Archives pour août 2017

Dunkerque (Dunkirk) – Christopher Nolan – 2017

24. Dunkerque - Dunkirk - Christopher Nolan - 2017Trois temps, trois mouvements.

   7.0   J’ai beaucoup pensé à Inception. D’abord dans sa façon d’aborder la triple temporalité, mais aussi plastiquement puisque je n’ai cessé de repenser aux brèves images des limbes, sur cette plage de la Mer du Nord. Que le film s’ouvre dans une ville canardée pour en extraire violemment un homme et le rejeter sur le sable évoque beaucoup ces buildings dévorés par l’océan. Plus loin il y a aura aussi l’omniprésence de l’écume – On croit parfois les soldats s’enfoncer dans une poudreuse – qui convoque ces arrivées dans les rêves quand DiCaprio se retrouvait plongé la tête dans le sable mouillé. L’idée de la marée permet de relier les deux obsessions de Nolan : L’engloutissement et le temps. Ce qu’il traitait déjà pertinemment dans Insomnia avec ce brouillard qui faisait naître un crime et ce ballet de journées sans nuit qui ouvraient droit sur la folie.

     Dunkerque suit l’Opération Dynamo sur trois espace-temps différents et un montage parallèle qu’affectionne tant Nolan : Une semaine sur une plage, une journée en mer, une heure dans les airs – On se souvient que dans Inception, quelques secondes dans une camionnette se dilatent sur une heure dans une forteresse en montagne ; Que Dans Interstellar, une heure sur la planète Miller équivaut à sept années terrestres. Trois chapitres balancés d’emblée pour mieux les oublier : Nolan choisit de faire converger astucieusement ces trois temporalités pendant une grande partie du film, notamment lors de séquences étouffantes (cockpit, épave, jetée) et de chevaucher curieusement la linéarité, au point que la seule temporalité qui finit par exister à nos yeux c’est celle du film. C’est très beau. La fin est plus convenue, plus didactique mais il fallait bien finir.

     Pour le reste j’aime que le film soit quasi sans parole, qu’il se concentre avant tout sur les gestes, les regards, les déplacements. S’il n’est pas bavard il n’est pas sans musique : M’est avis que ça doit être l’enfer pour les anti-Zimmer. Intense partition, une fois de plus, dont le film ne peut se détacher (Il ne s’en détache pas, dans mes souvenirs) autant dans ses roulements post-Glass, ses points d’orgue habituels que ses tentatives bruitistes plus subtiles. Pour moi le bémol du film c’est qu’il joue son va-tout sur l’immersion – Il refait l’ouverture de Saving Private Ryan sur 1h45 en gros. Ça marche hein, c’est vraiment sensoriel, suffocant, on a l’impression d’y être, mais c’est un genre (Le film de guerre) dans lequel ça m’a toujours un peu gêné – Je préfère voir ça dans Gravity par exemple, dans l’espace plutôt que sous les bombes.

     On est donc sur le pur terrain du survival, mais pour que ça fonctionne vraiment il faut des personnages et je n’en vois pas, plutôt je ne les distingue pas – C’est le revers de la médaille du film sans parole j’imagine, Nolan ne parvient pas à les incarner autrement qu’en minuscules concepts. Cette année j’ai découvert La 317e section de Pierre Schoendoerffer, qui est aussi l’histoire d’une fuite, d’un repli (l’anti-héroïsme de guerre en somme) mais il y avait de vrais beaux personnages dedans. Et le film était pourtant très immersif alors qu’il est dépourvu de musique et de grands bavardages. Grosse réserve donc, même si je le répète j’aime beaucoup comment Nolan transcende son matériau historique (Le fameux miracle de Dunkerque) en trois temps qui se collisionnent. Ça suffit à en faire un beau film, à mes yeux.

Mad Men – Saison 1 – AMC – 2007

     Voici le récap de mes Notes quotidiennes sur mon rattrapage Mad Men – Et qui sera très probablement ma plus grande découverte (tardive) de l’année. En espérant que je poursuivrai dans cet élan pour les saisons suivantes. Car c’est une véritable claque. De celles dont on ne se relève pas.

