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Archives pour juillet 2017

Ava – Léa Mysius – 2017

19466688_10154845940707106_2046986615892276527_oAux yeux du monde.

   9.0   Premier long métrage d’une jeune réalisatrice française de 28 ans, tout juste sortie de la FEMIS, Ava est l’objet le plus stimulant, solaire, exaltant vu cette année. Une claque visuelle et sensuelle de chaque instant, qui contourne magistralement l’écueil « Premier film » et ses tournures habituelles.

     Avec cette histoire d’adolescente perdant la vue durant ses vacances, l’ancrage volontiers mélodramatique avait de quoi faire craindre le truc tire-larmes et le scénario prétexte pour raconter l’éternelle problématique du « devenir femme » avec les premiers émois et le combat contre la mère.

     Dès la première séquence on sent pourtant qu’autre chose va se jouer. Le décor est celui d’un brise-lames bétonné se jetant dans une baïne stagnante refoulée par l’océan – La plage des piscines, à Soulac. Les touristes s’y baignent, les enfants y font pipi et un chien noir se faufile sur la jetée, entre les baigneurs. Le chien, brutalement, contraste avec les couleurs vives. Des cordes de violoncelle détraqué accompagnent cette curieuse introduction. Et l’animal nous guide vers une demoiselle que l’on ne quittera plus. Elle est allongée à même la roche, les bras relâchés, les pieds dans l’eau, une barquette de frites posée sur son bassin.

     Toute l’originalité du film explose déjà dans cette première apparition : La puissance du lieu, la présence mystérieuse de la jeune fille et la dimension fantastique, apportée par les déambulations du chien côtoyant cet entassement de modestes baigneurs. Un tableau à la lisière de l’absurde. Et ce dialogue d’abord abstrait entre la lumière et l’obscurité, le jour et la nuit.

     L’objet naturaliste qu’il annonce parfois, au détour par exemple d’un cours de char à voile ou du portrait mère/fille, est vite chassé par quelque chose de plus trouble, une gêne frontale ici (un enfant qui pleure) ou un vertige plus inexplicable là (Un cauchemar vraiment glauque) se mariant adéquatement avec son sujet : L’affirmation sexuelle accélérée, le désir urgent d’être femme et de découvrir les vertus de son corps, provoqués par cette cécité à venir.

     Rien d’étonnant à ce que la plus belle séquence du film se déroule sur une plage, dans une lumière difficilement détectable (Est-ce le matin ? Le début de soirée ?) et un espace d’émancipation quasi désertique. Ava se met à nu, entièrement puis se bande les yeux puis se jette à l’eau, dans l’écume d’une houle se brisant sur le sable. La caméra l’y suit, fait corps avec son personnage, Léa Mysius fait corps avec son actrice. Puis soudain une menace, qu’on n’attendait pas, apparait et dégage d’emblée un parfum sexuel, un désir voyeuriste, renforcé par Ava, qui s’en va cacher sa nudité dans le sable en attendant qu’une vague la recouvre. C’est sublime.

     Ava m’a un peu fait penser à John From, le beau film portugais sorti l’an passé, beau dans ses compositions mais un peu tiède dans son amplitude. Ava réussit nettement mieux ses enchaînements, nous fait croire qu’il nous emmène ici avant de nous embarquer là. Si bien qu’il parvient à agrémenter sa mise en scène autour du handicap progressif d’Ava tout en nous le faisant oublier. C’est un film solaire guetté par l’obscurité, mais c’est dans son obscurité et son glissement vers la nuit (Magnifique séquence dans les rapides) et le danger (la présence policière jusque dans le camp gitan) qu’il s’avère paradoxalement le plus lumineux.

     Léa Mysius est allé tourner sur les terres de son enfance, sur la côte ouest entre Soulac, Montalivet et Bayonne. Je n’ai pas l’impression qu’on avait déjà filmé ces endroits – qui me sont chers – de cette manière-là, surtout ses plages, surveillées ou non, notamment ces gros blockhaus dont elle parvient à en faire des lieux hyper cinégéniques ou ces superbes vagues déferlantes, qu’elle prend le temps d’observer, de caresser, qui offrent des instants de grâce : Outre l’inoubliable scène où Ava s’en va défier les yeux bandés les rouleaux dangereux, je retiens aussi son réveil, un matin, alors qu’un plan apparemment doux semble la mettre au creux d’une vague sur le point de la dévorer. Mais c’est une illusion d’optique. De manière générale, la photo est miraculeuse et le grain, provoqué par un tournage en pellicule 35mm, se marie tellement bien avec la dimension solaire du film et cette ambiance plages du littoral.

     Pour agrémenter ce parcours d’initiation accéléré il faut des personnages secondaires forts. Ça passe d’abord par la présence de la frénétique Laure Calamy, géniale comme d’habitude, dont le rôle rappelle évidemment celui qu’elle jouait dans Un monde sans femmes, de Guillaume Brac. Si le jeu entre mère et fille est houleux il joue beaucoup sur une douce cruauté qui fabrique deux éléments quasi contradictoires (Ava est dégoûtée par la sexualité de sa mère) mais au désir de liberté qui finit par se répondre, se compléter. Ce qui est très fort c’est de la sortir à ce point du récit dès l’instant qu’Ava s’éveille à la sensualité et la sexualité aux côtés de Juan. Quel beau personnage, lui aussi, sauvage, exclusif.

     Le film trouve alors une nouvelle respiration. A tel point qu’il nous embarque un instant dans une mouvance Bonnie & Clyde / Les valseuses dans lequel on peut même retrouver un peu d’Adieu Philippines. Ava & Juan décorés par l’argile sont alors intouchables, même statufiés lors d’un plan somptueux, quasi Pasolinien, se défiant du regard tout en s’offrant à l’océan du haut des dunes. Au passage, la mise en scène de la nudité est quelque chose de particulièrement réussi dans le film.

