D’illusions en désillusions.
7.5 Bien que le souvenir du visionnage de La Grande Illusion se soit évaporé dans les tréfonds de ma mémoire, se confronter à l’un des derniers films de Renoir relatant les désirs d’évasion de soldats français prisonniers des allemands à la fin de la drôle de guerre, ravive sinon le souvenir précis du film, certaines images et une respiration singulière. Ils ont ça en commun, je trouve. Une affaire de mise en scène puisque l’Histoire a laissé des traces (ne pas oublier que La Grande Illusion c’est 1937) et l’époque a changé, le jeu des acteurs avec. Gabin, Fresnay ou Von Stroheim c’est vraiment pas la même génération que Jean-Pierre Cassel, Claude Rich et Claude Brasseur. Toujours est-il que sans pour autant égaler son illustre modèle, Le caporal épinglé retrouve cette verve chère à Renoir qu’on avait vu naître dans La vie est à nous (1936) et qu’il poursuivit dans son chef d’œuvre suscité. Il faut résister, avant tout. Le groupe prend de la place, le groupe dans le groupe prend toute la place, tant il s’agit de solidarité aveugle, de petits sacrifices pour grandes réussites, d’amitiés désordonnées mais fortes. « Où j’irais sans toi ? » (sic) lâche un moment donné Papa à Caporal, qui venait de lui dire que s’il n’avait pas confiance en ses plans d’évasion il pouvait tracer sa route. Il me semble que le film, dans son ton comme dans sa construction, ses interactions et sa dramaturgie, est plus anecdotique, plus humble que La Grande Illusion. Et paradoxalement, il trouve son tempo et une plus grande absurdité puisque si les personnages se séparent constamment, ils se retrouvent presque aussitôt. Le caporal épinglé trouve aussi une émotion tenace via ses personnages bouleversants pétris d’humanité qui ne renoncent (presque) pas aux belles surprises (dont cette rencontre avec une fille de dentiste) que la vie peut encore leur offrir. Il n’empêche qu’on n’est pas prêt d’oublier l’évasion suicidaire de Ballochet précédée de ces mots : « J’ai un plan, le meilleur de tous. Celui qui consiste à ne pas en avoir ». L’instant qui suit où le groupe compte les secondes de son évasion afin de s’assurer qu’il a franchit les sentinelles est aussi angoissant que déchirant.
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