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20/07/17

Au rayon des grandes séries achevées, il me reste tout un tas de choses à découvrir. Six Feet Under, Les Soprano, The Shield, Oz, pour ne citer que ces quatre-là. Si j’arrêtais de mater des nouveautés je pourrais rattraper ce retard sur un an, facile. Mais j’ai pas envie d’arrêter de mater des nouveautés, y a trop de belles choses. Parmi la liste de ces « séries cultes » qui me font de l’œil, Mad Men est bien placée. J’ai appris hier que la série avait été lancée il y a dix ans jour pour jour : L’occasion idéale pour s’y mettre. Le pilot m’a permis de faire brièvement connaissance avec ce petit univers de la publicité dans le New York des années 60. De faire connaissance avec Don Draper, un nom que j’ai tellement entendu ces dix dernières années qu’il est devenu à mes yeux une mystérieuse légende. D’apprécier d’emblée l’élégance de la mise en scène, la beauté des costumes, la place centrale de la cigarette. C’est très bizarre d’entamer une série dix ans après tout le monde. Durant cet épisode de 47 minutes, Mad Men condense assez ce que je m’étais représenté de la série, son esthétique, son tempo, sur un ton un poil plus dépressif que l’image que je m’en faisais. La séquence finale est très belle. Je ne sais pas combien de temps ça me prendra mais, depuis hier soir, 19 juillet, je suis lancé !

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21/07/17

Il y a deux scènes très brèves, dans ce deuxième épisode, qui racontent beaucoup de cette ambiance paradoxale et surprenante qui habite la série. Peggy entre dans les toilettes du bureau et croise l’une de ses collègues en larmes. Deux scènes, deux femmes différentes. La première fois elle se soucie de cette femme qui pleure, s’empresse de l’approcher, mais elle est accompagnée de Joan Holloway « sa supérieure » qui lui fait signe de passer son chemin. La seconde fois, elle est seule. Et d’elle-même choisit de ne pas s’en inquiéter. Elle fait partie des lieux, elle est contaminée. Pourtant, elle aussi a ses états d’âmes quant à la lourdeur des hommes qui ne cessent de la draguer sans pincettes. C’est que derrière la légèreté de ce voile, joviale, parfois potache (la séquence du déodorant) on a le sentiment que les personnages jouent un rôle qui ne correspond en rien à ce qu’ils sont dans la vie. Don Draper le premier, qui bien qu’il continue de passer du bon temps avec sa maitresse, s’inquiète pour sa femme sujette à une mystérieuse anxiété qui la conduit à affronter un léger accident de voiture qui va complètement l’ébranler. Ce personnage féminin me fascine déjà tout particulièrement. Ici, elle semble heureuse, là elle donne la sensation de vouloir être ailleurs. A vrai dire je ne m’attendais pas à voir tout cela aussi vite. Je ne m’attendais pas à ce que la série ne cesse de crier son état dépressif latent. Une fois encore, l’épisode se ferme sur un plan d’enfermement du personnage entre deux portes ou cloisons. Il y a décidemment quelque chose de brisé et résolument tragique là-dedans, qui va à l’encontre de ce qu’on a déjà pu croiser dans les fictions traitant de cette Amérique bourgeoise et familiale. Là à chaud ça m’évoque presque Sirk ou plus récemment Mildred Pierce.

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23/07/17

Je me demande bien qui est Donald Draper. Ce publicitaire lunaire qui débarque au bureau en lançant quelques discrètes vannes tout en tirant la tronche. Cet homme mystérieux moins perturbé par la nouvelle campagne de pub Volkswagen (Qui semble ébranler tout le monde) que par cette étrange rencontre avec un vieux copain dans un train. Cet amant compulsif qui fait du gringue à une partenaire professionnelle sur le toit de son magasin avant de se raviser en lui avouant qu’il est marié. Ce père de famille qui construit une maison de jardin pour l’anniversaire de sa fille tout en s’enfilant des litres de bière. Ce mari dont les autres housewifes sont jalouses (« That man ! », s’exclame l’une d’elle en le voyant s’affairer avec son tournevis, avant qu’elle ne lui fasse la blague de l’accompagner prendre sa douche) mais qui semble trouver une oreille plus confidentielle du côté de cette femme délaissée. Don Draper, cet homme aux allures si parfaites, qui sort sa Super8 pour faire une vidéo souvenir tandis qu’il ne reviendra pas avec le gâteau d’anniversaire (préférant l’errance de ses pensées devant un passage à niveau – Sublime scène avec le bruit d’un train qu’on entend passer hors champ dont le reflet courbé de ses lumières vient couper le visage de Don au regard lointain) mais avec un labrador. Je ne sais pas encore le quart de la moitié de ce que peut ressentir ce personnage ni de ce qu’il a vécu, mais il me bouleverse déjà. Au moins autant que Betty, sa femme, complètement paumée « I do not know what to say » lâchera t-elle à la fin de Marriage of Figaro, le troisième épisode de cette saison 1, quand elle assiste au retour de Don, fêté par ses enfants heureux qu’il leur ait offert un chien. Oui, je n’en suis que là. Et déjà, je trouve ça puissant.