     On se dit que le film vient de libérer ses meilleures voire ses dernières cartouches, mais son envie (de faire du cinéma, c’est vraiment ce que j’ai ressenti, aussi bien devant l’écran que dans les mots de la réalisatrice, présente lors de ma séance) est sans limite, son émancipation (d’un cinéma français souvent trop sage) tellement exaltante. Il y a cette curieuse scène nocturne dans un night club / piscine délabré. Il y a cette altercation décalée avec une maréchaussée dont on ne sait si elle sort d’un film de SF ou d’un film de Virgil Vernier. Et il y a cette séquence, magnifique, du mariage gitan. Ce qui me plait c’est aussi le regard que porte Léa Mysius sur le monde qu’elle filme, cette bienveillance, cette fascination.

     Et puis il y a un plan sidérant, vers la toute fin. On y voit Ava & Juan marcher vers nous, enveloppés par la forêt et guettés, dans leur dos, par une étrange lumière de plus en plus intense. Ce n’est pas gratuit, déjà parce que sa durée installe un trouble, mais surtout parce qu’on est dans la foulée de la séquence, magnifique, de la rivière. Il y a un vrai parti pris : Enfoncer les personnages dans les rapides et dans la nuit et les recueillir en forêt sous ce halo de phares. Et puis ce n’est pas une voiture pour y mettre une voiture, il y a un vrai échange derrière.

     Quant à la toute fin, je l’aime beaucoup. Je trouve que c’est elle qui fait tenir le tout, j’avais peur qu’on revienne « à la normal » ou à quelque chose d’un peu trop sociologisant. Ça n’aurait pas collé avec l’ivresse dans laquelle baigne le film. Là on reste dans le fantasme, le conte, ça me plait. Et puis je n’ai pas vraiment parlé de Noée Abita. Il faudrait, pourtant. Découverte de l’année.

120 battements par minute – Robin Campillo – 2017

19984035_10154894928177106_3303559513406975150_oLa vie des morts.

   8.0   L’un des films cannois que j’attendais le plus et pas seulement parce qu’il a retourné la croisette : Je pense que Robin Campillo est l’un des cinéastes les plus prometteurs / passionnants d’aujourd’hui. Les revenants c’était un premier film étrange, passionnant, rempli de tentatives. Eastern boys c’était puissant. Un peu froid, probablement, mais niveau mise en scène ça se posait-là. N’y allons pas par quatre chemins, 120 battements par minute est une déflagration. Un grand geste de cinéma autant qu’il est militant. Un document passionnant sur le Sida et Act Up-Paris au début des années 90 – Dont Campillo a fait partie. Et un déchirant combat contre la maladie. Deux batailles pour un film coup de poing.

     Le film est parcouru de grandes idées de mise en scène – Longueur des séquences de réunion en amphi ; ruptures temporelles lors de certaines situations ; terrifiant dernier quart dans un lieu unique, l’appartement, qui rappelle la seconde partie de son film précédent ; Et cette faculté à faire le yoyo entre le collectif et l’individuel. Au point que la seule actrice connue (Adèle Haenel, décidément partout) soit régulièrement relayée au second plan, jusqu’à disparaître un long instant du récit dans le dernier tiers. J’aime surtout que le film évite cet écueil de raconter ActUp par ses plus grandes sorties/réussites médiatiques. On ne verra donc pas l’encapotage de l’Obélisque de la Concorde ni la banderole sur les tours de la Cathédrale de Paris, tant mieux. Le film préférant s’attarder sur les joutes verbales autour de la construction des slogans chocs et des opérations collectives. Brillant en tout point.

     120 battements par minute s’ouvre dans un amphithéâtre. De nouveaux membres de l’association sont briefés quant au déroulement des réunions. Nathan fait partie de ceux-là. C’est une ouverture on ne peut plus classique et didactique tant il s’agit de nous briefer nous, spectateur, avant tout. Pourtant, cet académisme de façade s’efface très vite dans la mesure où la réunion qui suit, s’étire considérablement et brise l’aspect reportage et documentaire pur pour le propulser dans  un univers multiple et connexe où la double temporalité converge dans l’image. La réunion vise en effet à dialoguer autour d’un évènement, colmaté en accident regrettable pour les uns et érigé en réussite totale pour les autres : L’intrusion dans un meeting pharmaceutique qui termine en manifestation violente à coup de poches de sang et de séquestration.

     Cette première séquence existe pour de multiples raisons : Elle enferme un peu son personnage, qui n’a pas vécu cet évènement, jusqu’à le faire presque disparaitre plusieurs minutes de son attendu rôle central. Car il faut aussi qu’on nous abandonne dans cette énergie, qu’on en saisisse la respiration générale. Une autre finalité serait de nous faire entrer sans concession dans le rythme effréné que le film tiendra jusqu’au bout. Car le montage est ahurissant, Campillo choisissant d’insérer les images du « coup » sous plusieurs angles de vue en fonction de celui qui prend la parole / celui qu’on vise dans le débat. On ressent déjà ce sentiment d’urgence, cette sensation double, militante et vitale. Il ne s’agit pas uniquement de s’élever à coup de Zaps contre les labos mais de rappeler que pour certains, le temps est fragile, compté.

