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Archives pour janvier 2017



Insomnia – Christopher Nolan – 2002

15774913_10154309333557106_5348870620991404231_oDans la brume.

   7.5   « A good cop can’t sleep because he’s missing a piece of the puzzle. And a bad cop can’t sleep because his conscience won’t let him ». Ce sont les mots d’Ellie Burr s’adressant à un Will Dormer de plus en plus contrarié par ses insomnies. Mais en fait, ce sont ceux de Will Dormer. Une citation tirée de l’un de ses bouquins, puisque Ellie Burr en est une grande admiratrice. Insomnia n’aurait pu qu’être cette rencontre entre un flic racé devant faire équipe avec une apprentie fliquette qui a bien révisé pour l’impressionner. Il y a de cela. Cinq minutes. Autant qu’on pourrait croire ce polar lancé sur des bases traditionnelles d’enquête autour d’un serial killer. La séquence pivot arrive très vite dans le récit : La police a localisé le chalet dans lequel vit l’ermite suspecté (du meurtre d’une adolescente) et s’apprête à l’assiéger. C’est dans une forêt embrumée que la séquence s’achèvera. Le suspect aura pris la fuite. Et Will aura flingué son collègue par inadvertance. Une bavure à laquelle personne n’aura eu le plaisir d’assister, hormis nous, spectateur. Enfin pas exactement. Et tout l’intérêt d’Insomnia se trouve dans ce détail de grande importance. L’immense flic que l’ouverture promettait est soudain menacé d’avoir une carrière brisée, ce d’autant plus qu’il était évoqué jusqu’ici, en sourdine, ses démêlés avec la justice sur une ancienne enquête (Si on l’envoie en Alaska c’est surtout pour le mettre sur la touche) et des informations manquantes que son partenaire menaçait de divulguer dans les grandes lignes. Si le film détruit minutieusement la figure du bon flic autant qu’il casse le semblant de buddy-movie initial, il va aussi créer une connexion curieuse entre le flic et sa proie et non l’énième affrontement qu’on s’attendait à voir. Al Pacino & Robin Williams y sont parfaits. Ravi de l’avoir revu.

Simon Werner a disparu… – Fabrice Gobert – 2010

15241811_10154184685292106_8569365039825183212_nConte d’automne.

   8.0   C’était ma troisième fois. J’aime de plus en plus ce film, qui je trouve, ne ressemble pas à ce qu’on a l’habitude de voir dans le paysage du cinéma français. Simon Werner a disparu s’ouvre sur Love like blood, un morceau de Killing Joke. Une fille marche dans un quartier pavillonnaire, dans une banlieue indiscernable. Elle rejoint une fête. Puis on quitte cette fête un peu plus tard, pour aller débusquer un cadavre dans le bois d’à côté. Quand revient la musique au tiers, on comprend qu’on est dans un système de boucles entrelacées, qui s’était ouvert sur la semaine de Jérémie et va se dévoiler/s’épaissir via d’autres personnages.

     Un élève a disparu. Puis plus tard deux élèves disparaîtront encore. Suivant de quel point de vue on se place, on découvre des vérités ou bien on accentue les mystères. Chaque chapitre « centric » à ses trous que le prochain va partiellement combler. Il y en aura quatre : Jérémie, Alice, Rabier, Simon. Offrant au-delà de l’intrigue, une belle galerie de jeunes personnages. J’ai l’impression que le film capte assez bien l’idée qu’on se fait d’un quotidien de lycée, tout en étant hors du temps et jamais assis sur une espèce de réalisme bon teint. Tous les personnages semblent ici et là écouter la bande originale du film dans leur walkman. Ils ont Sonic Youth dans les oreilles. Ça me plait bien.

