Archives pour mai 2017



Reality – Matteo Garrone – 2012

22. Reality - Matteo Garrone - 2012Regarde les hommes tomber.

   4.0   Dur, très dur d’aller au bout du film de Matteo Garrone, déjà responsable du boursouflé et surestimé (Auréolé du même prix que Reality à Cannes) Gomorra. Enfin, surtout de passer la première heure. Après, c’est mieux. J’y reviens.

     Rarement vu une photo aussi immonde, grasse, filtrée jaune ou surexposée pour faire ressortir les rouges et les verts. Afin de compenser cette indigestion de couleurs, Garrone cumule les longs plans séquences en mouvement (Souvent des va-et-vient lourdingues) qui ne font qu’ajouter à cette sensation de saturation.

     Si ce tâcheron de Sorrentino se la joue démiurge farceur, Garrone lui est persuadé qu’il peut ressusciter la comédie italienne – Genre pour lequel j’ai déjà très peu d’affinités, qu’on se le dise. Ils nous gâtent les ritals. Il y va donc de ses lourds sabots, propose une galerie de personnages caricaturaux, des bavardages creux incessants, des prouesses techniques dans chaque plan. Et ça se veut drôle mais ça ne l’est jamais.

     Mais je dois reconnaître que la dérive du personnage (Le seul qui sort d’un lot volontiers antipathique) m’a assez touché. J’aime le regard que l’auteur pose sur son « héros » et la fascination qui l’habite, la folie qui s’empare de lui progressivement. L’acteur est très bon d’ailleurs, son regard est fort, dans sa faculté de toujours sembler à côté, étrangement excessif ici, complètement rentré là.

     Il y a dès le début ce sentiment là, dans cette longue première séquence de mariage, trop impressionnante, quand il voit l’hélicoptère décoller. Le film est déjà dans un élan curieux aux côtés de ce personnage qui n’est rien mais qui se rêve star. Son obsession pour le reality show s’incarne dans ses yeux, avant qu’il n’aille littéralement s’y fondre, dans un final bienvenu, bien qu’un peu racoleur dans son illustration.

     Le film parait en retard, à première vue. Car Reality en 2012 c’est un peu comme si on faisait The Social Network en 2017. Cela dit, il tend davantage à montrer la télé réalité comme rêve de représentation et non comme aventure voyeuriste. Voir ce petit saltimbanque de mariages se rêver célébrité sous les projecteurs résonne forcément avec toutes ces pseudos stars qui sortent d’un reality show et ont juste à faire les guignols pour faire parler d’eux. Quand il est recalé par l’émission (Ayant participé au casting, il était persuadé d’être pris, allant jusqu’à fermer son petit commerce de poissons) il s’éteint, passe son temps devant la télé, observant les habitants de son aventure en se persuadant qu’ils incarnent tous une petite partie de lui. Le film trouve là quelques belles inspirations.

     Si critique de la télé réalité il y a je ne pense pas qu’elle soit si évidente et martelé – Comme ça peut être le cas ailleurs, de Truman show à Black Mirror. On sent surtout que Garrone est fasciné par cette drôle d’époque (anachronique, puisque le reality show en question ressemble davantage à un Loft Story qu’aux Anges de la télé réalité) autant qu’il l’est par la comédia del arte. Il en fait donc une mixture, souvent indigeste mais il y a des trouées, surtout dans la dernière demi-heure, quand le film a complètement abandonné l’excès et la comédie pour se libérer dans l’absurde et la poésie. Ça ne sauve pas le film pour autant mais c’est toujours ça de pris.

Jauja – Lisandro Alonso – 2015

21. Jauja - Lisandro Alonso - 2015La dernière piste.

   7.5   N’ayant pas de nouvelles de Lisandro Alonso depuis Liverpool, j’étais assez enthousiaste – J’aime tous ses films jusqu’à présent – à l’idée de le retrouver, qui plus est dans sa pampa qui était au cœur de son premier long, minimaliste, La libertad, mais fébrilement tant je craignais de le voir investir d’autres territoires, non pas géographiques mais éthiques, percevant mal comment son cinéma pouvait s’adapter au western en costumes, au choix d’un format carré et à l’atout star – Viggo Mortensen y campant le premier rôle. Mais Jauja est un film vraiment passionnant, fait de trois parties (trop) distinctes qui restent en tête : une première où on a l’impression d’être chez Albert Serra, celui de Honor de Cavaleria. Une seconde où l’on retrouve du pur Alonso, dans un cadre plus spacieux encore. Et une dernière, rupture spatiotemporelle qui te laisse sur le carreau comme dans le final de L’apollonide ou dans un film de Weerasethakul. Les extrémités du film sont de prime abord assez déstabilisantes, d’une part sans doute parce qu’elles sont éloignés du style Alonso, d’autre part car je peine à leur trouver l’obligation d’exister. Mais franchement, c’est fort. Et osé. A l’image de sa maigre mais déjà impressionnante filmographie, d’une cohérence remarquable.