     C’est donc un formidable film sur le groupe, puisque c’est cette énergie ensemble qu’il parvient à reproduire. Notamment dans l’amphi quand chaque idée est relayée par une autre ou dans l’action, ici dans les locaux de Melton Pharm, groupe pharmaceutique, où l’on fait gicler du faux sang contaminé pour s’insurger contre leurs méthodes de désinformation, ou là dans un lycée, pour faire campagne en faveur du préservatif. Campillo filme ces déplacements groupés comme des marches militaires. Pourtant, s’il partage une cause dans les grandes lignes le groupe est relativement désuni dans la spécification – Façon Nocturama. Suffit de voir ces appendices de débat dans le hall fumeurs pour comprendre que l’unité est perfectible. Le film a par ailleurs la pertinence de brosser les individualités mais au sein du groupe, de façon hyper naturelle, sans par exemple suivre un personnage jusque chez lui ou dans sur son lieu de travail – Si Sean et Nathan s’amusent un moment donné à dire ou deviner ce que chacun fait dans la vie, c’est pour mieux revenir au collectif ensuite. 

     Le cadre restera toujours celui d’ActUp. Avant qu’il ne s’émancipe grandement vers son histoire d’amour entre Sean & Nathan. Pour y revenir, miraculeusement, dans une dernière partie incroyable. Un parti pris de mise en scène absolu, qui évoque La chambre du fils, de Moretti. Si l’on y entend deux morceaux phares de l’époque – Smalltown Boy des Bronski Beat.(1984) et What About This Love ? de Mr Fingers (1992) – afin de replonger dans l’ambiance des boites de nuit, la musique originale est assurée par Arnaud Rebotini, musicien nancéen séduit par l’électro analogique, dont le minimalisme techno évoque pas mal l’House et dont la musique s’accommode très bien avec l’énergie dégagé par le film. J’ai une infime petite réserve sur les interludes « Cellules sanguines » qui cassent le dynamisme outrancier afin de nous laisser respirer – Même si là encore, je trouve qu’elles représentent assez bien la mélancolie générale qui s’en dégage. J’en suis sorti épave. Et j’ai fait une grande découverte : Nahuel Pérez Biscayart. Il joue Sean. Il est incroyable.

Le bureau des légendes – Saison 3 – Canal + – 2017

15. Le bureau des légendes - Saison 3 - Canal + - 2017La DGSE dans tous ses états.

   9.0   Durant la mini trêve Twin peaks et juste après ma miraculeuse pause récréative Master of None, j’ai dévoré l’incroyable troisième saison du Bureau des légendes. Je ne pensais pas Rochant capable de faire aussi fort que la saison précédente mais il a peut-être fait mieux. J’étais physiquement mal à de nombreuses reprises et fasciné par chaque parcelle de ce foisonnant récit, chaque personnage, chaque situation, chaque dialogue. Mes occupations ne me le permettaient pas mais j’aurais très facilement pu enchaîner ces dix heures en une salve. Bon, je serai sans doute mort à l’heure qu’il est tant ça attaque constamment le palpitant. Mais il y a beaucoup de frustration dès que surgit le générique à chaque fin d’épisode – Sans que la série ne force sur les cliffhangers pourtant.

     La première saison était parasitée par une légère rigidité dans ses enchaînements et un trop plein didactique provoqué par la prépondérance de la voix off. La deuxième l’utilisait encore mais était parvenu à trouver le juste équilibre, notamment en exploitant davantage sa géographie multiple et le brio de ses montages parallèles. Cette fois, la voix off n’est plus. Ne reste qu’une maîtrise totale, aussi bien dans les huis clos du renseignement que sur le terrain, en Iran, en Syrie, à Bruxelles, à Bakou. Des séquences qui s’étirent considérablement, une tension qui s’installe, grandit en permanence. Et une gestion plus fine encore de ses intrigues centrales et des moments plus triviaux – des gestes, des regards, des dialogues intimes qui contrastent avec l’apparente froideur de cet univers de l’espionnage.

     Nous avions abandonné Malotru en très mauvaise posture l’an dernier. Son amour pour Nadia avait fait de lui un agent double pour le compte de la CIA ce qui l’avait catapulté comme traître à la DGSE, mais cette insubordination avait été levé afin qu’il dirige une cellule de crise qui le fit tomber aux mains de Daesh au cours d’une mission de neutralisation d’un djihadiste français. Cette nouvelle saison s’ouvre sur l’organisation autour de son sauvetage : Si la DGSE souhaite utiliser les contacts syriens de Nadia El-Mansour, la CIA, elle, n’est pas hyper enthousiaste à l’idée de voir revenir l’agent à l’origine du scandale que sa trahison jouera inéluctablement dans le monde du renseignement.

     Un peu plus tard dans la saison, des suites de l’assassinat d’un indic en Syrie, Duflot, alors à quelques semaines de la retraite, se porte volontaire pour une mission de terrain à haut risque, consistant à rencontrer un officier supérieur de Daesh, en lui proposant son exfiltration contre la libération de Malotru. J’aimerais évoquer d’autres situations, mais mieux vaut les découvrir par soi-même, c’était simplement  pour souligner qu’il est assez inédit de ressentir d’une série à ce point son actualité, l’impression qu’elle traite intelligemment les enjeux géopolitiques, qu’elle se penche avec une telle acuité sur le quotidien des réseaux de renseignements français, qu’elle exploite avec rigueur et maturité toute la complexité d’un univers aussi codé.

     Ce qui est très réussi c’est de voir chaque situation, aussi extraordinaires soient-elles, gérée par des agents hyper lucides mais humains avant tout, des hommes et des femmes qui peuvent à tout moment se griller, à tout moment d’effondrer malgré leur professionnalisme. Ici Malotru prisonnier de Daesh endure un interminable calvaire, d’autant qu’il est lâché par une partie de la direction qui ne prend pas le risque de griller ses affaires en cours pour un agent quel qu’il soit. Il est au bord du précipice à chacun de ses apparitions. Là Phénomène, à peine remise de son traumatisme iranien et de son aventure aux côtés de Shaipur, sujette à des crises de panique répétées, est engagée dans une double infiltration risquée aux côtés d’un agent du FSB qui se fait passer pour un agent de la DGSE et lui commande de jouer à nouveau les sismologues embarqués en Azerbaïdjan. Voir Marina Loiseau (Formidable Sara Giraudeau, vraiment) avancer aussi méticuleusement que fébrilement, avec le risque permanent d’être démasqué, est le point névralgique de cette saison remarquable. Il suffit d’une clé USB ou d’un détecteur de mensonges pour nous faire chanceler brutalement.

