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Archives pour 31 octobre, 2016

Freaks & Geeks – Saison 1 – NBC – 1999/2000

F&GFGCandeur et clairvoyance.

   9.0   Lorsque Ken (Un freak) et Sam (Un geek) se croisent dans les toilettes du lycée, ils ont peur, non pas l’un de l’autre, mais de la façon dont ils vont annoncer leur rupture amoureuse respective. Avant de se croiser, l’un semble appeler à l’aide devant le miroir quand l’autre se confond en vomissements. D’habitude ils se seraient à peine toisés, cette fois ils se confient l’un à l’autre. Quand Sam énumère les nombreux désaccords qui nourrissent sa relation avec Cindy, qui pourtant était la fille du lycée qu’il convoitait depuis toujours, Ken réalise que son blocage sur la révélation de l’androgynie de Vicky importe moins que tous ces parfaits instants partagés à ses côtés. Toute la magie de Freaks & Geeks se résume dans cet échange. Et dans le & du titre. Une simple conjonction qui en dit long.

     Kim, Ken, Daniel et Nick sont les freaks du titre. Ils passent leur journée à glander, fumer, sécher les cours. On les trouve dans un recoin de la cage d’escalier du lycée, sous les gradins du stade de football ou dans un garage faisant vivre sans réelle conviction leur groupe de rock. Sam, Neal et Bill sont les geeks. Ils sont plutôt bons à l’école sauf en sport où ils sont systématiquement choisi en dernier. Au lycée, ils n’ont de place nulle part sinon dans le cours d’audio-visuel, puisque dans le domaine jeux/télé/science-fiction ils sont imbattables – Jusqu’à faire des soirées Dallas ou Donjons & Dragons. Lindsay est la grande sœur de Sam. Elle fait partie du groupe des mathlètes, c’est une tête. Ni freak ni geek. Comme il y a aussi, dans un autre registre, les sportifs. Le récit se déroule en 1981 dans le lycée McKinley, Michigan.

     Une année placée sous le joug du bouleversement. Tout du moins chez les Weir, petite famille bien huilée où papa tient son petit commerce quand maman se charge du foyer. Bouleversement puisque c’est la première année lycée de Sam mais aussi parce que c’est le moment qu’a choisi Lindsay pour suivre ses envies donc quitter son groupe studieux, s’éloigner de sa meilleure amie Millie pour se rapprocher peu à peu du groupe moins envié (si ce n’est par les geeks puisque « They having sex ») des freaks. Ils sont loin de Lindsay mais elle semble y trouver son compte, se découvrir une autre facette d’elle-même, d’autant qu’elle sort bientôt avec Nick (Jason Segel) puis devient proche de Kim (Busy Phillips) non sans labeur. La conjonction de simultanéité du titre est en marche.

     La saison contient 18 épisodes, parfois inégaux (Surtout vers le début), parfois bouleversants (Essentiellement vers la fin) et souvent bien agencés, drôles, émouvants, généreux, bienveillants. C’est toute la marque Feig / Apatow qui prend son envol ici, brossant minutieusement une multitude de personnages (Elèves, mais aussi profs et parents), s’ouvrant autant sur des envolées burlesques (la retrouvaille sexuelle des parents Weir, la convocation Lindsay/Daniel chez le proviseur) que magiques (La cohabitation de Bill avec Beau papa à venir Coach Fredricks aka Biff Tannen, devant un épisode de Dallas ou dans une sortie karting) et tragiques (L’épisode où Neal trouve la télécommande du garage de la maîtresse de son père, puis toutes les situations qui en découlent avant cet apogée déchirante de l’adolescent déçu réfugié dans les bras de sa mère). Il y a aussi cet épisode très gênant où Kim présente Lindsay à ses parents, comme étant sa nouvelle meilleure amie pour leur montrer qu’elle a changé ses fréquentations, de façon à ne pas se faire confisquer sa voiture. Sans parler de ce jeu de chat et de souris qui se joue continuellement entre Lindsay et Nick, notamment dans la sublime séquence du concert étoilé ; Ni de la sublime relation entre Ken & Amy, la joueuse de tuba dans l’orchestre du lycée.

