire, trop en surrégime pour s’y lover comme on pouvait le faire auparavant chez Dumont, même dans P’tit Quinquin. Il n’y a plus de limites, plus de lois physiques, plus de scénario, plus aucune concordance dans les enchainements et les dialogues. Mais purée, ce que ça peut être lourd. Trop immédiat pour faire date. Trop auto-satisfait pour offrir de véritables envolées, tant c’est un festival de mini-saynètes sans queue ni tête. Un bd mal transformée. Ce qui ne trompe pas : Chez les Brufort on ne comprend rien mais on comprend tout. Chez les Van Peteghem c’est l’inverse. J’étais ravi de voir Dumont changer de cap. Mais je dépose les armes. Rendez-moi l’ancien, please.


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