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26/07/17

Un épisode qui permet, entre autre, de creuser le personnage de Pete Campbell, commercial fraichement marié. On y découvre un jeune loup plus fragile et influent qu’on ne le croyait / qu’il ne laissait paraître. Le mariage les pousse, lui et sa femme, à se pencher sur l’acquisition d’un appartement au cœur de Manhattan, forcément hors de leurs prix. Plus que d’argent, c’est un épisode qui évoque la complexité des pouvoirs de domination. Pete travaille donc pense être celui qui aura le dernier mot sur cet appartement – Son salaire est insuffisant, point. Puisqu’ils sont jeunes, Trudy, sa femme imagine qu’on va les aider, que c’est dans l’ordre des choses. Quand le père de Pete bloque les négociations – Il ne semble pas s’être remis du choix de carrière de son fils – les parents de Trudy s’empressent de leur porter secours.

      A l’agence se produit un fait non pas similaire, mais dans la pleine mesure de ces rapports de pouvoir : Pete est persuadé que ses idées sont aussi pertinentes que celle de Don et le devance sur le slogan d’une maquette. Un geste finalement sans répercutions puisque si Don le vire sur-le-champ c’était sans compter un autre rapport de force – Magnifique entrevue Cooper/Sterling/Draper en chaussettes, petit détail mais petit détail qui compte tant il permet de constater qu’une série a la classe ou ne l’a pas – qui permet à Pete d’être relativement intouchable car descendant d’une famille ô combien influente chez Sterling Cooper qui lui doit une partie de son carnet d’adresses.

      New Amsterdam est un épisode passionnant dans ce qu’il génère de collision en duo : Helen/Betty ; Betty/Glen ; Rachel/Don ; Pete/Don. Pour accoucher sur deux entrevues en trio qui n’en sont pas vraiment : Dans la première, en chaussettes, Sterling est transparent, c’est Cooper qui mène la barque. Dans la suivante, lorsque Sterling fait croire à Pete que si Sterling Cooper choisit de le garder, il le doit entièrement à Don Draper, Don est présent mais ne sert strictement à rien. Il est flatté gratuitement parce qu’on voudra toujours plus le préserver lui que « that little snot » de Pete Campbell, pour reprendre les mots de Roger Sterling. Enième cinglante démonstration de pouvoir.

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27/07/17

« Who is Don Draper ? » C’est bien ce qu’on se demandait à la fin de l’épisode 3. Ces mots, ce sont ceux employés par son frère, dans 5G (1.05) dans lequel on apprend que Don s’appelle en vérité Dick. On le savait déjà un peu puisque l’homme qu’il avait croisé dans le train durant l’ouverture de l’épisode 2 l’avait alpagué par ce prénom. On en sait donc un peu plus : Don Draper a tiré un trait sur une partie de sa vie « I have a life. And it only goes one direction. Forward » dira t-il à son frère cadet avant de le planter dans le bar du coin où il n’a sans doute jamais mis les pieds, puisque c’est un homme si secret : Betty plaisante lorsqu’elle demande à une Peggy complètement perturbé si elle n’est pas saoulé par les bavardages de son mari. Car aussi étrange que cela puisse paraitre, l’épisode démarre en douceur et prend d’abord des allures de petit vaudeville, avant d’embrayer vers la tragédie de famille. Peggy décroche malencontreusement le téléphone quand Don est en discussion hot avec Midge. Et lorsque Betty vient au bureau avec les gosses pour une séance photo, Peggy est persuadé que Don est parti prendre du bon temps et elle préfère se confier à Joan. C’est très drôle de voir Elizabeth Moss jouer cette hystérie fragile, en tout cas – Moi qui ne la connaissais que dans Top of the lake, ou Queen of earth. De manière générale, l’épisode en question me séduit sur tout un tas de toutes petites choses : Jon & Betty dont les bras s’effleurent (comme pour se dire bonjour) après un réveil gueule de bois ; Le « Don’t worry about that » glissé par Don à Peggy pour la réconforter, après qu’elle ait oublié de le prévenir pour les photos ; Et bien sûr, les yeux embués de Don lorsque son frère lui demande s’il ne lui a pas un tout petit peu manqué. Je trouve la série incroyablement généreuse émotionnellement, moi qui m’attendais à quelque chose d’assez froid uniquement bercé par des joutes verbales de types en costume dans des salles de réunion. Il m’aura pas fallu longtemps pour être chamboulé, 5 épisodes seulement pour me faire pleurer durant la scène au Times Square Hotel. J’ai pas envie de trop m’emballer mais j’ai l’impression qu’il se passe un truc fort entre Mad Men et moi.

