Irreality.
3.0 Il aura fallu attendre ma neuvième escale pour faire un rejet en bloc, esthétique, mise en scénique, sur l’un des films de ma liste. C’est tombé sur ma première rencontre avec le cinéma de Jodorowky. Pas certain que La danza de la realidad soit un dépucelage idéal, j’en conviens. Le chilien n’avait alors pas fait de film depuis plus de vingt ans et pond cette œuvre somme, autobiographique, fantasmagorique pleine d’enchevêtrement de souvenirs déformés dans un tourbillon abscons. Il y a dans cette mixture indigeste, ce ballet de grimaces ahuries, cette narration hyper-opératique, ces jeux théâtraux, ces surgissements de freaks en tout genre, ces lourds symboles et grotesques métaphores, ce collage de saynètes choc, ces couleurs flashy, cette hystérie collective, ces acmés musicales pompières, tout ce qui, au cinéma, me file des boutons. Cette démesure trop revendiquée, programmée, masturbatoire et in fine plus décorative que vertigineuse, que je peux trouver et rejeter chez Fellini, dans Amarcord ou Intervista, chez les Wachowski, dans Cloud Atlas, chez Alex de la Iglesia ou dans certains Kusturica. D’aucuns diront que c’est de la poésie pure, naïve, hallucinogène, moi je n’y vois qu’une évocation (la réconciliation avec l’enfance, la rédemption du père, les cauchemars intimes, la politique chilienne) grasse, surlignée au marqueur, à l’image de ces nombreuses apparitions de Jodorowsky himself accompagnant son Soi enfant en assénant ses grandes phrases moralistes. Toutefois, comme pour Reality, de Matteo Garonne – Pour rester dans mon tour du monde – il y a ce jusqu’au-boutisme remarquable qui à défaut de m’émouvoir, m’intéresse dans sa volonté de te vider, de te malaxer avant de t’écrabouiller, te donnant la sensation, au sortir de ces interminables minutes, d’avoir été ingéré puis dégueulé. Pas forcément une sensation agréable, mais ça ne laisse pas indifférent. Je vais peut-être attendre quelques années avant d’éventuellement tenter une rétrospective, hein.