     Et pourtant, on s’y sent bien. On va même jusqu’à rire, parfois. L’humour était toujours sous-jacent mais elle fait partie intégrante de cette troisième saison, qui se paie le luxe de renouveler quelque peu son casting en s’attribuant par exemple les services d’Artus, qui restera cela dit très sérieux malgré une saillie – son apparition – dont on jurerait qu’elle soit tirée de l’un de ses sketchs. Il n’est pas le seul à nous faire rire, Duflot (Daroussin) aussi, on le sait, ce curieux directeur aux cravates excentriques ou encore Sylvain, le génial informaticien qui peut tout dénicher, adepte d’un humour pince-sans-rire réjouissant. Cette saison fait d’ailleurs la part belle aux personnages secondaires, aussi bien les désormais bien ancrés dans le récit (Sisteron, Céline, Prune, La mule…) que les nouveaux arrivés (Jonas, Esrin, Snoopy, Cochise) tous fouillés à la perfection. Grande, très grande saison pour une dores et déjà immense série.

Master of None – Saison 2 – Netflix – 2017

14. Master of None - Saison 2 - Netflix - 2017Fior di latte.

   8.5   Aziz Ansari transforme l’essai. Après une première saison attachante, généreuse, fine, pleine de promesses, Master of None va plus loin dans ce deuxième jet, tente plus de choses au niveau formel, développe son matériau de base (Le quotidien d’un jeune trentenaire d’origine indienne : Sa famille, son boulot, ses amis, ses flirts) avec une finesse d’écriture, une élégance dans sa mise en scène (On va parfois jusqu’à rejouer des situations de grands films italiens) et sa construction, qui peut parfois rappeler les circonvolutions de Louie (Qui nous manque tellement) cette autre merveille new-yorkaise, écrite et jouée par Louis CK.

     Cette saison s’ouvre à Modène, en Italie. Dev y bosse provisoirement (Pour l’été) dans un resto de pâtes, avant de repartir pour Manhattan. Il y fait notamment la connaissance de Francesca, sa collègue serveuse, maquée, et dans un premier épisode, intégralement en noir et blanc, Master of None rejoue Le voleur de bicyclette version Le voleur de smartphone, alors que Dev avait fait la rencontre d’une fille qu’il ne reverra probablement jamais – Le smartphone est une idée forte d’entrée, d’une part car elle brise l’hommage poussiéreux, d’autre part car elle injecte cette modernité (Sans forcer les portes) pour se fondre dans un ensemble qui joue constamment de son statut de série actuelle.

     C’est l’occasion aussi de placer cette saison sous une respiration très italienne – Bien qu’hormis les deux premiers épisodes, la série se déroule intégralement à New York. Deux trucs cette année donnent envie de prendre l’air italien : Master of None S2 et Ti Amo, le dernier Phoenix. Et la série en joue dans chacun de ses épisodes, aussi bien du point de vue de sa mise en scène, des clins d’œil divers, des dialogues (On y parle aussi beaucoup italien) et surtout, surtout de la présence d’un pur rayon de soleil : Alessandra Mastonardi. Francesca, donc, inutile de te faire un dessin. Après la belle Noël Wells (Rachel) l’an passé (mais qui refait une apparition brève dans l’ultime épisode de cette année) on peut dire qu’Aziz Ansari ne se prive pas.

     C’est une saison très éclectique mais cohérente. Outre la virée modènienne, on retiendra en outre un épisode d’une heure, se déroulant en partie au Storm King Art Center, pouvant mettre à l’amende n’importe quelle comédie romantique. Plus tôt, il y a un épisode sur la religion, qui rappelle un autre de l’an dernier et donne l’occasion pour Aziz Ansari, accompagné de ses parents (qui jouent leur propre rôle) de montrer le fossé qui les sépare, puisque contrairement à eux, qui sont musulmans pratiquants, Dev ne pratique pas. Mais il n’ira pas jusqu’à manger du porc devant eux, quoique. Et c’est toute l’intelligence d’un épisode, très court par ailleurs (20 minutes ici, une heure là : La durée est un élément témoin de la liberté de cette série. La plupart des épisodes sont réalisés par les créateurs et Ansari se charge du plus imposant et romantique) qui interroge le dialogue père/fils, la tolérance, l’amour qui réside entre eux malgré leurs divergences idéologiques.

     Au rayon des surprises, un épisode entier, intitulé New York, I love you s’amuse à filmer uniquement des figurants, comme des héros éphémères, dans une forme chorale, très élégante, où un couple/trio de personnage (C’est Dev, Denise & Arnold qui ouvrent l’épisode puis s’effacent soudainement) nous envoie vers un autre et ainsi de suite, avec un pic osé sur une discussion entre sourds-muets, discussion offerte comme si nous en faisions partie : Sans aucun son. Fantaisie comme une autre, qui pourrait ne pas fonctionner ou moins bien fonctionner, mais c’est fou ce que Master of None réussit tout ce qu’elle tente cette année.