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28/07/17

Babylon est un épisode plus traditionnel, dans la lignée du pilot. Plus quotidien puisqu’on y découvre quelque coutume perverse/macho de bureau (Lipstick brainstorming faisant office de spectacle pour les hommes derrière la vitre) et qu’on se penche sur le processus d’approche de la clientèle (Le tourisme israélien) et qu’on y creuse les relations extra-conjugales respectives de Don Draper & Roger Sterling. Plus disparate car on s’intéresse un peu à tout le monde, à plein de thématiques, un peu trop vite probablement. L’épisode s’ouvrait pourtant sur un flash/souvenir d’enfance, dans lequel Don s’y remémorait la naissance de son jeune frère Adam. Une continuité parfaite à l’épisode précédent qui nous hante, en somme. Sauf qu’on n’y reviendra pas et tant mieux en un sens, la série sait nous rappeler qu’elle en garde sous le pied. Les fondements scénaristiques m’ayant moins captivé cette fois (Hormis cette très belle scène d’aveu de Rachel au téléphone avec sa sœur) j’ai eu le plaisir d’observer davantage la direction artistique. J’aime beaucoup le regard que la série porte justement sur les regards (Celui, glacial mais nonchalant de Joan, notamment) et d’autres détails qu’on aurait enfoui ailleurs comme ces mouchoirs imbibés de rouge à lèvres, cette somptueuse queue de cheval en spirale de Peggy, une discussion de lit autour de Joan Crawford. Il faut savoir mettre en scène tout cela. Et Mad Men le fait tellement bien. Episode anecdotique en apparence mais qui pourrait bien faire partie de ceux qui avance leur complexité plus subtilement. Et qui à l’instar du pilot, se ferme sur une séquence un peu en décalage avec ce qu’on vient de voir – Ici un montage alterné musical avant de s’en aller sur ce très beau plan (un peu déprimant) de Joan & Roger Sterling, devant l’hôtel, cherchant chacun leur taxi.

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30/07/17

Deux épisodes très différents mais je fais un prix groupé pour la simple et bonne raison que pour la première fois depuis mon lancement dans la série j’en découvrais deux à la suite. L’un évoque majoritairement la relation entre Sterling et Draper, l’autre celle entre Peggy et Pete. Sous ses apparences de bromance, la relation Sterling/Draper est plus fragile et cordiale qu’on ne le croit, qui plus est quand les diners sont alcoolisés et les avances impulsives (couronnant un flirt un peu bizarre entre Betty et Roger) complètement déplacées. Ça permet de voir une rivalité qu’on n’avait pas vue encore et de constater que Roger Sterling gère difficilement 23 étages à pinces après un repas d’huitres – Fin d’épisode aussi hilarante que troublante. De la même manière, le rapprochement entre Peggy et Pete, qu’on attendait depuis un premier flirt fugace (épisode 1) montre clairement ses limites entre ce besoin de posséder et la crainte de l’être d’un côté (J’ai vraiment du mal avec ce personnage pour le moment) et le désir de liberté absolue recherché de l’autre – Peggy qui danse sur Let’s twist again, ça n’a pas de prix. A part ça, Don semble être en passe de tirer un trait sur Midge, sa maîtresse, dont il est comprend qu’elle s’est entichée d’un autre, plus beatnik que lui forcément. Ce qui veut dire qu’il va probablement falloir que je tire un trait sur la belle Rosemarie DeWitt. A moins que. C’est d’ailleurs l’occasion d’un premier (J’imagine qu’il y en aura d’autres bientôt) très long flashback sur l’enfance de Don. Ça se met en place progressivement, on sent que la série a plein de choses à raconter. Car on pourrait aussi revenir sur Salvatore Romano, le graphiste, l’homme à femmes qui semble troublé par les hommes. Ou sur ces appels répétés en Don et le psy de Betty qui lui fait les comptes rendus de leurs séances. Ou sur ce qui se trame politiquement en filigrane (puisque les présidentielles approchent) avec les évocations régulières de Nixon et Kennedy. C’est donc toujours aussi riche et passionnant.

