Le bal des maudits.
6.5 Tout le monde est suspect. C’est la devise de la franchise. Et si l’on prenait un malin plaisir dans le premier opus à tenter de débusquer le tueur au masque blanc, cette excitation a presque totalement disparu ici. On connait dorénavant la musique et le film joue tellement avec son statut de suite qu’il s’avère peu passionnant niveau effet de surprises, à l’égard du premier, mais son enjeu est ailleurs.
Il s’agit moins de réenclencher la dynamique traumatique et la sordidité d’une histoire sur deux temporalités que d’y injecter de nouvelles règles, tout en enfonçant le clou de la démarche théorique à l’extrême. Avec Scream, Wes Craven poussait déjà son procédé assez loin, là il l’explose littéralement. Scream 2 devient un slasher parodique, mais un slasher parodique qui tient la route en tant que film d’horreur. Un objet de fascination dans chacun de ses enchainements, jouant in fine davantage avec le rire qu’avec la peur.
Car c’est bien dans les dialogues que cette suite prend du galon. On y voit des étudiants en cinéma déblatérer sur les bienfaits et méfaits des suites, citant tout un pan des films cultes américains. Et les personnages ont vite conscience qu’ils sont eux-mêmes plongés dans une suite. Il faut donc prendre en considération les nouvelles règles que celle-ci impose : Davantage de cadavres et de sang, meurtres plus élaborés et table rase du petit ami psychotique. Craven, par Randy, nous offre la progression de son nouveau jeu de massacre. D’ailleurs, les nouveaux personnages (Mickey, Hallie et Derek) sont de (pâles) copies de Randy, Tatum et Billy.
Le film s’ouvre par une séquence au cinéma. On y voit un couple à la première de Stab, film relatant des faits exacts de la tragédie de Woodsboro, soit toute l’histoire du premier Scream. Lui trouve que les films d’horreur sont de parfaits préliminaires, elle ne supporte pas que le genre exclu systématiquement les afro-américains. On verra quelques extraits de ce film dans le film, Craven n’ayant modifié que les acteurs, autrement chaque plan est une quasi copie de son propre vrai film. Réflexion donc sur la suite, son caractère mercantile comme la destruction des codes mis en place, Craven réalisant en parallèle une suite plus fade (mais plus chargée théoriquement) allant jusqu’à enfiler du kitch à outrance ici dans les retrouvailles entre Gale et Dewey (accompagnées à plusieurs reprises par le morceau de Broken Arrow) ou là quand le petit ami rejoue la chansonnette de Tom Cruise dans Top Gun.
Les survivants du massacre perpétués par nos deux compères, Billy et Stuart – c’était la grande surprise de Scream, deux tueurs qui se relayaient – sont convoqués dans ce nouveau terrain miné sous forme de jeu de piste – les noms et prénoms des victimes correspondent à ceux du premier, procédé ridicule et vite oublié, qui aurait eu sa place dans la franchise Scary movie – dans la partie School of film du campus. Si Sidney joue Cassandre au théâtre, Randy et les autres sont en cours de théorie de cinéma, débattant sur les suites au cinéma. Craven se moque. Il accepte que son Scream 2 ne soit plus qu’un produit marchant, aux allures du Stab qui s’y joue dedans. Sidney avait prévenu : Avec sa chance, si un film sortait sur le massacre de Woodsboro, son personnage serait campé par Tori Spelling. Sidney remets une mandale à Gale quand elle lui demande une interview avec Cotton Weary, innocenté depuis les faits ; Et on y réentend même le morceau de Nick Cave & The Bad Seeds, c’est dire à quel point Craven joue avec cette idée de recyclage.
On retrouve dans Scream 2 ce qui faisait le relent giallesque du premier : l’impossibilité pour la victime de s’en sortir, chaque fois prisonnière d’une situation inextricable (Casey, Tatum puis Randy) ; C’est le tueur qui semble chanceux, à qui tout sourit. Ainsi lors de la première séquence, directement en miroir à celle du premier Scream, le garçon se fait poignarder dans les toilettes du cinéma et le tueur peut se dissimuler dans la foule puisque c’est la première du film et que tous sont munis d’un masque – L’aliénation mercantile, une fois de plus. Il enfile la veste en cuir de sa victime et s’en va s’asseoir à côté de sa petite amie, prise dans les soubresauts du film qui voit Casey Baker se faire poursuivre puis trucider (sensiblement de la même manière que dans le vrai Scream) avant qu’elle ne se fasse poignarder à son tour devant une salle hilare, trop prise par le film pour y faire attention.
Plus tard, c’est cette jeune étudiante en ciné, que l’on voit discuter un peu plus tôt sur le sujet des suites, les réduisant à de simples pâles copies, Campée par Sarah Michelle Gellar qui passe par le balcon après avoir été poignardé, parce qu’elle était condamnée à garder une baraque pendant que tous sont à une fête : Toujours cette impuissance et cette solitude inexorable, héritée du Halloween, de Carpenter.
Plus tard encore et c’est là d’autant plus flagrant, Dewey (survivant improbable de Woodsboro) se trouve derrière une vitre de plexiglas et tente d’appeler Gale Weathers, la journaliste arriviste toujours dans la course. Il est alors massacré sous les yeux de la jeune femme, dont on n’entend guère les cris masqués par ce nouvel obstacle. Dans Scream, tout est en faveur du tueur. C’est lui seulement qui se met en difficulté, et chaque fois parce qu’il est divisé en deux. C’est quand le masque disparait qu’il court à sa perte. C’est assez fascinant. Pourtant, Dewey s’en sortira encore – Survivant éternel de Woodsboro. Le film s’amuse aussi beaucoup avec les règles bouffonnes qui font survivre les personnages essentiels. Et les scènes climax se déroulent dans une salle d’enregistrement puis dans une salle de répétition. Il y a aussi une séquence plus classique dans une bagnole, bien torchée certes mais purement gratuite, qui rejoue une nouvelle fois celle du premier Scream. On est dans l’imitation pure ; Et puisque l’on sait que les couples de tueurs peuvent se mutiler pour faire croire à leur innocence, la blessure du petit ami ne le mets pas hors-jeu pour autant et le pousse souvent à être le coupable idéal.
Finalement, Scream 2 est un film improbable dès sa première scène et la sortie en salle d’un film qui relate exactement la tragédie de Scream, personne ne laisserait faire une chose pareille. Tout comme sa fin avec la révélation du vrai tueur, du vrai mobile. On n’y croit pas une seule seconde (Même si la vengeance de la mère pourrait faire un écho inversé à Vendredi 13, puisque Jason suivaient ensuite les traces de sa mère) comme on ne croit pas non plus aux nouveaux personnages, sinon qu’ils sont uniquement là pour servir de victimes ou bourreaux. Les jump scares à outrance, les suspects qui pullulent. C’est vraiment pour les afficionados tant les effets de surprise se font rares. Mais encore une fois ce n’est pas ce qui m’intéresse dans Scream 2. Craven s’amuse et nous aussi.