L’amour est plus froid que la mort.
2.5 Dans un monde à peine futuriste, la société ne tolère plus les célibataires. Ceux-ci sont donc arrêtés et parqués dans un centre spécialisé et luxueux, dans lequel ils auront 45 jours pour rencontrer un(e) prétendant(e) parmi les pensionnaires sous peine de se faire transformer en l’animal de leur choix. David (Colin Farell) entre dans l’un de ces pénitenciers hôteliers. Il coche la case « hétérosexuel » et choisit le homard comme animal de réincarnation, en cas d’échec. Pas grand-chose à dire à propos de cette fable dystopique. L’idée me plaisait. Mais l’idée, souvent, c’est l’arbre qui cache la forêt. Je ne connaissais pas Lanthimos (Pas vu ni Canine ni Alps) et ça ne me donne pas envie d’en découvrir davantage. The Lobster contient probablement tout ce qui me rebute au cinéma : Le geste concept, l’absolue maitrise formelle, la suffisance allégorique, le casting international inutile, un découpage grossier, la froideur des cadres, des postures, des paroles. Un vrai cauchemar, dans la lignée de We need to talk about Kevin. Qui se voudrait Pasolinien mais fait plus post Haneckien, sans lui arriver à la cheville. La première partie est intrigante, notamment cette affaire de chasse de solitaires (ceux qui ont choisi de refuser le modèle imposé) avec possibilité de récupérer un jour pour chaque capture. Mais déjà, c’est d’un cynisme irritant : On punit la masturbation en obligeant le pêcheur à mettre sa main dans un grille-pain ; Des femmes de chambre viennent stimuler les hôtes, sans les faire jouir, de façon à les pousser à la séduction ; David cède au mensonge en prétendant être tombé amoureux de la fille sans cœur. Le second mouvement, dans les bois, avec la secte secrète en miroir, est interminable puisqu’il voudrait remettre en selle le désir, la possibilité de l’amour sans concessions, avec l’arrivée de la femme myope (Rachel Weisz), bientôt amoureuse de David et celle de la chef des solitaires (Léa Seydoux) monstre sans affect – Ah, ces plans en contre-plongée ! Lanthimos s’est tellement amusé à détruire la possibilité affective auparavant – Aboutissement horrifique avec le frère chien, ce n’est même plus de la misanthropie à ce niveau de cruauté – qu’on ne croit plus en sa réapparition, on ne croit plus en aucune situation, on se fiche complètement de ce qui peut arriver aux personnages, qui ne sont plus que des pantins désincarnés au service d’un scénario haut de gamme. Car de sa société totalitaire, irrespirable, érigée dans l’hôtel nous avons plongé dans la forêt, dans son exact contraire éthique, tout aussi totalitaire et irrespirable. The Lobster, film glacial, sans âme. Bref, l’horreur.