     Si le film s’ouvre de nuit, il sera en majeure partie relayé par le jour. Avec son ambiance de quartier résidentiel tranquille, enveloppé par les feuilles mortes et le brouillard naissant. Le montage rappelle celui d’Elephant, le film de Gus Van Sant, qui semble être une source d’inspiration évidente pour Fabrice Gobert. Un montage par personnages, avec d’abord, Jérémie le blessé du foot qui organise la soirée durant laquelle on devrait tout découvrir – comme le suggère la séquence initiale. Puis Alice, la bombe du lycée qui sortait avec Simon avant qu’il ne disparaisse. Rabier, le garçon introverti, la victime mais aussi fils du professeur de physique, que tous trouvent bizarre. Et enfin Simon, celui qui a disparu.

     Marrant de voir comme tout semble coller, comme tout permet de faire progresser l’intrigue de façon à parfaitement retomber sur nos pattes. Sauf que pas vraiment. Car « La réalité est parfois décevante » dira Frédéric, quand il avoue que son cocard est dû à une porte – Ce qui n’est d’ailleurs pas le cas. C’est-à-dire qu’ici, Gobert nous prévient de quelque chose, que les mystères peuvent être dérisoires. Mais plus tard il nous révèle l’autre dimension de ce cocard et appelle de nouveau à la méfiance. C’est très beau. Tout le film est là. L’angoisse crescendo qui parcourait Elephant laisse place à quelque chose de plus anodin, qui ne sera pas moins cruel pour autant.

     Il y a donc des instants très beaux, très durs, ces moments qui lèvent le voile sur des relations étranges, hypocrites (je pense à celle entre les deux amies), qui révèlent des personnages que les préjugés enfouissent dans leur propre solitude, et puis aussi des moments très drôles, notamment dans les interactions quotidiennes. Les discussions sont saisies par bribes, elles se chevauchent toutes : L’éventualité d’enlèvements et de la présence d’un tueur méticuleux pour les uns, simple école buissonnière pour les autres, un projet de fête d’anniversaire, des vannes en rafale, des petits secrets et autres banalités quotidiennes.

     Fabrice Gobert a la bonne idée de ne pas trop étirer son dispositif, il aurait pu multiplier les chapitres, en faire davantage (Laetitia, Frédéric, Grammont) mais ils se seraient trop chevauchés les uns les autres d’autant que certains fonctionnent beaucoup en binôme avec d’autres. Le segment Simon est très fort, il répond à tout en nous offrant ce qui pour les autres restera à jamais en suspens / une énigme : la relation amoureuse cachée et le meurtre. Cette fois je l’ai trouvé très émouvant même. J’aime beaucoup sa fin, au café, avec ce ballet de visages à la fois graves et nonchalants.

     Le film aurait pu souffrir de ses répétitions : répliques identiques mots pour mots, gestes pour gestes, ton pour ton de ce que l’on a vu avant ou que l’on verra après, suivant l’angle de vue choisi. L’effet Elephant, en somme. Mais Gobert trouve un juste équilibre, n’en fait jamais trop. La photo d’Agnès Godard est très belle, automnale, lumineuse et menaçante. Et je le répète mais musicalement le film est à tomber, entre la formidable bande originale signée Sonic Youth (super bien utilisée) et le morceau de Killing Joke qui revient en boucle. Caviar.

Crimson Peak – Guillermo del Toro – 2015

15936532_10154320359032106_1436933441282092460_oCrimson boring.

   4.0   A ce jour j’ai donc vu huit films de Guillermo del Toro. C’est en checkant sa filmo sur Wikipedia que je m’en suis rendu compte, ce n’est pas bon signe. Et en effet, je n’aime rien de ce mec. Hormis L’échine du diable que je trouve raté mais intéressant, et Hellboy que je trouve simplement cool, je ne retiens pas grand-chose. Et Crimson Peak vient se loger dans le même panier que Le labyrinthe de Pan : Deux films beaux visuellement, aboutis formellement mais devant lesquels je n’éprouve rien, je ne suis jamais surpris, je m’ennuie terriblement. Crimson Peak c’est un peu le The Assassin gothique, en gros. C’est whaou (parfois) mais surtout boring. Mention spéciale aux 45 premières minutes, d’une paresse effarante. Et longues. Quand débarque Crimson Peak, ce grand manoir qui suinte de partout et s’enfonce dans une terre argileuse, le film éveille un peu la curiosité. Après, ça fait souvent Bava du pauvre, quand même. La fin, quoique prévisible et conventionnelle dans son déroulement, est bien torchée, tout en rouge argile et neige. Le rôle de méchante sied bien à Chastain. Wasikowska est toujours aussi soporifique, en revanche. Et globalement, j’ai déjà tout oublié.

