La grande illusion.
6.5 Bien qu’on puisse le rapprocher du cinéma de Larry Clark, Bang Gang trouve vite son identité, son rythme. Il y a un vrai regard 2016 sur une jeunesse qui ne trouve pas sa place, rêve d’amour et se libère dans un trip orgiaque, vain, éphémère.
On est sur la côte Atlantique, dans un bled qui n’est ni précisé par le texte ni par la mise en scène – On reconnaît tout de même Biarritz un moment donné. C’est ici, c’est ailleurs, partout et nulle part. A l’image de cette curieuse affaire, (tirée d’une histoire) vraie sans l’être, allégorique et avortée à peine lancée.
Un petit groupe d’ados de seize ans profitent de la baraque/piscine des vieux de l’un d’eux pour faire la fête, fumer des pétards et baiser. Ils créent ce qu’ils appelleront les Bang Gang, sorte d’actions sans vérités visant la partouze géante, filmée et balancée en ligne. Le smartphone devient le prolongement de leurs désirs et plaisirs, l’ultime instrument de fantasme avec le porno, il est aussi cet écran qui leur adjoint une identité schizophrène.
La mise en scène d’Eva Husson est audacieuse, sensuelle et crue, pleine d’allés et venus entre spleen et sexe. Elle ne semble régie par aucune règle, pas même celle du film solaire, tant on semble hors saison, à la fois proche d’un automne à la Simon Werner que d’un été à la Kids. Une voix off s’extirpe puis est oubliée, un point de vue est délaissé pour un autre, des amitiés se croisent. La grande réussite est probablement d’avoir su créer de fortes personnalités tout en y injectant une interchangeabilité forte, celle d’une adolescence faussement groupée, pas vraiment en duo non plus.
Et si géographiquement le film est très flou, il libère des espaces temporels incongrus ; une réalité quasi parallèle, aux relents fantastiques. Car autour de cette bande d’ados le monde semble se dissoudre dans un chaos de catastrophes ferroviaires. Il y avait déjà cette idée dans le joli 17 filles qui accompagnait ses grossesses d’un curieux univers de crise de pêche.
Bang Gang est un film sans colonne vertébrale, plein de trous que le film ne suffira pas à remplir, des sentiments incompréhensibles. Ici des parents sont absents, là un gamin s’occupe de son père paraplégique. Certains préfèrent mater les jeux olympiques à la téloche plutôt que rejoindre leur amoureuse, embarquer les hamsters de leur classe plutôt que de les laisser seuls en cage tout le week-end.
Il n’y a pas que des bonnes idées, il y a notamment une bonne dose de complaisance parfois dans la mise en scène atmosphérique, sa crudité pas trop trash, c’est aussi très évanescent pour marquer vraiment, mais le film est habité par une belles troupe de jeunes comédiens (dont l’acteur qui joue David dans Nocturama, l’actrice qui joue Kimberly dans la saison 5 d’Engrenages) qui ne ressemblent en rien aux comédiens français qu’on a l’habitude de croiser dans d’autres teen movie.
C’est un film libre et dispersé, qui m’a finalement beaucoup fait penser au Bling Ring de Sofia Coppola. Très chorégraphié, très dansant aussi, il me semble que le film réussit parce qu’il ne cherche aucunement à choquer. Même l’issue, qui a tout pour être glauque et punitive, est très douce, marque une page qui se tourne pour en ouvrir une autre. Bonne surprise. Et réalisatrice à suivre.
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