Montag (Montag kommen die Fenster) – Ulrich Köhler – 2006

20. Montag - Montag kommen die Fenster - Ulrich Köhler - 2006Une femme seule.

   6.5   Mon voyage en Allemagne d’hier soir m’aura permis de découvrir le beau Montag, très ancré dans la Nouvelle vague allemande, dans lequel une femme déserte son foyer et erre, mystérieusement, sur la route, chez son frère, dans les montagnes puis un grand hôtel aux côtés d’un vieux tennisman (Ilie Nastase erre aussi, à sa manière) avant qu’elle ne revienne sur ses pas. Le contrepoint de la deuxième partie, davantage centré sur son mari, apporte un éclairage aussi doux que cruel sur le destin de ce couple en crise silencieuse. Le final, beau, froid, inéluctable, viendra parfaire un film d’une sécheresse absolue, qui ne sera jamais sorti de sa ligne claire. Il me manque toutefois un décrochage plus franc, une petite étincelle (que je pouvais trouver chez d’autres jeunes cinéastes teutons : Maren Ade dans Everyone else, Angela Schanelec dans Marseille, Jan Bonny dans Gegenüber) pour trouver ça superbe, bouleversant, mais c’est un beau film.

John From – João Nicolau – 2016

18. John From - João Nicolau - 2016Bulle solitaire.

   6.0   Mon fils s’est occupé du tirage au sort pour ce premier voyage. Je m’envole donc pour le Portugal.

     Fonctionnant souvent comme une bulle de rêve qui vient s’emparer d’un réel froid et ennuyeux (La famille, le voisinage, l’architecture) à l’exception de cette amitié et ses codes secrets (Les messages dans l’ascenseur dont on ne saura jamais le contenu, l’iPod oracle, le faux prénom commun) John From dégage une certaine chaleur, à l’image de la richesse de ses couleurs, son éclectique bande-son pop, agréable le temps d’un instant avant qu’on s’en détache au suivant.

     J’ai pensé à Wes Anderson, essentiellement, mais aussi à Aki Kaurismaki, tant leur cinéma se complait aussi dans la vignette, la géométrie du cadre et les couleurs franches – S’il m’arrive d’être admiratif, j’y reste aussi très en retrait. Visuellement c’est donc très beau, mais il y a quelque chose d’un peu trop propre et maîtrisé là-dedans, qui m’en garde systématiquement à distance.

     Je pense que ce sont les échappées oniriques qui m’ont le plus parlé, cette impression d’un Lisbonne transformé en fantasme mélanésien (Relié à l’exposition du voisin dont Rita, 16 ans, tombe éperdument amoureuse) tout en masques, peintures et déguisements.

     Enième conte d’été et variation autour du passage à l’âge adulte, John From m’a beaucoup fait penser à cette grande série de téléfilms Tous les garçons et les filles de mon âge, principalement Travolta et moi (Patricia Mazuy) et Us go home (Claire Denis). Si le film de Joao Nicolau n’atteint pas leur beauté, on retrouve cette même sensibilité flottante, cette liberté de ton qui l’éloigne des portraits classiques.

     Et puis il y a quelques idées de génie qui marquent un peu : Le balcon de Rita qu’elle remplit d’eau pour lui donner les apparences de plage, qui entre en écho à cette étrange expo de Mélanésie inondée. Ou cette réunion de copropriété (Qui rappelle Les bruits de Recife) dans laquelle chaque propriétaire semble plus éloigné l’un de l’autre que ne le sont le Portugal et la Mélanésie, l’artiste d’âge mûr et l’adolescente face à ses premiers émois.

Mouk !

mouk0Tour du monde.

     Mon fils étant pleinement plongé ces temps-ci dans les aventures de Mouk, ce petit personnage qui voyage de pays en pays, découvre les cultures chinoises, sahariennes ou péruviennes, j’ai décidé moi aussi de me la jouer Mouk mais en sédentaire et faire le tour du monde par le cinéma. Etant donné qu’il n’y a pas grand-chose d’excitant dans les salles ces temps-ci et que la fournée cannoise à venir ne m’inspire pas des masses (à quelques exceptions près) et qu’un grand événement personnel devrait vraisemblablement davantage m’éloigner des salles prochainement, je me suis concocté (en glanant dans ma dvdthèque et sur mon dd) une grosse session rattrapages, un jour, un pays (comme mon fils avec Mouk), un film, systématiquement des récents, souvent encensés, que j’avais raté, volontairement ou non. Dix-sept films, dix-sept jours. J’y crois. Mais possible que je sois encore dessus en juin, on verra.

Ma liste :

Allemagne : Montag, Ulrich Köhler (2006)
Argentine : Jauja, Lisandro Alonso (2015)
Australie : Wolf creek, Greg McLean (2006)
Chili : La danza de la realidad, Alejandro Jodorowsky (2013)
Colombie : L’étreinte du serpent, Ciro Guerra (2015)
Corée du sud : Haewon et les hommes, Hong Sang-soo (2013)
Hong-Kong : The grandmaster, Wong Kar-wai (2013)
Hongrie : White god, Kornél Mundruczó (2014)
Iran : Une famille respectable, Massoud Bakhshi (2012)
Italie : Reality, Matteo Garrone (2012)
Japon : Saudade, Katsuya Tomita (2012)
Lituanie : Indigènes d’Eurasie, Sharunas Bartas (2010)
Maroc : Rock the Casbah, Laïla Marrakchi (2013)
Pays-bas : Tricked, Paul Verhoeven (2014)
Portugal : John From, João Nicolau (2016)
Québec : Mommy, Xavier Dolan (2014)
Taiwan : Les chiens errants, Tsai Ming-liang (2014)
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silencio


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