Titanic – James Cameron – 1998

15626413_10154254061627106_5054345512095717855_o« A woman’s heart is a deep ocean of secrets. »

   10.0   Chaque fois que je le revoie je me dis qu’il synthétise tout ce que j’aime dans le cinéma. C’est un film tour de magie, un état de grâce de trois heures. Ou comment raconter une histoire tout en dépassant le fait réel, combiner les genres, s’emparer du temps, faire des enchaînements / superpositions bouleversantes en permanence, faire résonner un naufrage en quasi temps réel et un hors champ temporel de 84 ans.

     Monument cinématographique, ni plus ni moins, Titanic est un film à la grandeur incomparable, un film que l’on ne fera plus, une œuvre patrimoine, incontournable. Le film de tous les superlatifs. James Cameron et sa flamboyance par excellence s’attaquent, après le remarquable Abyss, le jubilatoire Terminator, à un évènement de l’Histoire du XXe siècle, l’une des plus grandes catastrophes maritimes hors guerre : le géant des mers et son destin tragique, en enrobant le tout d’une envolée plus intimiste, histoire d’amour défiant les obstacles imposés par le Monde. Le souffle d’une reconstruction hors du commun couplé à une tragédie romantique éphémère.

     Tout a évidemment été plus ou moins dit, analysé sur la portée de ce film, qui n’en finit pas de fasciner et émerveiller près de vingt ans après sa sortie. On a parlé de plus grand succès de tous les temps. Du film le plus cher de tous les temps. De son ampleur alors sans égale – Et personnellement je ne lui trouve toujours pas d’égal. On a moins évoqué sa prise de position sociale, sans doute parce que dans les mémoires, Titanic c’est une histoire d’amour et un bateau qui coule. Constamment, Cameron poursuit son engagement, cette idée de renoncement d’un statut paramétré, d’un affranchissement des règles morales d’un mode de vie préétabli via Rose (Kate Winslet) qui se voit conviée par Jack (Léonardo DiCaprio) dans un mode de vie plus vivant, plus humain, où chacun a sa place, où l’on vit chaque jour comme une surprise.

     Jack est en troisième classe, vers le fond du bateau (la classe la première touchée pendant la catastrophe), vit au gré de ses dessins et se ses parties de poker qui lui ont entre autres permis d’embarquer à Southampton, puisque c’est une main chanceuse qui le fait voguer vers l’Amérique. Rose est en première. Fiancée à un certain Caledon Hockley, un riche héritier. Sa vie l’emmerde, pour rester poli. Mais sa mère fait pression parce qu’elle compte bien se refaire une santé financière avec ce mariage, ce qui leur permettra de se sortir de leur situation délicate dans laquelle le père les a laissé, sous les dettes. C’est de la prostitution en somme. L’un voit donc le rêve américain lui tendre les bras. L’autre veut couper le cordon. A défaut d’être délivrée par le suicide, Jack l’en empêchant in extremis, Rose sera sauvée par son aventure avec l’artiste, une histoire placée sous le signe de la liberté, qui malheureusement n’aura pas le temps d’éclore, mais aura existé suffisamment pour être racontée.