     Mais c’est un peu plus tôt que la saison m’aura offerte une première grosse baffe. The dinner party. Un épisode durant lequel Dev reçoit Francesca, de passage à New York. La dernière scène, sur la banquette arrière d’un taxi, en un seul plan accompagné de Say Hello, Wave Goodbye de Soft Cell, m’a arraché les larmes et prouve, si tant est qu’on ne l’avait pas déjà remarqué l’an passé, qu’Aziz Ansari est un grand mélancolique. Sommet de la saison, pour moi. Je ne l’ai pas vu venir. J’ai revu plusieurs fois la scène. Et j’ai beaucoup réécouté Say Hello, Wave goodbye durant quelques jours.

     Un autre épisode, entier évidemment, fait le parti de développer le personnage de Denise, la meilleure amie de Dev, souvent réduite à de brèves apparitions à ses côtés. On y raconte la découverte de son homosexualité, son éloignement qu’il provoque avec sa mère et la confiance qu’elle engrange à mesure des années, puisque l’épisode cumule les repas de Thanksgiving et uniquement les repas de Thanksgiving (accompagné de Dev) entre 1995 et 2017. Autre sommet de la saison, qui raconte une fois de plus énormément du terrain familial, avec une douceur inouïe et une drôlerie magnifique (Aussi bien le running gag de Dev parlant TRES fort à la grand-mère que son échange prodigieux, une année, avec le plan cul de Denise et la répétition de son pseudo impossible (Un truc comme NipplesAndToes23) qu’elle égrène sur les forums de rencontre).

     La réussite de cette saison tient aussi à la présence de géniaux personnages secondaires : Forcément Denise (Lena Waithe) mais aussi Arnold (Le toujours génial et indispensable Eric Wareheim) ainsi que Jeff (aka le chef/collègue chelou de Dev aka l’impeccable Bobby Cannavale) et bien entendu, cœur avec les mains : Francesca. Sublime Alessandra Mastronardi. Je ne sais pas si elle est tombée pile au moment où j’en avais besoin mais c’est une saison parfaite à mes yeux.

La mouche (The fly) – David Cronenberg – 1987

05. La mouche - The fly - David Cronenberg - 1987Beyond the flesh.

   9.5   Ce n’était pourtant pas une découverte mais purée, c’est bien la première fois que ça me saute à ce point aux yeux : Quel chef d’œuvre, nom de dieu ! Là à chaud, je trouve ça presque aussi génial que Crash et au moins aussi puissant que Faux-semblants. Ils constituent tous trois ce qui caractérise le mieux Cronenberg à mes yeux : Toute sa subtile démesure, sa fascination pour la chair, la déformation, les monstruosités domestiques, tout cela explose littéralement dans cette fusion improbable entre la pure série B, la fable horrifique, la romance et le mélodrame – Car c’est aussi un grand film déchirant sur la maladie et la solitude qu’elle génère. Et puis il y a derrière ce mélange des genres une vraie signature. Dingue ce que j’aime cette veine-là de Cronenberg.

     Ce qui est très beau c’est qu’au-delà du crescendo dégénérescent dont on pourrait penser qu’il est un peu gratuit existant uniquement pour te filer la nausée, le film me semble être un cri d’amour pour ses personnages. Cronenberg construit une histoire d’amour bouleversante qui n’a pas le temps d’être consommée dans les coutumes confortables. Seth, le scientifique et Veronica, la journaliste ont à peine le temps de rêver de leurs vacances, que le film bascule dans le malaise, le trouble, l’épouvante puis l’horreur. Surtout ce qui m’a fasciné dans ce nouveau (Troisième ? Quatrième ?) Visionnage c’est de voir Cronenberg détourner cette à priori banale affaire de triangle amoureux et de mélodrame de chambre : C’est l’histoire d’une rencontre entre un homme et une femme. Ils vont tomber amoureux l’un de l’autre puis il tombe malade. Elle découvre qu’elle est enceinte de lui. Se transformant à petit feu sous ses yeux, elle va l’aider à mourir. Ça pourrait être le truc le plus glauque du monde, mais l’auteur en brise tous les enjeux.

     Le geste initial de Seth témoigne lui aussi d’une grande humanité, puisque son désir de téléportation des corps (Plutôt de désintégration d’un côté pour une reconstruction moléculaire de l’autre) n’a jamais vocation d’alerter le monde ni de recevoir le prix Nobel. C’est comme s’il le faisait pour lui, pour remplacer le transport qu’il déteste – Voire cette séquence en voiture au tout début qui le rend malade. S’il souhaite revendiquer avoir créer le déplacement instantané, il veut avant tout téléporter un corps et non une réplique incomplète de ce corps. L’expérience sur le morceau de viande raconte tout, aussi bien d’un point de vue diégétique (On évite de sacrifier un autre singe) que d’un point de vue théorique : éternel questionnement autour de l’original et sa copie.

     Dans sa dimension horrifique rien ne laisse pourtant présager d’une telle fin : L’homme-mouche qui s’en va sauver sa belle et sa progéniture façon super héros tandis qu’il n’est plus qu’une bestiole répugnante. Il y a ce regard, surtout et cette main, venant saisir l’arme à feu, pour que Veronica l’achève. J’avais oublié ce que racontait cette fin. Ni plus ni moins que le monstre est visible mais que l’être humain, sous sa couche de monstruosité et de cruauté, est toujours là et doué de sa capacité de libre-arbitre. Une fin qui rappelle d’ailleurs beaucoup celle de Gremlins (sorti deux ans plus tôt, je crois) dans la mesure où la bête s’est là aussi transformée outrageusement jusqu’à ne plus ressembler du tout à son apparence originelle. J’aime énormément le film de Joe Dante, c’est un film-doudou, mais ici, et c’est tout le génie de Cronenberg, avant de se faire exploser le crâne, la bête te fait chialer. Et puis il n’y a rien derrière, le film se clôt là-dessus, nous laissant dans cet amas de chair informe, fumant dans la pénombre de cet entrepôt de génie qui n’est plus que le sanctuaire d’un carnage tragique.

