La boulangère de Chalons.
8.0 Au même titre que US Go Home, de Claire Denis et contrairement à L’eau froide, d’Olivier Assayas (sorti en format court sous le titre « La page blanche ») Travolta et moi n’a pas eu les honneurs d’une rallonge et d’une sortie salle. Il est resté l’un des téléfilms commandés par Arte pour sa collection « Tous les garçons et les filles de leur âge » dans laquelle on retrouve outre les films de Claire Denis & Olivier Assayas (Les trois seuls de la série que j’ai vu à ce jour) des réalisations de Téchiné et Akerman, entre autre.
Travolta et moi suit une adolescente contrainte par ses parents (absents pour un week-end de congrès) de garder et d’assurer l’ouverture de la boulangerie familiale tandis qu’elle devait préalablement se rendre à une boum et rejoindre un garçon rencontré dans le bus qui l’emmenait au lycée – La première séquence du film. Le film se déroule en 1978 à Chalons sur Marne. Christine est fan de Travolta depuis la sortie de La fièvre du samedi soir. Tous les autres garçons sont des ringards. Nicolas, lui, lit Ainsi parlait Zarathoustra de Nietzsche.
Patricia Mazuy (dont j’avais relativement détesté son récent Sport de filles) filme quasi tout en gros plans, resserre la moindre séquence pour accentuer le côté écorché et instinctif afin de se mettre au même niveau que son héroïne. Ça m’a beaucoup rappelé La fille seule, de Benoît Jacquot. Elle crée d’abord un sentiment d’urgence dans cette boulangerie, entre le ballet des viennoiseries et les entrées à répétition des clients qui s’inquiètent de ne pas voir leur couple de boulangers habituels. On sent le poids des heures qui défilent et l’impossibilité pour Christine de s’extraire des obligations qu’on lui a octroyé contre son gré.
Christine a la tête ailleurs, à Travolta (elle passe la bande originale du film en boucle) mais surtout à Nicolas, ce garçon pas comme les autres, ainsi qu’à cette foutue boum qu’elle va irrémédiablement manquer. C’est très beau. La seconde partie du film quand elle a enfin dynamité, littéralement, le magasin prison, s’ancre dans un tout autre décor : Une patinoire. Et délivre des moments de rêverie sidérants, à l’image de cette danse avec Igor, un patineur plus professionnel que dragueur, avec lequel elle semble avoir un peu oublié celui qu’il l’a provisoirement mise de côté.
On stagne dans un registre cruel – Celui du monde adolescent en général – renforcé par une fin au jusqu’au-boutiste tragique, pourtant une certaine douceur se dégage de l’ensemble du film, s’incarnant dans de simples regards ou des rapprochements impulsifs un peu hasardeux. Il y a quelque chose d’un peu trop informe et épileptique, accompagné par des choix musicaux hétéroclites (Bee Gees, The Clash, Polnareff) mais c’est un bien beau film sur l’adolescence, ses tourments incompréhensibles, ses virages brusques, sa cruauté maladive et son insolence.