     Partout sont les symboles thématiques : les deux milieux sont constamment en opposition. Dans le fumoir de première on semble s’ennuyer (en tout cas nous on n’aimerait pas y être) en se perdant dans des discours politiques et masturbatoires sur la richesse de chacun. Les femmes n’y sont même pas conviées. Dans une salle dansante de troisième en revanche, ce que les riches appellent l’entrepont (ce n’est même pas un Pont, c’est un entrepont), la bière coule à flots, la musique irlandaise résonne, les gens rient, crient, bougent, vivent. Un sentiment de supériorité plane sans cesse, d’un étage envers l’autre. De la vie sur les ponts jusque dans le partage des canots. Ceux d’en bas seront les derniers à s’en sortir, les premiers à se noyer. Et leur pouvoir est absent. Lorsqu’un sbire d’Hockley suit la jeune femme, personne ne l’empêche de rentrer. Lorsque Jack monte pour voir Rose, il est bloqué par les gardes et on lui donne un bifton pour qu’il ne revienne pas. Lorsque Jack est invité, un peu plus tôt, à cette soirée pour le remercier de son acte de bravoure, on se moque, on le remarque, il est différent. Lorsque Rose danse en troisième, sapée comme une bourge, personne ne la remarque, elle est comme les autres, se fond dans le paysage. Il y a cette séquence où elle prend conscience de cette vie minable qui la poursuit : Devant elle, une fillette plie sa serviette sur ses genoux, sa mère lui demande de se tenir droite. Rose est horrifiée. Cette vie, depuis toujours c’est aussi la sienne. C’est là qu’elle rejoindra Jack dans cette fameuse scène de la proue. Et il y a d’autres symboles, plus allégorique donc plus discrets comme cette barrette papillon que Rose a dans les cheveux dès sa rencontre avec Jack, le citron dans le café du capitaine Murdoch juste avant la catastrophe, le tic-tac des pendules pendant la scène du dessin, l’évocation de la présence de glace dans la nuit. La menace gronde ici, le désir de vivre s’impose-là.

     Son replacement historique est lui aussi intéressant : outre les costumes, les coutumes, le paquebot, il y a aussi ce parallèle artistique. On évoque Monnet comme un grand. Hockley, qui croit tout savoir, pense que Picasso ne fera jamais parlé de lui. La dimension artistique est là, tout le temps. La qualité pas la taille, Rose remettra Ismay a sa place (l’architecte du paquebot qui ne considère la force qu’en fonction de la taille) en citant Freud, que lui ne connaît guère. Jack dessine, il entreprend une idée de l’art au sens noble, celui d’appréhender et retranscrire le réel. Jeune bourgeoise parée de bijou ou prostituée unijambiste, il ne fait pas de différence. Jack est le plus intelligent, le plus lucide, le plus libre de tous. Seule compte pour lui la mise à nu. Le nu abolit toutes les barrières. C’est la mise à nu qui scelle la transformation de Rose, dans l’entrepont lorsqu’elle s’enivre de bières et danse à l’irlandaise, dans la chambre lorsqu’elle s’offre en modèle. La culture n’est donc pas dans les mœurs bourgeoises, c’est la gente modeste qui la crée.

     La seconde partie du film (post iceberg) est plus trépidante, à la limite du soutenable – Reconnais que tu retiens aussi ton souffle quand Jack cherche la clé en tâtonnant derrière la grille, que tu pries pour tes mains quand Rose brandit une hache façon bûcheron du dimanche, que tu as le cœur serré quand le regard de Rose ne quitte pas celui de Jack lors de son embarcation sur le canot avant de s’en extirper in-extrémis. Centrée sur l’action, cette partie de film semble tout précipiter, comme s’il y avait mille à choses à dire et traiter et qu’il fallait tout régler au plus vite. On manque de temps, Cameron est donc moins subtil mais persévère dans sa critique sociale. La dignité suicidaire des uns affronte l’égoïsme impérieux des autres. Quand un agent ouvre le feu sur la foule et qu’il se rend compte de son geste, il retourne l’arme contre sa tempe. Quand Hockley n’a plus d’arrangements pour monter dans un canot il prend une enfant abandonnée et dit qu’elle n’a plus que lui au monde. Les musiciens, eux, continuent de jouer, se disent adieu avant de jouer encore. On ne peut pas vraiment en vouloir à Cameron de caricaturer certains rôles. Il étoffe en fait, cela lui permet d’être plus tranchant. Et puis on se doute bien que dans cette catégorie de gente aisée il devait bien y avoir une sacrée bande de salopards. La Dignité face à la Survie, tout le temps.