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01/08/17

Deux épisodes absolument fabuleux (Peut-être bien mes deux préférés depuis le début) durant lesquels on apprend que Kennedy grignote l’avance de Nixon au moyen d’une campagne plus concrète et proche du peuple, avant qu’il ne soit carrément appuyé par le président sortant Eisenhower. Ce qui grille le moral des troupes Sterling Cooper, qu’on sait derrière le vice-président, surtout Don qui préfère celui qui s’est fait tout seul au gosse de riche car dit-il : « I see myself in him ». Outre la politique on y parle beaucoup de cinéma. Je sais que Mad Men s’est accaparé cette spécialité, j’en attendais donc beaucoup de ce point de vue-là et je ne suis pas déçu. Ici Roger veut inviter Joan à la projection de La garçonnière avant de lui avouer que le cinéma d’aujourd’hui le gêne à toujours s’avachir dans l’excès en prenant l’exemple de Psychose. Plus loin, Joan se plaint de faire trop Doris Day et pas suffisamment Kim Novak. Et Betty est engagée pour une séance photo car on décèle en elle l’élégance d’une Grace Kelly. Ça parait léger comme ça pourtant ce sont là deux épisodes très sombres. Un premier très dur envers Betty (Je crois que je suis amoureux de January Jones, mais passons) où l’on peut constater la cruauté maligne de ce monde sans états d’âme : Elle est approché par une agence publicitaire très connue afin de la faire poser pour Coca-Cola, elle retrouve donc une nouvelle jeunesse puisqu’on apprend qu’elle était mannequin avant d’être mère au foyer. Mais c’est une approche qui en vise une autre : S’accaparer les services de Don. Elle n’en saura rien (pour l’instant ?) mais j’ai vraiment souffert pour elle. Le titre de l’épisode original (Shoot) est plus représentatif que le titre français (Changement de décor) tant c’est un virage éphémère, comme l’envol d’un pigeon terminant sa course dans la gueule d’un chien. Rien n’a changé finalement, si ce n’est qu’on a brisé le rêve de renaissance de Betty – Ses larmes retenues lorsqu’on lui fait comprendre que ça s’arrête là sont terribles. L’épisode suivant aussi est très marquant tant on a l’impression que c’est un monde en sursis, toujours sur la brèche, qu’il s’agisse de la relation électrique Don/Pete, de la perte d’un client ou d’une attaque cardiaque. L’épisode se ferme sur un Don ravagé, qui trouve en Rachel la confidente idéale. C’est très triste mais très beau.

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02/08/17

Comme son titre l’indique Indian Summer est un épisode de transition avant l’hiver, on est en octobre, il y fait excessivement chaud au point que des VRP viennent sonner aux portes des housewifes pour leur vendre des climatiseurs. La sueur ruissèle sur les peaux, les draps sont de trop et les machines à laver (Beaucoup pensé aux Bruits de Recife, de Kleber Mendonça Filho) semblent offrir au moins autant de sensations fortes que les ceintures amincissantes. Qui a dit que Mad Men était une série de mecs ? Superbe double (ou triple si l’on observe le regard bouleversant de Joan pour un Roger amorphe) représentation du désir, tout en vibrations nouvelles, aussi bien du côté de Peggy à la présentation de ce nouveau curieux projet que chez Betty qui fantasme sur un inconnu de passage. Et en filigrane, la campagne de Nixon sent le roussi si l’on en croit les dires d’un rédacteur, les dirigeants de Lucky Strike (Le gros client de l’agence) sont inquiétés par une kyrielle de procès, Don est promu actionnaire après la nouvelle crise de Roger, et le frère de Don se suicide, après avoir posté un étrange paquet réceptionné par cette petit merde de Pete Campbell qui se l’embarque sous le bras. Oui, il a fait chaud. Don a même troqué son habituel whisky pour un verre d’eau.