     On est vraiment au-delà de ce qu’on est en droit d’attendre à la fois d’un réalisateur qui a déjà mis la barre haut (Chromosome 3, Dead Zone, Videodrome) mais aussi d’un film horrifique traditionnel. Ça va tellement plus loin. Et puis c’est un modèle de mise en place c’est ahurissant. Avec ce qu’il faut d’image/clin d’œil à l’évolution du récit – Cette impression déstabilisante que Seth est un insecte avant de fusionner avec, qu’il est luisant avant de vraiment transpirer de tous les pores, qu’il est velu avant d’avoir des poils drus partout, qu’il déambule bizarrement avant de marcher au plafond. C’est un monstre déguisé, qui enfile les mêmes vêtements chaque jour, vit dans un immeuble délabré qu’il semble seul à habiter. Sa façon de bouger, parler, manger est aussi déjà en décalage.

     Lorsque Seth demande un objet ou un bijou à Veronica, elle lui donne ses bas, premier échange érotique entre eux autant qu’il annonce autre chose, c’est comme si elle retirait sa seconde peau. Plus loin lors de leurs ébats Seth se plante un morceau de métal dans le dos, un bout de machine quelque chose comme ça, écho subtil à l’atroce fusion finale dont il sera victime avec la cabine de téléportation. Il y a déjà ce lien étroit et fusionnel entre l’homme et la machine qui culminera dans Crash avec la voiture. Il y a déjà cette dimension métallique, cette fascination pour les inventions affreuses qui parcourront bientôt Faux-semblants. Et le corps qui meurt, se pare de cicatrices, pustules, plaies. Véritable désintégration, visible alors qu’elle demeurait hors champ et abstraite d’une machine à l’autre.

     Comment ne pas évoquer ce crescendo horrifique, au moyen de savantes séquences entrées dans la postérité ? La toute première – elle te saute à la tronche sans que tu l’aies vue venir – c’est le babouin, qui entre dans un ovoïde et que l’on retrouve dans celui d’à côté désintégré dans un amas de chair dégoulinant accroché à un squelette informe. Tu crois alors que le film est lancé sur la pente de l’horreur, mais il va pourtant prendre son temps avant de balancer une deuxième salve : Elle intervient après la fusion génético-moléculaire Seth-mouche, alors qu’il se retrouve dans un bar, survitaminé, et qu’il fait éclater le radius d’un type au bras de fer. Plus loin, alors qu’il fait connaissance avec son corps en métamorphose, il se décolle les ongles, avant qu’une giclée de pu ne sorte de ses doigts comme on exploserait un kyste. Si t’es en train de manger, c’est mort. Dès lors, plus aucun filtre. Incroyable d’ailleurs de constater combien les effets spéciaux sont toujours aussi puissants trente ans plus tard, à l’ère numérique.

L’amant d’un jour – Philippe Garrel – 2017

17. L'amant d'un jour - Philippe Garrel - 2017Triangle scalène.

   6.0   On peut grossièrement dire que L’amant d’un jour constitue le dernier volet d’une trilogie entamée avec La jalousie et poursuivie avec L’ombre des femmes. Une trilogie de la femme, pour les femmes, libres, indomptables, freudiennes.

     Cette histoire d’étudiante jetée par son mec, recueillie par son enseignant de père alors en pleine passion avec une fille de son cours, de l’âge de la sienne, était le plus beau des trois récits, simple et mythique à la fois. Triangle parfait, et parfaitement dissemblable, qui résonne comme l’origine du monde, adéquat avec le cinéma garrelien dont on a chaque fois la sensation qu’il réinvente et s’approprie la naissance du cinéma.

     Le résultat est pourtant aussi beau que déceptif. Inattaquable tant il est en phase avec les coutumes garreliennes comme on pourrait en dire de chaque nouvelle sortie d’un film de Hong Sangsoo (Œuvre construite sur d’infimes variations) mais peu stimulant – Et là ça reste purement subjectif : Le souvenir du film s’évapore assez vite, sa beauté est un peu figée, sculptée dans son sublime noir et blanc mais peu chaleureuse, l’émotion peine à trouver sa place.

      Il faut dire que découvrir ce dernier Garrel dans la foulée d’Ava, le vivifiant premier film de Léa Mysius, ainsi qu’en plein chamboulement généré par la diffusion attendue de Twin Peaks S3 (Et 2 jours après la diffusion de l’épisode 8, qu’on se le dise) et en plein coup de cœur Master of None S2, n’aide pas beaucoup, ni à tenter de percer son hermétisme fabriqué, encore moins à s’extraire de cette bulle régénérante offerte par un trio on ne peut plus distinct : Lynch / Mysius / Ansari.

     Et puis le postulat « Fille de Garrel » un poil trop théorique, en l’occurrence, me plait moyen  – Je préfère le Garrel qui sait couper court à ces dispositifs imposants – notamment parce que j’ai du mal avec le jeu d’Esther Garrel, qui me semble en permanence un peu haut, quand Louise Chevillotte, à ses côtés, inconnue, irradie, elle, vraiment chaque séquence – Et pas seulement lors de cette superbe séquence de rhabillage.

     Ceci dit, la fin est très belle. Garrel a toujours su soigner ses fins – J’ai un souvenir déchirant du final de Le vent de la nuit, et un souvenir ému des derniers instants d’Elle a passé tant d’heures sous les sunlights, film que je n’aime pas beaucoup et qui fait partie de ces films que je trouve sauvés par leur fin. Là il y a l’idée de boucle, puisque la fin résonne beaucoup avec l’ouverture. Un personnage a disparu, ça devrait être triste pourtant Garrel a réussi son transfert lumineux un peu par magie.