     Les vingt premières minutes pourraient être lourdes, elles sont une mise en abyme totale du cinéma : La quête du trésor se mue en récit romanesque ; On cherche un collier, on trouve un dessin, qui nous apporte une vieille femme qui va nous conter son histoire. Rose devient notre guide. Mais Cameron ne va pas se contenter de son souvenir et s’en va très vite là où elle ne peut savoir, du côté de Jack, avant qu’ils ne se rencontrent. Le film s’est comme émancipé, gagnant son combat contre le scénario. On reviendra au présent par deux fois seulement, avant le naufrage et à la fin, ça suffit, c’est le flash-back le plus élégant de la Terre. Et les visages face à Rose, lors de ce dernier retour, lessivés, silencieux, yeux embués, sont devenus les nôtres.

     Lors de cet épilogue, tout devient entièrement silencieux. Il n’y a plus que la musique, la douce mélodie angélique et funèbre qui résonne et orne le reste d’images, comme dernier cadeau. Images qui succèdent à celles où l’on découvre Rose aujourd’hui, jeter le cœur de l’océan par-dessus bord, montrant qu’elle l’avait toujours gardé, comme le souvenir inépuisable de ce moment érotique et magique passé en compagnie de Jack. Rose vient d’effectuer sa passation de relais, le temps du film. Jack qui n’existait que dans sa propre mémoire vivra désormais aussi dans celle de ceux à qui elle a raconté l’histoire du Titanic comme elle l’avait vécu. Ceux qui venait trouver un collier et nous, qui venions seulement voir un film. Rose peut donc s’en aller. La caméra se glisse dans sa chambre, on voit quelques photos de sa jeunesse, on imagine que Jack fut le moteur de cette vie bien remplie, cette nouvelle vie qu’elle a dû s’octroyer (sous le nom de Rose Dawson) après le naufrage de l’insubmersible. Cameron brise les convenances mélodramatiques, il en fait une fin joyeuse, où l’amour s’en va triompher de l’autre côté, parmi les fantômes : Des photos, une âme qui quitte un corps, entre à nouveau dans le Titanic, encore épave avant qu’il ne revive intégralement comme au premier jour. Rose entre à nouveau dans la grande pièce avec l’escalier et l’horloge (celle où Jack lui a baisé la main la première fois, parce qu’il voulait faire comme au cinéma) où tout le monde l’attend, comme s’il s’agissait d’un mariage, tous les visages qu’elle a croisés sur le paquebot, seulement ceux qui l’ont marqué positivement (on croise le visage de cette jeune fille lors de la danse à l’entrepont, le visage de M. Andrews et d’autres encore), elle rejoint Jack, beau comme au premier jour de leur rencontre, l’embrasse, et tout le monde autour se met à applaudir, tous les morts, ceux qui n’ont pas survécu au naufrage. Rose est acceptée parmi eux, Jack l’attendait. Ils se retrouvent de l’autre côté. Franchement ça donnerait presque envie de mourir.

     La réussite insolente de ce pur miracle cinématographique serait peu de chose sans la maestria de sa mise en scène. Car Titanic est probablement l’exemple le plus probant de la réconciliation entre le grand cinéma de divertissement et celui de la mise en scène – Mais Cameron n’avait pas attendu de faire Titanic pour qu’on s’en rende compte. Il a transformé l’essai. Ou comment parvenir à rendre l’intensité qu’elles méritent à des images d’une telle ampleur. Le travail sur le son, sur l’image est remarquable. Une mouvance permanente : travellings, plans grue, ellipses temporelles et raccords fulgurants, juxtaposition parfaite de plans lointains et proches. Oui c’est flamboyant, ça sent la tune, mais c’est beau. C’est la grâce dans l’excès.