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03/08/17

Sommet de déprime cette fin de saison avec en point d’orgue cette cruelle double fermeture fantasme/réalité. Si Mad Men est déjà si importante à mes yeux c’est dans la gestion de cet équilibre fragile entre la légèreté et le mélo, vie de bureau et vie privée (que Don et sa sublime séance diapos fait rejoindre dans un élan curieux, à la fois somptueux et désespéré), longs instants de parole et moments de silence, le (faux) collectif et les éternelles solitudes. La petite fête arrosée qui se joue dans l’agence en attendant les résultats des élections contraste avec l’affrontement entre Pete & Don et le flashback qui raconte comment Dick Whitman est devenu Don Draper – Une histoire de désertion familiale, pas forcément celle dont Pete l’accusait, mais c’est une affaire de fuite quand même. Cette séquence sur le quai de gare, mon dieu. Quant au dernier épisode, il renverse un peu toutes les situations : Si une guerre semble engagée à l’agence, c’est autre chose qui se brise pour Betty – Tellement hâte de voir évoluer ce personnage. Moins fan du sort réservé à Peggy. Ok elle avait pris du poids, on se doutait bien que ça cachait quelque chose, mais faire exploser cela en déni de grossesse total ça sort un peu du chapeau non ? C’est vraiment pour trouver un bémol hein tant j’ai trouvé cette première saison intense, raffinée, passionnante à tous les niveaux. Allez hop, un mois de pause, bonnes vacances à tous !

Get Out – Jordan Peele – 2017

12. Get Out - Jordan Peele - 2017Devine qui va se faire lobotomiser.

   6.5   Film agréablement surprenant, dans la mesure où tout le foin qu’il traina lors de sa sortie me faisait redouter le truc de petit malin, flippant mais rattrapé par une morale bien dans l’air du temps, un Moonlight pour festival de Gerardmer en gros. Et en fait pas du tout. L’ouverture fait craindre le film qui va citer à foison puisqu’on est clairement du côté de chez Carpenter : L’image de la suburb, automnale, nocturne rappelle celle d’It Follows qui déjà dialoguait avec Halloween. Et puis je la trouve vraiment mal fichue cette ouverture, contrairement à celle, glaçante du film de David Robert Mitchell.

     Le film bascule alors dans le teen movie tout ce qu’il y a de plus banal. Rose embarque son petit ami Chris pour lui faire rencontrer ses parents à la campagne. Elle est blanche, il est noir. Sous l’ère Obama, rien d’anormal d’autant que c’est exactement ce que Rose dit à Chris pour le rassurer lorsqu’il lui demande si ses parents sont au courant qu’il est noir : « T’inquiète, mon père aurait voté une troisième fois Obama s’il en avait eu l’occasion » En gros. Un Devine qui vient diner (Jamais vu ce film mais suffisamment entendu parler pour rapprocher les deux pitchs) en 2017, quoi.

     Sur la route, ils appellent un pote, se font des blagues, ils sont mignons tout plein. Il y a une complicité. On se croirait dans un de ces épisodes de Girls quand les filles prennent le large vers la campagne, d’autant que c’est Alison Williams (Marnie dans la série de Lena Dunham) qui campe Rose. Il ne se passe pas grand-chose mais c’est un peu long donc il va forcément se passer quelque chose. Et bim, ils se prennent un cerf. La lourdeur du truc. Mais faut s’accrocher je te dis. D’autant que ce n’est pas uniquement destiné à faire sursauter puisque Chris va ressentir quelque chose d’étrange au chevet de ce cerf mourant, comme si dans son dernier souffle l’animal lui implorait de faire demi-tour. Mais c’est surtout dans le contrôle de police qui s’ensuit que l’étrangeté pointe vraiment son nez. C’est intéressant car c’est une séquence de racisme ordinaire (Le flic demande les papiers de Chris alors que ce n’est pas lui qui conduit) qu’on ne verra plus du tout ensuite. Ça ira tellement plus loin.

     Jordan Peele, dont c’est le premier long métrage, ménage ses effets et construit habilement son crescendo. Si dès le début rien n’est vraiment rassurant, on ne comprend pourtant pas quand ni comment ça va s’embraser. Et quand apparaissent les premiers dysfonctionnements, on ne mesure pas encore l’ampleur de la situation dans laquelle Chris (et d’autres noirs avant lui, qu’on a transformé en esclaves post-modernes, je n’en dis pas plus) est piégé. On pourra toujours critiquer nombre de parti pris, comme la scène de l’hypnose très Under the skin, ou la présence du frangin (Une gueule bien cassé, vu dans la dernière saison de Twin Peaks, notamment) inutilement over the top, ou le montage parallèle avec le pote de Chris, mais au moins Jordan Peele tente des trucs, à défaut de tout réussir.

     La séquence du basculement est très réussie car étirée dans un espace d’étrangeté qui se referme petit à petit sur le personnage. La belle famille fait une curieuse réception où Chris est observé comme un animal de foire hyper performant – Sa couleur, sa carrure, la longueur de son sexe, tout y passe. Ce qui me plait c’est de constater combien Chris a des réactions qu’on pourrait avoir, il est calme,  réfléchi, chose rare dans ce genre de film. Et lorsqu’il croit voir un garçon de Baltimore, il sert la pogne à quelqu’un qu’il ne reconnaît pas, qui ne parle plus sa langue, ne se comporte pas comme un gars du quartier mais comme un blanc. Le film bascule ici. Le type crie un « Get out » qui ressemble fortement au « Get back » muet du cerf mais qui évoque aussi le dernier plan de L’Invasion des profanateurs, de Philip Kaufman.

