Harmonium (Fuchi ni tatsu) – Kôji Fukada – 2017

15965817_10154327255857106_4783888594769103788_nL’ange de la mort.

   3.0   Que s’est-il passé pour que Koji Fukada choisisse de faire ce film après Au revoir l’été ? Que s’est-il passé pour qu’un film aussi cruel supplante un film aussi lumineux ? C’est sans doute que l’auteur japonais est tiraillé entre deux pôles. Dans le précédent il y avait déjà une certaine menace, une noirceur en filigrane qui ne parvenait pourtant pas à contaminer sa lumière. L’évocation de Fukushima ici, un hôtel de passes bien glauque là. Mais le récit choisissait l’humain et la simplicité des rencontres, des errances, pleine d’espérance.

     J’étais à la projection d’Harmonium suivie d’une rencontre-débat avec le cinéaste. Ça a permis de comprendre un peu son fonctionnement et son virage. Les mots qu’il utilisa – traduits par une interprète – le plus souvent c’était son besoin d’évoquer les ténèbres de l’âme humaine. Un écart considérable qui a surtout à voir avec la naissance du projet, puisqu’il tient ça sous le coude depuis dix ans. A l’époque, Koji Fukada n’avait peut-être pas encore vu Rohmer ni lu Balzac, je ne sais pas, je n’ai pas osé lui demander. Mais il a confirmé qu’ils étaient sa source d’inspiration première pour Au revoir l’été.

     Toujours est-il qu’il y a, au delà de la cruauté accablante de son récit, dans le couple d’Harmonium quelque chose de déjà brisé dès le départ, avant même que les coutures du mélo plombé viennent l’anéantir. Et ce couple qui ne dialogue pas, qui cohabite simplement ce sont ses parents, un élément qu’il a évoqué de but en blanc. Koji Fukada devait être quelqu’un de plus torturé il y a dix ans. Mais du coup le film ne sort pas quand il faut, il est en retard, il sonne faux. Il ne fonctionne que par le prisme d’une cruauté disproportionnée. Il faut voir comment cette histoire abracadabrante progresse et se règle dans la douleur, systématiquement, se complait dans un nihilisme sordide.

     Et c’est dommage car il y a de belles choses là aussi, mais des choses qu’on avait autrement mieux vu dans Au revoir l’été, qui respirait et préservait un certain mystère. L’action s’y déroulait d’ailleurs sur un laps de temps très court, celui des vacances, tandis qu’ici on fait ressurgir un passé sordide avant de broyer le présent par une ellipse infecte qui arrache tout pour offrir un avenir encore plus ténébreux. La scène au bord de la rivière illustre tout le film et les deux pôles qui anime l’auteur : La colère de Yasaka, qui finit par retirer ses mots durs mais ils sont là, vient ternir la belle journée familiale qui déjà était troublée plus tôt par une séduction gênante en forêt, avant l’épisode de la photo qu’on retrouvera plus tard et revêtira les couleurs de la tragédie. La suite du film, post ellipse, est horrible. Et jusqu’à la toute fin, qui est pire encore. Haneke adorerait ça.

     Même le titre international (choisi par l’auteur parmi une liste imposée par le distributeur : Le titre original pouvant être traduit par « Au bord du gouffre ») est d’un cynisme déconcertant. Donc vraiment je ne comprends pas. Comment une même personne peut faire Au revoir l’été puis Harmonium ? C’est comme si Rohmer avait pondu Dancer in the dark après Conte d’été, en gros. Bizarre.

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