Serra est mort, vive Serra ?
4.5 Après Don Quichotte, Les Rois Mages et Casanova, Albert Serra poursuit sa grande peinture des icônes. Au demeurant, sale année que 2016 pour les grands acteurs français : Depardieu blasphème et hurle après son chien dans la forêt, Lavant incarne la version beauf de l’auteur de Voyage au bout de la nuit, Léaud campe un roi soleil tout en râles et balbutiements empathiques. Tous à leur crépuscule ou presque, physique, moral ou fantasmé. Le film de Serra s’avère être le plus intéressant des trois mais c’est justement parce qu’il est de Serra qu’il est aussi raté (mais nettement moins insupportable) que les autres dans la mesure où c’est un cinéaste de l’espace et du déplacement, de l’anti-naturalisme, de la quête abstraite, spirituelle, de la forme libre. Il ne peut donc pleinement se consumer dans un espace aussi confiné (Le huis clos d’une chambre royale), statique et story-boardé. En outre ça parle beaucoup trop. Un bon Serra est un film sans parole. Et le cadre ici répond à une esthétique fabriqué qui posait déjà problème dans Le chant des oiseaux (Dans lequel chaque plan faisait pose) quand il fascinait par sa liberté improvisée dans le beau Honor de Cavaleria. Et puis il faut bien le dire : C’est chiant (à mourir). Pour que ça relève d’une installation purement expérimentale, il aurait fallu garder le plan sur Léaud et uniquement sur lui. Dès qu’on s’en extraie, pour écouter parler la cour entre deux portes de couloir, chuchoter les médecins, accueillir un charlatan, pleurnicher les courtisanes, ça devient vraiment maladroit. De belles idées malgré tout : Le chant des oiseaux au début, qui s’efface pour laisser place à celui des mouches à la fin. La brève entrevue avec le futur monarque, Louis XV, son petit-fils de cinq ans. Et l’idée Léaud (Car l’idée me séduit plus que le résultat) pour jouer Louis XIV, tant Léaud est aussi un roi, en fait, celui de la Nouvelle vague, donc d’un cinéma et d’une époque mourante. Reste aussi la beauté des plans, les couleurs, les éclairages. Mais aussi beaucoup de suffisance démonstrative d’un auteur désormais convaincu qu’il en est un.