     Au final, on peut se dire que c’est le film le plus rapide de tous les temps, à peine est-il commencé qu’il est déjà terminé, nous laissant avec nos bouches béats et nos larmes. Et surtout, Titanic n’est pas qu’une simple histoire d’amour ni qu’un simple film catastrophe, c’est une œuvre grandiose, multiple, qui côtoie le charme de l’expressionnisme, la dureté Buñuelienne, la douceur des plus belles rom’com et la flamboyance des grands mélos hollywoodiens. Un chef-d’œuvre inépuisable, que l’on redécouvre autrement, à chaque nouveau visionnage.

Le tout nouveau testament – Jaco van Dormael – 2015

15895926_10154309333842106_2574280263175200281_oLe cinéma tout pourri de Jaco.

   1.5   En guise d’intro, je poste le résumé Wikipedia : Alors que Dieu passe ses journées à rendre la vie des gens infernale, Ea, sa fille, souhaite punir son père pour son comportement. Pour libérer les humains de la peur de la mort, elle dévoile par SMS la date de décès de chaque individu et bloque l’ordinateur de Dieu, qui lui servait à manipuler les mortels. Elle part alors à la recherche de six apôtres pour écrire un « tout Nouveau Testament ».

     Actions commentées en voix off, inserts de bébé, jeux outrés, systématisme des six apôtres présentés en chapitre construit exactement de la même manière (plus lourdingue tu meurs) avec la petite musique pour caractériser chacun des personnages, stéréotypes bibliques (L’image de la cène qui se remplit d’un apôtre supplémentaire à chaque fois, la fille qui marche sur l’eau, le frère nommé JC…) et les violons incessants – dont Le carnaval des animaux repris cinq fois au bas mots. C’est consternant de bout en bout. L’humour belge dans ce que ça a de plus pathétique.

     Et le film se croit tellement osé et irrévérencieux (Mettre un gorille dans le lit de Catherine Deneuve, faire de François Damiens un tueur au fusil sniper Youhou) alors qu’il est tout le contraire : Réac, ringard et conformiste dans sa bêtise, morale et esthétique. Qui clame sa dimension poétique alors qu’il n’est qu’un pot-pourri de tendresse chewing-gum. Qui croit à la farce corrosive tendance surréalisme mais s’avère mièvre et continuellement satisfait. Une comédie belge qui ressemble à toutes les autres, en somme.

     Et le film est d’une condescendance hallucinante, tous les personnages sont débiles (Et les acteurs nullissimes, Benoit Poelvoorde et Yolande Moreau en tête) et Jaco le sait et aime cette image qu’il donne du peuple et de dieu au-dessus desquels il triomphe en démiurge farceur. Au moins il y a un certain souffle dans le cinéma de lourdaud de Jeunet (Auquel il ressemble pas mal) malgré l’attentat au bon goût. Là non. Rien. Purge absolue.

Les naufragés – David Charhon – 2016

15965563_10154320359042106_879685749132259073_n     1.0   David Charhon déjà auteur de De l’autre côté du périph dont la relative sympathie reposait (Dans un vrai grand moment d’indulgence) sur le duo Lafitte/Sy récidive dans le buddy movie mais cette fois sur une ile (pas vraiment) déserte avec Laurent Stocker, le simplet qui vient de se faire lourder en plein voyage de noces, et Daniel Auteuil un banquier en plein scandale financier. Auteuil & Stocker, deux des acteurs français que je ne peux pas supporter, autant dire qu’il y avait peu de chances que ça l’effectue de mon côté, et sans surprise c’est l’horreur. Une catastrophe absolue. Du début à la fin. Rien à sauver. Et donc rien à voir avec le très beau court métrage de Guillaume Brac, Le naufragé. Rien à voir non plus avec Les naufragés de l’île de la tortue, hein, cela va de soi. Avec un bonus varan à te faire frissonner de honte.

