Journal intime.
6.0 Plus aucun souvenir du seul film que j’avais pu voir de Philippe Faucon, Dans la vie, sinon qu’il était un film humain, mais un peu trop professoral. Fatima, auréolé du prix Deluc ainsi que de trois César dont celui du meilleur film, raconte l’histoire d’une mère de famille immigrée, femme de ménage vivant avec ses deux filles, qu’elle élève et accompagne du mieux qu’elle peut : Souad, 15 ans, effrontée, est en échec scolaire quand Nesrine, 18 ans, sérieuse, entre en première année de médecine. A la maison, Fatima parle l’arabe, ses filles parlent le français. Elles se comprennent évidemment très bien, mais cette distinction de langue crée un fossé culturel, une distance générationnelle. Ce sont les moments les plus réussis : Cette captation d’un monde intime qui se disloque et qui finalement parle autant de l’intégration que des rapports universels entre les enfants et leurs parents.
C’est un beau film, minutieux, épuré, un peu pédagogique sans verser dans le didactisme. En fait l’idée part d’une véritable histoire et d’un matériau existant à savoir deux recueils de poèmes, Prière à la lune (2006) et Enfin, je peux marcher seule (2011) écrits par Fatima Elayoubi, dont le film pourrait grossièrement retracer un pan de sa vie, entre la tenue de son journal intime dans sa langue natale (qui l’amena à éditer ses recueils), ses missions de ménage, ses discussions plus ou moins délicates avec ses filles, son hospitalisation et son choix de suivre des cours d’alphabétisation. Dans sa conception même, le film de Philippe Faucon est assez irréprochable, puisqu’il fait appel à une actrice non-professionnelle, Soria Zeroual, femme de ménage algérienne résidant à Lyon.
Si le film parvient assez miraculeusement à tenir sa trajectoire (la chronique, avant tout) c’est probablement qu’il surprend dans la durée de ses scènes, la composition de ses plans et son utilisation judicieuse de l’ellipse. Je le trouve à ce titre très respectueux de ses personnages (et de ce qu’ils choisissent d’être) mais aussi de son spectateur, ne martelant rien, trouvant régulièrement la note juste. Un bémol, toutefois, mais un gros, je ne comprends pas que Philippe Faucon ait choisi à plusieurs reprises de porter un regard un peu condescendant sur le monde non-musulman. Enfin disons qu’il y a ces cas tranchés, pas super subtils, comme il y a celui de l’introduction, avec la visite de l’appartement, qui me semble nettement plus intéressant dans sa façon de montrer que le français choisit de parler à celles qui parlent français car on en revient aux tragiques barrières de langue. Quand Fatima dit bonjour à une femme au supermarché car elle reconnait la mère d’une amie de sa fille, et que celle-ci esquive de façon brutale, j’ai un peu plus de mal, car je ne pense pas que le film ait besoin de ce genre de facilité. En fait, je trouve le film beau dès l’instant qu’il reste dans le cadre familial.