     Il faut du temps pour en arriver là (1 heure ?) pourtant on n’a pas vu le temps passer, on n’a rien vu venir. C’est ce qui me plait le plus dans Get out, il me surprend suffisamment pour me faire oublier ce que je suis en train de voir et les mécanismes qu’il va utiliser. Il nous a lobotomisé aussi, en quelques sortes. Et le mélange des genres fonctionne jusque dans son carnage final. Car le film est aussi très drôle et il se ferme là-dessus, dans un sauvetage absurde et jubilatoire alors qu’on attendait une sortie cruelle.

Better Call Saul – Saison 3 – AMC – 2017

16. Better Call Saul - Saison 3 - AMC - 2017« It’s all good, man! »

   8.5   Gould & Gilligan sont en passe de faire coup double avec ce nouveau bébé, qu’on appelle communément « spin-off de Breaking Bad » puisqu’il utilise Albuquerque, les terres de Breaking bad, mais aussi nombreux de ses personnages, donc évoque sans cesse la série référente. Avec la faculté d’avoir créé un autre univers au sein du même univers. Je me répète, j’avais déjà dû en parler l’an dernier ou il y a deux ans, mais c’est dingue comme Better Call Saul a amplement dépassé ce qu’elle promettait. D’autant que cette fois, avec un bagage aussi imposant que BB, Gould & Gilligan ont gommé chaque faiblesse ou facilité pour d’emblée trouver la bonne mesure : ces trois saisons se valent peu ou prou. C’est même hallucinant de voir un show aussi constant dans l’excellence sur trois saisons, sur trente épisodes. D’offrir une écriture aussi retorse que limpide, une mise en scène aussi raffinée.

     Il s’y passe d’ailleurs « moins de choses » en terme de rebondissements, comme si leurs créateurs ne cherchaient plus du tout à séduire, c’est-à-dire que Better Call Saul observe l’évolution de chacun de ses personnages de façon encore plus imperceptible que dans Breaking Bad. C’est tellement infime qu’on pourrait réduire la relation entre Chuck et Jimmy à ceci : La première saison saisit la fragilité de leur connexion et les éloigne l’un de l’autre, dans la suivante leur relation est noyée sous la trahison et dans la troisième c’est VRAIMENT mort. On pourrait faire de même avec Mike. Avec Kim aussi, bien que son personnage (au même titre que Nacho) soit plus déstabilisant pour nous puisqu’il n’existe pas dans Breaking Bad. J’ai donc passé une bonne partie de cette saison à trembler pour elle, je n’en dis pas plus. Du côté de Mike il s’est passé un peu plus de choses : Tout d’abord, il y a cette merveille d’épisode où il prend un type en filature et le suit jusqu’à… Los Pollos Hermanos. Frissons inside. La première apparition de Gus Fring fait un drôle de truc, plus encore que la première apparition de Salamanca l’année dernière. On va pas épiloguer sur les clins d’œil à BB, quoiqu’il en soit je trouve que Better Call Saul les disperse merveilleusement sans jamais fonder un épisode dessus, sans jamais s’en servir pour relancer une quelconque dynamique. Elle s’en affranchit sans l’oublier. C’est très beau.

     La grande force de Better Call Saul c’est avant tout la complexité de ses personnages et l’interprétation parfaite qui en découle. Il faudrait parfois revoir un épisode ou une situation pour bien comprendre ce qu’on a vu, ce que le personnage a manigancé, toute la perversité parfois maquillée en bienveillance. A ce petit jeu, Better Call Saul est une série hyper respectueuse de son spectateur, il n’y a pour ainsi dire aucune facilité, aucun trou d’air. Des symboles, certes (durant les deux derniers épisodes, notamment) mais ils ne sont jamais vulgairement placardés. Des rebondissements, aussi, mais toujours minutieusement disséminés. Les personnages, d’abord, le territoire ensuite. Le dernier bimestriel de La septième obsession s’intéresse particulièrement à « Comment filmer un territoire ? » Il me semble que Gould & Gilligan y ont répondu d’une manière tout à fait singulière, aussi bien avec BB que maintenant avec BCS.