Deadpool – Tim Miller – 2016

15965180_10154320359197106_1760328371479267681_n     2.5   Enième sortie Marvel et comme d’habitude, c’est nul. Mais ce n’est pas nul pour les mêmes raisons qu’Avengers ou Captain America sont nuls. Là c’est nul car on te sert un truc qui se clame décomplexé et subversif mais qui semble sans cesse s’excuser de son insolence en te resservant les poncifs habituels malgré le fatras vulgaire et l’utilisation archi-méta qui fait sa pseudo originalité. On est vraiment dans le film de super-héros super-cool pour les adolescents boutonneux mangeant leur popcorn. Un truc pour ados qui n’ont plus onze mais quatorze ans, en gros. Après il y a du rythme hein (encore heureux) donc ça se regarde facilement mais c’est comme Kick-ass, c’est un film de gros beauf, plus agaçant et laid qu’autre chose.

Marie-Octobre – Julien Duvivier – 1959

15940579_10154309333632106_9187536580437468997_nMais qui a tué Castille ?

   5.0   Dix membres d’un ancien réseau de résistance se réunissent pour un dîner quinze ans après que la Gestapo ait tué leur commandant, à la veille de la Libération. Mais en fait, il s’agit surtout de savoir qui du groupe a bien pu les balancer. Le film de Duvivier se déroule intégralement dans une demeure, celle de Marie-Octobre, ancienne résistante, jouée par Danièle Darrieux. Unité de lieu qui rejoint l’unité de temps puisque les retrouvailles semblent se dérouler sur une heure et demi, le temps de la durée du film. Pour réussir un tel dispositif, le rendre vivant, fascinant, mystérieux, il faut j’imagine que la mise en scène surpasse le scénario, que le jeu de la maison fasse oublier celui, plus stéréotypé, des acteurs. J’ai un super exemple là : L’ange exterminateur. Chez Bunuel il ne suffit pas d’un récit béton qui dissémine (un peu trop) savamment et orchestralement ses tiroirs, ni de la présence écrasante de Ventura, Reggiani, Blier et consorts (Ah ça, le casting est au poil) mais il y a des trouées, des folies, des fulgurances de mise en scène, du fantasque bref de l’inattendu et non l’éternel question façon whodunit qu’on se pose à chaque scène : Bordel, mais qui c’est le traître ? Au jeu des dix petits nègres, Duvivier s’amuse beaucoup et de fait compte énormément sur sa pléiade de stars. Tout le monde va traverser la case suspect. Et c’est d’ailleurs dans son dernier quart, lorsque le masque du coupable est tombé, que le film s’avère plus intéressant, sur ce qu’il raconte des illusions déchues, des remords insoutenables, des trahisons par amour, des mensonges qui rongent, de la solitude inexorable de celui à qui l’on demande de mettre fin à ses jours au nom de ceux qui ont péri, en déportation ou exécutions après la chute du réseau. Il y a une cruauté sur ce que ça raconte de la France d’après guerre (Chacun ayant refait sa vie et du même coup, s’est plus ou moins embourgeoisé) qui me semble bien plus pertinent que ce pauvre jeu de chaises musicales bien trop fabriqué qui occupe les trois quarts du film. Bref, c’est pas Douze hommes en colère, quoi.

Le géant de fer (The Iron Giant) – Brad Bird – 1999

15780829_10154280437212106_5037136719877752451_n Merveille d’acier.

   7.5   Découvert cette merveille sur grand écran, accompagné de mon fiston qui a semble t-il été aussi très touché, par les aventures d’Hogarth et du robot géant. C’est passionnant, d’une intelligence folle et le dernier acte est de surcroît bouleversant. Bref, ça pourrait vite devenir l’un de mes dessins animés de chevet. Brad Bird = élégance incarnée! Vivement la sortie Blu-Ray que je vienne reparler du film…

Sausage party – Conrad Vernon & Greg Tiernan – 2016

15871645_10154294271362106_4928744887557399851_nCrazy market.

   6.5   Traduction littérale : Fête des saucisses. On est prévenu, ceci est un dessin animé qui n’est SURTOUT pas destiné aux enfants. Il a même choqué certains grands dont une assemblée de débiles catholico-régressistes qui voulait lui retirer son visa.