     J’ai en tête cet autre épisode, sublime, où Lindsay doute de son devenir freak, revient chez les mathlètes pour finalement retourner vers Nick, Ken, Kim et Daniel en expliquant préalablement à Millie, dans une confrontation post soirée pyjama, son besoin de suivre son instinct. On retrouve d’ailleurs le miroir de cette séquence à la toute fin quand elle fait croire à ses parents qu’elle va rejoindre une classe de maths pour l’été (de façon à intégrer dans la foulée l’université idéale, ce que ses parents ont toujours rêvé pour elle mais sans doute plus pour eux à travers elle) alors qu’elle a déjà programmé son road trip Grateful Dead avec Kim et un couple hippie qu’elle vient à peine de rencontrer. Si cette fin est si forte c’est parce qu’on a suivi, sans doute plus que les autres personnages, l’évolution de Lindsay, dans l’année de sa pleine transfiguration, maturité, réflexion, doutant et se cherchant constamment, faisant ici une marche arrière éphémère (le retour aux mathlètes), expérimentant là des interdits cools (hilarant épisode chichon) et bien entendu, tombant amoureuse. Jusqu’à cette fin qui prend le parti du choix. Qu’importe l’avenir, c’est le choix, le sien et tout ce qui l’a mené à ce choix qui est déchirant. Difficile de faire portrait d’une adolescente aussi riche et nuancé.

     Mais on pourrait en dire autant de Daniel (James Franco) qui refoule un désir insaisissable de réussite (Il essaie à plusieurs reprises de se reprendre en main pour ne pas repiquer à nouveau, ici dans une discussion avec Harris, là dans un cours du soir auprès de Lindsay) et de changement de groupe (Qu’une punition au quartier audiovisuel va déclencher). Sur les derniers épisodes c’est en lui que je me suis le plus identifié – Parce que j’étais sans doute plus freak que geek, sans certitudes non plus. L’impression que notre médiocrité commune (accepter que l’on ne sera jamais une Lindsay) rejoignait cet éternel questionnement adolescent : Et si j’étais plus geek que freak (Ou l’inverse, évidemment) ? Le Donjons & Dragons du dernier épisode est inattendu, miraculeux (Et confirme la bande Feig / Apatow comme les nouveaux auteurs comiques et sensibles) avec ces geeks accueillant le freak se demandant du coup si ça fait d’eux des moitiés de Freaks ou non. Une scène qui marque un sommet de Freaks & Geeks. On devrait faire un film là-dessus.

     Ce qui fait le sel de Freaks & Geeks et constituera le système de la néo-comédie des années 2000 (Apatow et dérivés) c’est son besoin de mettre en valeur les habituels réprouvés, ceux qui doutent, ceux qui glandent mais aspirent à autre chose, ceux qui ont des boutons mais qui pensent à baiser. Bref, ceux qu’on ne peut définitivement pas mettre dans des cases, comme la comédie nous avait trop souvent habitué, notamment chez les sportifs ou cheerleaders dont on se fiche pas mal ici. Pourtant, ils sont là ; Parce que Sam est amoureux de Cindy Sanders, la plus belle cheerleader du lycée, elle-même entichée du plus attirant sportif. Ils sont là mais ne sont jamais le centre de gravité du show. Apatow explique dans l’interview qu’il a donné à Burdeau dans le livre Comédie mode d’emploi, comment Paul Feig avait travaillé l’écriture autour de chacun des personnages, jusqu’à ceux dont l’apparition relève presque de l’anecdote. C’est pourquoi la série fonctionne si bien, ce pourquoi on y croit. Autant en ces personnages qu’en ces acteurs, tous choisis, voulus par les créateurs. Ainsi Lindsay portera, toute la saison durant, une veste vert kaki héritée de son père, probablement pour honorer la mémoire de sa grand-mère récemment défunte. Nick, lui, obsédé par le rock (avant sa transformation disco) vante les mérites de sa méga batterie 29 caisses qu’il se bat pour garder contre un père intransigeant, héritier probable de l’époque Vietnam. Petits éléments parmi d’autres disséminés ci et là accentuant épisode après épisode, la richesse du récit.

     Au niveau des invités on note la présence, déjà, de Leslie Mann aka Mme Apatow en prof de bio douce comme tout ; On croise aussi Jason Schwartzman le temps d’une scène qui semble échappée d’un futur film de Wes Anderson ou encore Ben Stiller dans un rôle hilarant de garde du corps du président de la République. Et l’on peut aussi voir une brève apparition du jeune Shia Labeouf campant la mascotte de Basket-Ball blessé au bras, que Sam puis Neal vont s’empresser de remplacer, pour des raisons bien opposées. Apparitions qu’il est d’autant plus délicieux de croiser aujourd’hui, forcément.

     Quoiqu’il en soit, Lindsay, Sam, Ken, Daniel, Neal, Bill, Kim sont devenus ma nouvelle bande de potes ; Ils m’ont fait vibrer. Que serais-je aujourd’hui si ma découverte de Freaks & Geeks remontait à 1999, l’époque de sa sortie ? J’avais l’âge de Sam. Sûr que ça aurait tout changé. Ils auraient été mes héros, ils m’auraient aidé à traverser les terribles années collège. Nettement plus que tout le reste. De bout en bout, jusqu’à cette fin parfaite. En fait, oui, Freaks & Geeks est à mes yeux une série absolument parfaite, dans son genre.