     Cette fois, les deux mondes, on le sent, ne sont plus très loin de fusionner. Lors de l’épisode 2, Mike met le restaurant de Gus sous surveillance et embauche Jimmy pour observer à l’intérieur si un éventuel échange intervient. C’est la seule fois de la saison que Mike et Jimmy se croiseront. C’est dire la méticulosité de l’écriture, la subtilité de ses virages, la patience qu’elle requiert. C’est donc archi-lent si l’on espère vite un crossover, pourtant c’est tellement brillant, tellement puissant de ne rien précipiter : Chez Gould & Gilligan on ne devient pas bad guy comme ça. C’est un labyrinthe de situations, de quiproquos et de drames pour y parvenir. C’était le cas avec Walter White. C’est le cas aussi avec Jimmy McGill. L’avocat, aussi véreux soit-il, est toujours là – Même s’il tend à disparaître si l’on en croit ce final du 3.10 où il grille complètement sa clientèle de retraités. Mais c’est un éclair d’humanité qui le grille, un reste de bon fond, c’est très bizarre : On pense qu’il devient Saul Goodman et il plante un nouveau décor. Sans cesse. Ça pourrait durer dix saisons comme ça qu’on ne s’en lasserait pas.

GROS SPOILER POUR FINIR :

     Avec la probable mort de son frère, Jimmy a-t-il définitivement perdu cette étincelle McGill qui irriguait encore son cœur ? Ils ont beau s’être déchiré toute leur vie, Chuck représente beaucoup pour Jimmy. Et qu’en est-il de Kim ? Proche de lui, elle semble canaliser ses impulsions. Mais qu’en sera-t-il quand elle ne sera plus là non plus ? Quelle fin de saison incroyable au fait : Si j’ai cru qu’on allait perdre et Kim et Nacho, Better Call Saul semble en finir avec Chuck d’un côté et conduire Salamanca sur sa chaise de l’autre. Qu’importe le temps qui s’écoule entre BCS et BB, je n’en reviens pas que Gus Fring ait pris à ce point son temps pour tuer Hector. Et qu’il n’y parviendra pas, d’ailleurs.

Les proies (The Beguiled) – Sofia Coppola – 2017

The BeguiledComplot de femmes fade(s).

   2.5   Aucun intérêt. Je ne vois rien de neuf là-dedans qu’on n’ait pas déjà vu dans l’original de Don Siegel. Alors en effet c’est une version plus féminine en ce sens que tout est vécu du point de vue des filles du pensionnat. Mais bon, elles sont transparentes ces filles, elles ne s’incarnent jamais, ce sont des concepts récupérés du premier mais sans aucune épaisseur. Et puis je ne suis pas certain que prendre Kirsten Dunst, Nicole Kidman et Elle Fanning n’aide à y déceler de vrais personnages. Ça fait même très cinéma de Sofia Coppola pour les Nuls, quoi, je préférais nettement son « virage » The bling ring, que j’aime énormément avec le temps je me rends compte. J’aime le côté pop du cinéma de Sofia Coppola de toute façon, malheureusement il n’est pas de la partie ici. L’autre problème à mes yeux c’est l’utilisation de la photo. Superbe photo de Philippe Le Sourd en extérieur, mais exploitée tellement maladroitement avec des successions de plans hyper suggestifs où le soleil semble toujours prisonnier des branches des arbres qui semblent enroulées entre elles, pour bien appuyer sur l’effet de cloisonnement. Au bout d’un moment ça me faisait même marrer tant c’était grotesque et systématiquement utilisé en tant que transition entre deux scènes. Autre chose : Chez Siegel, Eastwood apportait un contrepoint passionnant à cette « prise de pouvoir » féminine. Elles étaient machiavéliques, il était manipulateur. S’engageait un vrai combat, d’autant qu’on vivait cette aide providentielle dérivant en séquestration, de son point de vue à lui. C’était bizarre, ambigu et violent. Là, on reprend toutes les situations fortes dans les grandes lignes (Les escaliers, l’amputation, la tortue, les champignons…) mais rien n’émerge, aucune sidération. La fameuse scène du repas n’a plus rien de fameux, elle est complètement expédiée, aucune tension ne s’en dégage. Et Colin Farrell a remplacé Clint. Sauf qu’un Colin Farrell qui n’a rien a joué, on sait ce que ça donne. Oui, en gros, j’ai trouvé ça incroyablement mauvais et je ne suis pas certain que ce soit seulement dû au fait que j’adore l’original de Siegel.


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