     Au centre du film il y avait aussi cette séquence de danse complètement onirique, mise en musique par Aubert sur un texte de Houellebecq. Facile et dans l’air du temps mais j’ai trouvé ça très beau. Il y a tout de même de bien jolies fulgurances.

Dangereuse sous tous rapports (Something wild) – Jonathan Demme – 1987

02. Dangereuse sous tous rapports - Something wild - Jonathan Demme - 1987Locos de amor.

   6.0   Je ne connais pas du tout la première période de Jonathan Demme, celle qui semble avoir essentiellement été émaillées de comédies dites dramatiques. Rien de surprenant quand on observe sa fin de carrière avec les deux beaux films que constituent Rachel se marie et Ricki & the Flash. Plus surprenant quand on se souvient que Demme est celui qui se cache derrière Philadelphia ou Le silence des agneaux.

     Tout ça pour dire que Something wild ne ressemble pas vraiment à ses deux plus gros succès. C’est une chouette comédie en deux parties. Sorte de road movie débridé d’abord, dans lequel Lulu (Mélanie Griffith, à peine sortie de Body double) une mystérieuse femme libre et sexy « enlève » dans un snack Charles (Jeff Daniels, tout juste la trentaine) un banquier marié, coincé, dans une équipée sans limites, aux rebondissements à la pelle et aux dialogues pêchus.

     Ou presque. Puisque le film, comme Lulu qui devient Audrey, alors de retour dans la ville de son enfance, se métamorphose complètement. Charles a pris goût à cette nouvelle vie mais la jeune femme semble attirer par quelque chose de nettement moins excentrique. Et tous deux feront éclater de gros secrets. Qu’on en apprenne constamment de nouvelles sur les personnages est la bonne idée du film, lui conférant une écriture riche et lui préservant son tempo soutenu.

     C’est notamment dès qu’apparaît Ray Liotta (qui campe l’ex de Lulu/Audrey) que le film effectue un virage vers le thriller. Pas ce qu’il fait de mieux même s’il faut lui reconnaître deux atouts : Une aisance dans la gestion de son suspense (Qu’il confirmera quelques années plus tard dans son film multi oscarisé) et Ray Liotta, assurément cinglé et flippant, dans chacune de ses apparitions où on ne sait jamais s’il va exploser de rire ou péter une durite.

     L’espace d’un instant j’ai pu voir comme un lien entre ce film-ci (Qu’on considère comme son premier relatif succès) et son dernier : Dans la manière que Demme a de filmer le groupe scénique – On sait qu’il est l’auteur d’un docu sur une performance live des Talking Heads. La scène pivot contient une longue séquence dansante dans laquelle il filme magnifiquement le groupe en prestation, comme il le faisait si bien dans son film avec Meryl Streep.

Les grands fonds (The deep) – Peter Yates – 1977

01. Les grands fonds - The deep - Peter Yates - 1977Le trésor du Goliath.

   6.0   La moitié du film se déroule sous l’eau, autour de l’épave d’un vieux rafiot militaire. Tant mieux, c’est ici que le film trouve ses meilleures inspirations. Peter Yates prend son temps, filme magnifiquement la faune (requins, poissons, murène) et chaque recoin de ce monstre d’acier qui menace en permanence de s’avachir dans les profondeurs.

     L’histoire est celle d’un couple de touristes en vacances, passionné de plongée. Lui arbore un buste saillant, une chevelure or et une Rolex quand elle est simplement vêtue d’un t-shirt moulant blanc et mouillé, sans soutif de maillot en dessous. Et c’est Jacqueline Bisset, si tu vois ce que je veux dire. Ils sont aux Bermudes. La détente, quoi. Sauf qu’en s’aventurant plus loin qu’ils ne le devaient, ils vont visiter une vieille épave et découvrir qu’elle renferme plus d’un secret.

     C’est d’abord de curieuses ampoules de morphine (qui abondent bientôt par milliers) qui attirent leur curiosité – Ce qui leur vaut vite d’avoir la mafia locale sur le dos. C’est ensuite l’éventualité de la présence d’un trésor, qui va les faire plonger, plonger encore, épaulés par un chasseur de trésor, mi arriviste mi passionné, campé par Robert Shaw, dont le rôle change peu de celui qu’il jouait chez Spielberg, dans Jaws, un an plus tôt.

     C’est un chouette film d’aventures, chasse au trésor saupoudrée de trafic de drogue, qui peut aussi bien rappeler Opération Tonnerre, Les aventuriers (De Robert Enrico) que Tintin. Gros problème à mes yeux : Une storyline est nettement au-dessus de l’autre. Comme attendu, les deux finissent par se confondre dans un final un peu fonctionnel, mais ça passe, notamment car les vingt dernières minutes sont parfaitement agencées, angoissantes. Et sous-marines.

     Le casting envoie du bois : Jacqueline Bisset, Nick Nolte, Robert Shaw, Eli Wallach. Et pour la petite anecdote, Les grands fonds a fait l’objet d’un remake en 2005, intitulé Bleu d’enfer (avec Jessica Alba & Paul Walker) qui troqua Les Bermudes pour les Bahamas. Dans le peu de souvenir qu’il m’en reste, ça n’avait aucun intérêt.

Daft Punk – Discovery – 2001

71bsHTr6idL__SL1500_High night.

     J’ai toujours été plus Homework que Discovery. Plus Rollin & Scratchin que One more time, si tu vois ce que je veux dire – Sans exagérer hein, j’avais onze ans et quand cette boucherie de trois fois sept minutes de Rollin & Scratchin / Rock’n roll / Burnin’ faite de pneus qui crissent, ballet de zips métalliques, beat techno bien gras et cymbales endiablées déboulaient dans la voiture familiale, je jubilais.