     Est-ce que ça fait de Sausage party un bon film ? Un indispensable ? Evidemment que non, d’autant que l’ensemble est aussi exténuant qu’indigeste. Mais c’est une belle curiosité, pour qui est un tant soit peu attaché à la néo-comédie américaine (Et son chef de rampe, Apatow) et tout particulièrement aux trublions qui prêtent leurs voix aux personnages : Seth Rogen (Franck, la saucisse qui veut fourrer un petit pain), Kristen Wiig (Brenda, le petit pain qui rêve de se faire enfiler par une saucisse), Michael Cera (Barry, la saucisse atrophiée, naine et rondouillarde, vrai héros du film), James Franco (L’humain junkie), Danny McBride (Moutarde au miel, le trouble-fête), Bill Hader, Jonah Hill, Paul Rudd. Bref, toute la bande. Enfin, tous ceux qui affrontaient déjà la fin du monde version stoner movie dans This is the end, déjà écrit par Evan Goldberg & Seth Rogen. Même Iris Apatow, la fille cadette du grand manitou, fera la voix des bonbons aux mûres. Ajoutez Salma Hayek et Edward Norton, qui jouent respectivement Teresa, le taco et Sammy, le bagel. Sympathique brochette.

     Quant au langage de la troupe, il est le même que d’habitude, bien gras, bien déviant, bien lourd, bien drôle aussi, souvent. Mais ça va plus loin encore puisqu’ils peuvent dorénavant y mettre des images.

     Violentes : Moutarde, revenu d’entre les dieux, préfèrera s’extirper d’un caddie pour s’éclater au sol ; Une patate est pelée vive, une tomate tranchée nette, des knacki (« They are eating CHILDREN! Fucking CHILDREN! ») croquées goulument ; Une chute de caddie prend la tournure d’une immense scène de guerre façon Omaha beach dans Saving private Ryan.

     Sexuelles : Lavash, la pita musulmane et Sammy, le bagel juif, réalisant qu’ils ont été menés en bateau par leurs croyances, finiront par s’unir physiquement ; Teresa, Franck et Brenda se laisseront séduire par un plan à trois. Auparavant, dans une sombre ruelle, Barry sera tombé sur un préservatif usagé s’époumonant.

     Les deux : Une poire à lavement (Le grand méchant du film) violera une brique de jus d’orange ; Un pot de guacamole se prendra un coup dans les roustons et s’exclamera : « Right in my guac and balls! »

     Et toutes les références habituelles qui vont avec. D’hénaurmes clins d’œil à Ratatouille et T2 – Le chewing-gum T1000, magnifique. Un autre au final de Shutter Island : “It’s better to die a free candy than to live in bondage” criera le popcorn. Une autre à Top gun. Parfois même des autoréférences, ici une réplique de Superbad, là Rogen qui tousse sa fumée comme il la toussait dans Délire express.

     Sausage party est un film aussi léger que du plomb. Un délire de sales gosses. Un défilé de jeux de mots, grossièreté et trashitude comme rarement on avait pu le voir. De mauvais goût assumé quatre-vingt-dix minutes durant. Non-stop comme sa triple aventure qui converge dans un final incroyable.

     Il faut donc être dans de bonnes dispositions. C’est encore plus con que The Interview, ça reste une idée germée dans le cerveau d’un mec défoncé (Et la scène des sels de bains ne fait que raconter ça) qui a dû grandir pour accoucher en feu d’artifice. Rien de plus et tant mieux : ça ne va ni me donner envie de remanger de la viande ni me conforter dans mon désir ne plus en manger, en gros. Sauf que c’est plus intelligent à l’échelle des fondamentaux, c’est clairement un objet amoral érigé contre la société de consommation, une farce athée et pansexuelle qui envoie bouler toutes les religions, rejoue le conflit israélo-palestinien et autres discours homophobes, pour finalement dire que les dieux sont dans nos têtes et qu’ils peuvent être tués, que l’éventualité du paradis est là, sous nos yeux. Et que c’est une immense partouze. Et tout cela un 4 juillet.

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silencio


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