Get Out – Jordan Peele – 2017

12. Get Out - Jordan Peele - 2017Devine qui va se faire lobotomiser.

   6.5   Film agréablement surprenant, dans la mesure où tout le foin qu’il traina lors de sa sortie me faisait redouter le truc de petit malin, flippant mais rattrapé par une morale bien dans l’air du temps, un Moonlight pour festival de Gerardmer en gros. Et en fait pas du tout. L’ouverture fait craindre le film qui va citer à foison puisqu’on est clairement du côté de chez Carpenter : L’image de la suburb, automnale, nocturne rappelle celle d’It Follows qui déjà dialoguait avec Halloween. Et puis je la trouve vraiment mal fichue cette ouverture, contrairement à celle, glaçante du film de David Robert Mitchell.

     Le film bascule alors dans le teen movie tout ce qu’il y a de plus banal. Rose embarque son petit ami Chris pour lui faire rencontrer ses parents à la campagne. Elle est blanche, il est noir. Sous l’ère Obama, rien d’anormal d’autant que c’est exactement ce que Rose dit à Chris pour le rassurer lorsqu’il lui demande si ses parents sont au courant qu’il est noir : « T’inquiète, mon père aurait voté une troisième fois Obama s’il en avait eu l’occasion » En gros. Un Devine qui vient diner (Jamais vu ce film mais suffisamment entendu parler pour rapprocher les deux pitchs) en 2017, quoi.

     Sur la route, ils appellent un pote, se font des blagues, ils sont mignons tout plein. Il y a une complicité. On se croirait dans un de ces épisodes de Girls quand les filles prennent le large vers la campagne, d’autant que c’est Alison Williams (Marnie dans la série de Lena Dunham) qui campe Rose. Il ne se passe pas grand-chose mais c’est un peu long donc il va forcément se passer quelque chose. Et bim, ils se prennent un cerf. La lourdeur du truc. Mais faut s’accrocher je te dis. D’autant que ce n’est pas uniquement destiné à faire sursauter puisque Chris va ressentir quelque chose d’étrange au chevet de ce cerf mourant, comme si dans son dernier souffle l’animal lui implorait de faire demi-tour. Mais c’est surtout dans le contrôle de police qui s’ensuit que l’étrangeté pointe vraiment son nez. C’est intéressant car c’est une séquence de racisme ordinaire (Le flic demande les papiers de Chris alors que ce n’est pas lui qui conduit) qu’on ne verra plus du tout ensuite. Ça ira tellement plus loin.

     Jordan Peele, dont c’est le premier long métrage, ménage ses effets et construit habilement son crescendo. Si dès le début rien n’est vraiment rassurant, on ne comprend pourtant pas quand ni comment ça va s’embraser. Et quand apparaissent les premiers dysfonctionnements, on ne mesure pas encore l’ampleur de la situation dans laquelle Chris (et d’autres noirs avant lui, qu’on a transformé en esclaves post-modernes, je n’en dis pas plus) est piégé. On pourra toujours critiquer nombre de parti pris, comme la scène de l’hypnose très Under the skin, ou la présence du frangin (Une gueule bien cassé, vu dans la dernière saison de Twin Peaks, notamment) inutilement over the top, ou le montage parallèle avec le pote de Chris, mais au moins Jordan Peele tente des trucs, à défaut de tout réussir.

     La séquence du basculement est très réussie car étirée dans un espace d’étrangeté qui se referme petit à petit sur le personnage. La belle famille fait une curieuse réception où Chris est observé comme un animal de foire hyper performant – Sa couleur, sa carrure, la longueur de son sexe, tout y passe. Ce qui me plait c’est de constater combien Chris a des réactions qu’on pourrait avoir, il est calme,  réfléchi, chose rare dans ce genre de film. Et lorsqu’il croit voir un garçon de Baltimore, il sert la pogne à quelqu’un qu’il ne reconnaît pas, qui ne parle plus sa langue, ne se comporte pas comme un gars du quartier mais comme un blanc. Le film bascule ici. Le type crie un « Get out » qui ressemble fortement au « Get back » muet du cerf mais qui évoque aussi le dernier plan de L’Invasion des profanateurs, de Philip Kaufman.

     Il faut du temps pour en arriver là (1 heure ?) pourtant on n’a pas vu le temps passer, on n’a rien vu venir. C’est ce qui me plait le plus dans Get out, il me surprend suffisamment pour me faire oublier ce que je suis en train de voir et les mécanismes qu’il va utiliser. Il nous a lobotomisé aussi, en quelques sortes. Et le mélange des genres fonctionne jusque dans son carnage final. Car le film est aussi très drôle et il se ferme là-dessus, dans un sauvetage absurde et jubilatoire alors qu’on attendait une sortie cruelle.

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