     J’aimais que les Daft Punk me chatouille vraiment les oreilles. J’ai toujours été un peu gêné par les phases down tempo de Discovery, type Digital Love ou Something about us, trop post disco pour moi je pense. Pourtant voilà, je réécoute beaucoup cet album depuis quelques jours et force est de constater d’une part qu’il vieillit très bien et traverse finalement mieux le temps que RAM qui mange à tous les rateliers avec son entrée très One more time et son final très Too long, ses featurings, ses relou Get Lucky / Love yourself to dance.

     De constater d’autre part qu’il est aussi plus addictif que son antécédent, Homework, donc, sublime mais disparate, qui libérait des troués folles, un tube parfait (Da Funk, imbattable) mais aussi du trop long trop vocodé (Jamais été fan d’Around the world, je le confesse), d’autre part qu’il y a une vraie cohérence d’ensemble, ce troisième album générant des bijoux électro dantesques (Aerodynamic, Crescendolls, Superhéroes, les trois morceaux vers lesquels je reviens souvent, on ne se refait pas), un tube insolent (Harder Better Faster Stronger) avant qu’il ne squate une apli Iphone, un morceau cassé en deux (Miraculeux Short circuit), une sortie idéale avec un Too long qui n’en finit plus, sans oublier ces retombées élégantes dans de pures rêveries inépuisables.

     Alors c’est sûr que ça change d’Homework. Même les morceaux les plus chevronnés de Discovery sont plus doux que les plus radiophoniques d’Homework. C’est comme si on te prenait par la main pour aller danser alors qu’on avait d’abord commencé par te balancer des bourre-pif sur la piste. J’imagine que je me suis assagi (un truc comme ça) et que je préfère dorénavant (à vérifier selon l’humeur, toutefois) les Daft Punk plus zen, généreux dans leurs compos et plus cotonneux – Si mon morceau préféré de RAM c’est Motherboard et celui de Discovery c’est Veridis quo (Pur chef d’œuvre à ranger aux côtés des inaltérables La ritournelle, de Tellier ou La femme d’argent, de Air) ce n’est pas un hasard je pense.

La jeune fille de l’eau (Lady in the water) – M. Night Shyamalan – 2006

06. La jeune fille de l'eau - Lady in the water - M. Night Shyamalan - 2006L’effet aquatique.

   5.5   Etant donné que c’est l’un des films préférés de ma femme, je persévère, j’essaie de comprendre, j’espère y être embarqué autant que ça puisse être le cas de son côté. Lors de sa sortie, il y a plus de dix ans, je n’avais pas encore réévalué le cinéma de Shyamalan. J’avais trouvé le film osé, dans sa façon de jouer plein pot la carte du conte, mais à vrai dire il avait complètement glissé sur moi. En le revoyant quelques années plus tard, il m’avait séduit par sa poésie naïve et une certaine magie (fonctionnelle, probablement) qui m’avait échappé la première fois.

     Dans ma période « replongée dans le cinéma de Shy » (J’ai revu Incassable, je vais revoir Signes et surtout découvrir Split et rattraper Le dernier maître de l’air) je tenais à réessayer La jeune fille de l’eau. Sans doute parce qu’il est celui de ses films dont je garde en souvenir les plus belles images : Notamment la géométrie de cet immeuble résidentiel (Le film ne s’en extraie jamais) qui encercle une étrange piscine renfermant un passage vers un abri, ainsi que ces immenses loups recouverts d’herbe, ainsi que la pureté un peu malaisante dégagée par Brice Dallas Howard.

     Mais je suis un peu déçu. Car hormis sa quête première (Faire que la nymphe égarée rejoigne son monde bleu avec l’aide de personnes qui doivent chacun trouver leur rôle) je trouve le film un peu prisonnier de son aspect œuvre-rébus, balourd ou simpliste dans son écriture et les interactions entre ses personnages. Je trouve aussi qu’il gère mal ses mystères et sa dimension fantastique. Il manque du hors-champ, même s’il est vrai qu’il est souvent beau dans certaines de ses compositions de plans et qu’il a cette idée de faire que le monde soit réduit à cet immeuble résidentiel.

     Je n’y vois surtout que des personnages de conte pour enfants, avec cet aspect ludique de rôle changeant (J’ai souvent l’impression de jouer loups garous et aux villageois, en gros) mais il me manque un petit plus émotionnel, que Shy va tout de même débusquer avec son héros, campé par Paul Giamatti, qui s’est attribué le rôle de gardien (Après tout c’est le concierge de l’immeuble) avant qu’il se révèle guérisseur : Personnage bouleversant, puisqu’ancien médecin ayant perdu sa femme et son fils. Sans lui, ça fait un peu court, d’autant qu’il faut être solide pour accepter le personnage critique de cinéma dessiné maladroitement (antipathique, menteur, débile) ou un gosse qui interprète les codes sur ses boites de céréales.

     Mais ça fait pourtant partie du délire Shy d’accepter cela. Et l’enfant, une fois de plus, est le vecteur central, le moteur qui mène à la résolution. Qu’on apprenne que La jeune fille de l’eau est « l’adaptation cinématographique » d’un conte imaginé par Shy himself pour ses propres enfants ne fait que renforcer cette impression que l’auteur ne cesse d’utiliser, assez humblement à mon avis, le cinéma pour faire parler l’enfant qui est en lui. Rien qu’un conte pour que les (grands) enfants/candides continuent de croire et de rêver. Noble cause, en somme. Qui me fait sans doute aimer le film davantage rétrospectivement mais qu’importe.

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