Road « soul challenger » trip.
9.0 Vanishing point est hanté par un regard, celui de Kowalski, ancien pilote de course professionnel, ancien du Vietnam, ancien cascadeur, ancien flic aussi ; Un regard désenchanté, qui semble avoir vrillé depuis longtemps, un passé que les superbes autant qu’ils sont discrets flashbacks, disséminés ici ou là, vont éclaircir afin d’apporter à ce regard perdu une émotion à partager, une douleur à confesser ; Vincent Gallo s’en inspirera beaucoup pour son déchirant The brown bunny.
Mais à l’inverse de Bud, Kowalski n’est pas en quête, ni d’un deuil à construire sur l’asphalte désertique (Son quotidien est mécanique : il conduit des voitures d’un endroit à un autre) ni de fleurs qui pourraient lui rappeler celle qui s’est fanée, un jour, dans l’océan – L’image terrible de cette planche de surf, abandonnée sur le sable. Ce sont des légendes déchues, réfugiés dans le silence, rongés par la solitude. Les derniers héros américains – Pour reprendre les mots de Super soul.
C’est à Denver, dans le Colorado, que la Dodge Chevrolet 1970 blanche embarque Kowalski (et non l’inverse) dans sa course folle, cavale qui se poursuit dans les plaines arides du Nevada avant de s’achever dans la chaleur californienne. A Cisco, plus précisément, là où le film s’ouvre, dans un village paumé, qu’une droite ligne de bitume vient traverser et sur laquelle on a disposé des bulldozers en guise de barrage de police. C’est la fin de la course.
Un retour en arrière s’impose, deux jours plus tôt, pour comprendre cette issue macabre, cette image de bolide que l’on imagine s’écrasant sur ces monstres d’acier, tandis qu’il devait sillonner le pays jusqu’à San Francisco, contre un peu de thune. Une sale affaire de jag dans le fossé, d’une part puis deux autostop malveillants ensuite. Et voilà Kowalski coincé dans le seul endroit où il est impossible de se cacher, ou presque – Superbe séquence de cache-cache improvisée sous des arbustes, avec le vieil homme aux serpents, rencontrés là, errant comme tant d’autres.
Dans ce dernier voyage, aux allures de doux purgatoire, Kowalski fait à nouveau figure de légende à travers le pays, un baroudeur innocent mais poursuivi bientôt par une véritable horde de forces de l’ordre. Il sera donc épaulé, hors-champ par un pays qui sacre son dernier hippie, mais aussi par la radio Kow (bientôt rebaptisée Radio Kowalski) et son trublion et aveugle présentateur SuperSoul qui fait de Kowalski son idole révolutionnaire, le dernier symbole de liberté – Un moment donné, via une astuce de montage, on croit même qu’ils dialoguent tous deux. Un accompagnant médiatique qui sera fatalement la cause de sa chute.
Et avant l’issue fatale, Kowalski va entrevoir des visions douces, trouver des correspondances funèbres : Au sayonara déclamé par sa femme dans ce souvenir halluciné répond le Vaya con dios du vieil homme aux serpents. Et croiser des regards. Chez Gallo ce sont des rencontres aussitôt avortées. Chez Sarafian, ces figures féminines qui viennent croiser le regard de Kowalski sont des présences purement fantomatiques, ici une lumière blonde qui semble surgir de l’asphalte aux abords d’une station essence, que Kowalski observe, avec l’insistance d’un regard en plein rêve éveillé ; Plus loin, l’apparition d’une hippie, nue sur une moto, lui offre l’image d’un bonheur sauvage, éternel et des amphétamines pour garder le sourire. Il n’a plus qu’à s’en aller mourir.
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