Brooklyn Village (Little Men) – Ira Sachs – 2016

14560026_10154034637017106_4377519277706047537_oLes enfants.

   8.0   Le titre original est plus adapté car si le film se concentre sur une parcelle de Brooklyn, il s’agit moins de raconter la vie dans l’arrondissement new-yorkais, comme avait pu le faire en début d’année Wiseman dans Jackson Heights, que d’évoquer la rencontre et l’amitié entre deux garçons, perturbée malgré eux par les obligations des adultes, leurs parents se disputant bientôt le contrat de bail locatif qui les unit.

     Et la première séquence annonce le ton du film. Jake rentre du collège quand le téléphone sonne. Un « ami » de la famille (Qui dit ne pas l’avoir vu depuis bambin) lui demande quand auront lieu les funérailles de son grand-père. La scène pourrait être anodine et superflue si ne se dessinait pas sur le visage de Jake la méconnaissance de cette information. En une scène, un coup de téléphone, bref, fragile, le fossé est déjà creusé. L’adolescent, pourtant dans sa bulle de candeur, est contraint d’interférer avec le drame adulte.

     La famille Jardine emménage bientôt à Brooklyn dans l’appartement du grand-père défunt qu’ils ont hérité. Ils font connaissance avec Leonor Calvelli qui paie le loyer d’une partie de la maison pour y assurer son commerce : Une petite boutique de fringues, qui ne marche pas vraiment. Leurs fils respectifs, Jake et Tony, bien que très différents l’un de l’autre, deviennent vite inséparables, projetant même d’entrer tous deux l’année suivante dans la prestigieuse école artistique de LaGuardia.

     Si le petit quartier dépeint par Ira Sachs ressemble à un carrefour de possibilités et de plaisir, avec ses longs trottoirs traversés en rollers et trottinettes, ses parties de foot dans les parcs, ses cours de théâtre, ses petits barbecues, il s’en échappe parfois au détour d’une moquerie d’ados ou d’un échec de séduction, une cruauté en sourdine. C’est bien entendu lorsque cette histoire de loyer sous côté (pénalisant l’héritage partagé entre les Jardine frère et sœur) prend une tournure résignée que le film s’ouvre à la tragédie, d’autant plus moderne qu’il s’agit d’une tragédie causée par le capitalisme.

     Quand les deux garçons comprennent sans comprendre ce qui se trame dans leur dos, ils décident de faire grève de la parole comme dans Bonjour, de Ozu. En parallèle, quand les discussions de consentement chez les grands ne trouvent aucun terrain d’entente (Les Jardine ne peuvent pas vivre du loyer que le grand-père n’avait jamais augmenté ; Leonor Calvelli est dans l’impossibilité de le payer trois fois plus cher) les procédures deviennent vite moins cordiales. L’argent est entré en jeu. Sachs n’ira certes pas aussi loin que Bresson, pourtant son film raconte déjà tout des rapports qui régissent le monde moderne. 

     Dingue de voir Brooklyn Village sortir quasi la même semaine qu’Aquarius tant ils évoquent un problème de fond similaire, même si l’un s’ancre nettement plus dans le combat (Contre un promoteur) que l’autre dans un conflit plus ténu, de gentrification, probablement plus tragique justement parce qu’il n’y a pas de combat possible, pas de véritable méchant sinon la hausse du marché immobilier. Et dans cette optique, que le film choisisse avant tout de suivre ces gamins de treize ans mais aussi de ne pas vraiment révéler le lien qui unissait cette mère portoricaine avec le grand-père accentue ce gouffre d’incompréhension et d’indifférence de chacun face aux problèmes de l’autre.

     Ira Sachs, comme à son habitude (Je n’ai vu que trois de ses films et tous sont merveilleux) parvient à capter cette délicate respiration et construit son récit par petites touches qui s’additionnent, de longs duos de discussions surtout qui chevauchent de belles échappées adolescentes, entre jeux vidéos, sorties rollers et l’art (Ici le dessin, le théâtre) toujours unique rempart contre la cruauté du monde. Il y a des séquences que je ne suis pas prêt d’oublier. Et la toute fin à LaGuardia, est un crève-cœur. Quant à Theo Taplitz et Michael Barbieri, jouant Jake et Tony, ce sont d’ores et déjà de grandes trouvailles. Bref, ça a la grâce d’un Ozu et la délicatesse d’un Kore-Eda, c’est donc immanquable.


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