La chèvre.
5.0 Un brin masochiste, Keaton ? Probablement. Daydreams n’est pas le premier de ses courts à le mettre dans des situations aussi rocambolesques qu’humiliantes. Néanmoins, C’est la première fois où il va si loin dans le symbole, avec en point d’orgue de le voir tel un hamster tourner dans la roue à aubes d’un bateau (gag interminable, soit dit en passant) avant qu’il ne soit pêché puis remis à l’eau comme appât, et pour finir être rapatrié par la Poste. C’est que fou amoureux, Buster avait convenu avec le père de sa promise, qui souhaite marier sa fille à un bon parti, de se tuer s’il ne parvenait pas à trouver une situation stable. Chose, accompagnée d’un ultime gag à base d’un revolver récalcitrant, qu’il ne parvient même pas à faire.
Tout le film est construit sur une répétition un peu poussive qui voit Buster raconter par lettres son nouveau travail à sa chère et tendre, en enjolivant comme il faut, puis se faire lourder, indéfiniment. Ainsi il se vante chirurgien célèbre, mais n’est qu’un assistant vétérinaire particulièrement laborieux – Gag du chien et du putois à l’appui ; Puis se voit dans les hautes sphères de la finance, alors qu’il nettoie les rues de Wall Street ; Puis comédien au théâtre (la demoiselle l’imagine en Hamlet) dans lequel il joue un simple sidekick déguisé en romain, viré illico après une nouvelle maladresse keatonienne, et poursuivi bientôt (C’est la deuxième partie du film) par tous les policiers de la ville. Là encore il manque une cohésion, rythmique et dramatique, si j’ose dire. D’autant que les gags sont assez peu inspirés.
Le refuge.
6.0 The haunted house s’ouvre sur un plan de Wall Street, ville hantée, d’une certaine manière. Mais c’est un leurre puisque c’est dans une petite banque que la première partie du film se joue. Keaton y joue un employé un peu simplet, qui outre de faire plaisir à une cliente en avançant l’horloge du coffre, trempe par inadvertance ses doigts dans la glue avant d’en mettre sur une liasse de billets qu’il devait remettre à un autre client. Effet boule de neige, comme d’habitude, d’autant que c’est le moment qu’a choisi une bande de faussaires pour cambrioler la banque mais vont vite prendre la fuite en découvrant Keaton armé, malgré lui, qu’on désignera comme voleur avant qu’il ne fuit à son tour. Ça va à cent à l’heure, comme toujours, mais pas vraiment de trace de fantômes, pour le moment.
C’est alors que Keaton se réfugie dans une maison qui aurait dit-on la particularité d’être hantée. Changement d’ambiance, changement de décor. Et plutôt deux fois qu’une puisque si la maison sert de refuge aux faussaires de la banque, c’est aussi un théâtre secret, dans lequel, en l’occurrence, il est joué Faust. Keaton va donc se retrouver à la fois pris dans les pièges des voleurs destinés à effrayer les policiers, mais aussi être amené à croiser des personnages de la pièce, qui vont lui faire peur, d’une pièce à l’autre. Buster Keaton avait rarement été aussi inventif et limpide dans la gestion du rythme et surtout, il fait de cette mystérieuse maison un endroit aux recoins sans fin permettant de contrebalancer le cadre plus étroit de la banque dans la première partie.
Et ce ne serait pas entièrement du Keaton si le film ne se terminait pas sur un rêve. Après avoir été assommé, le personnage se retrouve à grimper les marches (en écho à celles qu’ils montaient/descendaient souvent sur le cul dans la maison hantée) vers le ciel, on imagine qu’il est mort. Là-haut, il se fait dégager (et descend sur le cul la rampe qui a remplacé les marches, comme dans la maison hantée) et glisse jusque dans les enfers où le diable lui brule les fesses. Puis il se réveille, avec le derrière qui brule (Une affaire de lampe à pétrole renversée) et la fille du président de la banque pour l’étreindre.