Drilling gym.
7.0 Ce qui est très beau c’est de voir la réalisation se caler sur son personnage, apprivoiser ses secousses et ses flottements, de voir aussi combien elle ne joue pas ad nauseam de son statut bâtard de docu-fiction. Si les plans sont variés, leur durée aussi, ce n’est pas un plan filmé à l’épaule ou autre effet d’accélération qui donne de l’énergie au film mais les mouvements qui habitent l’intérieur même de ses plans.
The Fits est rempli de ces mouvements incongrus et désordonnés – Avec un nom pareil, il eut été gênant de voir un résultat statique et propre. Ce sont les corps qui donnent le La du film, le rythme de sa mise en scène. Ce sont les coups qu’on donne dans un sac, les effrénées figures de drill ou de simples efforts d’échauffement – Le film s’ouvre sur le visage d’une adolescente en pleine séance d’abdos.
Ce qui manche à The Fits c’est sensiblement ce qui manquait à Corniche Kennedy : la croyance en l’épure. Chez Cabrera on ajoutait une intrigue policière donc une noirceur un peu factice et romanesque à ce monde solaire et hors du temps, où les corps se libéraient au moyen de plongeons dangereux. Chez Holmer c’est la dimension métaphorique des convulsions qui vient parasiter l’ancrage pur d’un quotidien uniquement rythmé par la danse et la boxe.
Le début du film pourrait aisément être une version teen du Boxing gym de Wiseman. Là-dessus il faut dire que The Fits est particulièrement réussi et original. Ce qui l’intéresse c’est son gymnase et les deux « étages » dont il est constitué : La boxe d’un côté et son univers masculin, la danse de l’autre, univers féminin, mais moins univers de fille que de femmes. Deux pôles dans lesquels Toni, adolescente de 11 ans, tente de trouver sa place : Rester avec son grand frère sur le ring ou succomber à cette attirance du devenir femme – On se souvient des premières scènes où les danseuses viennent observer les boxeurs, cachées derrière une porte.
Une place uniquement guidée par le désir de s’épanouir et non pour palier à un éventuel trauma ou évacuer un mal-être. On ne saura rien de Toni hors du gymnase. Nous n’irons jamais chez les gamins, nous ne verrons rien de là où ils vivent. Son étude sociologique, si tant est qu’il y en ait une, le film tient à la peindre uniquement dans ce lieu d’évasion, immense complexe, fait de pièces gigantesques, tout en portes et couloirs, cordes et parquets. J’adore l’idée de filmer un gymnase, et quasi uniquement ce gymnase, ça peut être un lieu très cinégénique en fait, plein de lignes qui se croisent, d’échos chelous, de hors champ indiscernables.
Les convulsions, pour moi, elles sont déjà dans sa façon qu’a le film d’occuper cet espace, de capter cette énergie de dingue sur un ring ou une piste de drill, un entrainement solitaire ou une bataille de linge sale. Si l’on sort parfois (mais pas tout à fait) du gymnase c’est pour capter des lieux vides, qui en sont comme des prolongements ou lieux de recul solitaire : Une piscine vide ou une passerelle. Dommage qu’il y ait cette idée de convulsions répétées, finalement.
On est toutefois loin d’un truc pédagogique, il y a une vraie identité. Je dis ça car quand j’y suis allé, une classe y était aussi. Les pauvres avaient l’air complètement perdu à la fin. C’est pas le film qui va te caresser dans le sens du poil. Si tu comptes y aller pour voir du drill ça risque d’être un peu déceptif, qui plus est via l’irruption du fantastique. En tout cas, la jeune actrice est exceptionnelle. Super film, vraiment. J’y repense souvent.
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