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Archives pour décembre 2017

La Villa – Robert Guédiguian – 2017

05. La Villa - Robert Guédiguian - 2017De beaux lendemains.

   9.0   S’il nous a habitué à ancrer ses récits dans Marseille et alentours, jamais on n’avait senti Guédiguian aussi épuré dans sa dynamique spatiale. On n’avait pas vu ça chez lui depuis les ruelles de Marius et Jeannette. C’est un véritable petit théâtre thchékovien autour d’une baraque familiale, saisie dans la douceur hivernale, sur une fratrie déchiré par le temps, les fêlures, le drame, l’indicible. C’est presque un huis clos à ciel ouvert : Une calanque portuaire, deux maisons voisines, un bateau de pêche, une guinguette, un morceau de falaise, un sentier boisé, un viaduc ferroviaire. C’est tout. Jamais on ne s’extraie de ce cadre. C’est la première grande idée du film, il y en aura tant d’autres. Et s’il avait fallu attendre son vingtième long métrage pour que Robert Guédiguian nous offre son plus beau film ?

      A l’époque de la sortie des Neiges du Kilimandjaro, j’évoquais ce plaisir de troupe familiale comme presque fil rouge du cinéma de Guédiguian. La Villa ira plus loin dans le dispositif le temps d’une courte séquence étourdissante, qui élève soudain le film vers le sublime, quand l’auteur intègre dans son récit un morceau de Ki Lo Sa ? l’un de ses tous premiers films (que je vais rattraper fissa) où l’on accompagnait dans une voiture puis sur le même port de la calanque de Méjean, trois acteurs de La Villa : Ariane Ascaride, Jean Pierre Darroussin et Gérard Meylan. Ils n’avaient probablement pas les mêmes rôles qu’ici, qu’importe, ces quelques secondes s’immiscent brillamment, investissant un souvenir simple, un territoire bien dessiné. Un moment d’insouciance saupoudré de I want you de Bob Dylan – tandis que le film n’est jamais larmoyant ni illustratif dans son utilisation musicale – qui fait résonner cette double mélancolie : Celle de Guédiguian lui-même, désormais sexagénaire, mais surtout celle de ses personnages, que les épreuves de la vie ont éloignés. La simple évocation de la fuite de Pierre (le quatrième personnage de la séquence de Ki Lo Sa ?) montre autant la pudeur du cinéma de Guédiguian que son extrême sensibilité. Il n’est pas mort mais un drame l’a fait disparaître. Ce même drame qui aura fait partir Angèle pour les planches parisiennes. Le théâtre n’est pas qu’un décor, par ailleurs, il prend une place considérable dans le récit, c’est autant un vecteur de renaissance qu’une promesse d’amour. Incroyable personnage que celui incarné par Robinson Stévenin. Guédiguian n’en fait pas qu’un benêt pêcheur, c’est un amoureux transi, le plus beau des rêveurs, passionné autant par sa quête quotidienne de mange-tout que par les tirades de Claudel.

     Guédiguian parvient à filmer ce lien, aussi fragile qu’élastique, qui existe entre cette fratrie meurtrie. Deux frères, une sœur. Ils se sont éloignés, chacun tient sa rancœur envers l’autre, pourtant ce lien se réaffirme à mesure des jours passés ensemble, au chevet de leur père mourant. Il faut la nostalgie d’un retour lumineux aux années enfantines (L’immense sapin de Noël sur les quais de la calanque) et post-adolescentes (le flash-back solaire dans la voiture) mais pas seulement : Il y a aussi le poulpe ou l’écho du Viaduc. Ce sont des jeux d’enfants qui s’accrochent et surplombent, que l’on retrouve et comme on les a vécus ensemble, on les retrouve ensemble. Et c’est Angèle, véritable pierre angulaire de ce lien – puisque c’est elle qui a subi (de plein fouet et par son absence, paradoxe magnifique) l’insoutenable drame, c’est elle qui a laissé sa famille – qui réactive chaque fois ce souvenir.

     Le décalage est inévitable. Les retrouvailles sont difficiles, puisque Armand est le seul à s’être occupé de cette maison que son père a érigé de ses mains avec ses amis d’antan, à avoir repris le restaurant familial en continuant de servir, à petits prix (et tant pis ou presque si c’est un commerce promis à l’échec) les plats de son père hérités des recettes de sa femme, tandis que Angèle et Joseph ont tous deux choisi des chemins de vie éloignés des « promesses » familiales, plus marginaux, artistiques. Si ce retour aux sources s’avère compliqué au départ, La Villa va offrir de nouvelles perspectives à chacun de ses personnages, en particulier ceux qui s’en sont extrait : L’une retrouve le désir, qu’elle s’était probablement interdit d’éprouver. L’autre retrouve l’envie d’écrire.

     Sa puissance serait moindre sitôt le film pris sous un angle plus naturaliste, plus ordinaire dans sa cartographie. Guédiguian est avant tout un conteur. Le fait de tout ancrer dans ce petit coin de paradis perdu, mais vers lequel le monde se greffe, comme si chaque passage de train colportait non pas ses touristes, mais ses enfants médecins, ses militaires, ses promoteurs, ses migrants, créant un espace tout entier représentatif du cinéma de Guédiguian ainsi qu’un œil politique sur la vie moderne. A l’image de ce lieu coupé du monde, La Villa s’avère accueillant et hospitalier. C’est un petit théâtre ouvert au monde et sur le monde.

     Et puis c’est tout bête mais depuis quand n’avions nous pas vu une si belle séquence de cigarette partagée ? C’est un deuil qui nous l’offre. Il faut voir comment Guédiguian filme ça, la nostalgie qui en émane, l’esprit de groupe qu’elle endurcit ou fait rejaillir. Car la mort qui fait naître cette « pause cigarette » n’a rien à voir avec celle qui avait éparpiller cette fratrie. C’est une mort douce, choisie, la mort de ceux qui pensent avoir vécu ce qu’ils devaient vivre et préfèrent s’en aller ensemble plutôt que d’attendre de voir l’autre mourir avant soi. D’un coup, c’est le Saraband de Guédiguian. On se met presque à rêver de voir les Scènes de la vie conjugale de Suzanne et Martin, comme on nous avait brièvement offert le Ki Lo Sa ? pour Angèle, Joseph et Armand.

     Comment oublier cette calanque ouverte sur un horizon azur scintillant dont on entend perpétuellement le clapotis des vagues s’écrasant sur les falaises, le vent dans les pins ? Cette calanque s’ouvre sur le monde mais c’est le monde qui vient à elle, des passagers de la mer, une idée aussi lumineuse qu’elle ne sort pas du chapeau (Le récit nous prévient, par l’intervention militaire) mais surprend en se pointant concrètement là où l’on ne l’attend plus. Happy End, le dernier Haneke, que j’aime sur bien des points, manquait clairement sa trouée politique, avec son apparition de migrants artificielle. Guédiguian réussit lui à trouver la bonne distance, pour ne pas tomber dans le prétexte ou le film à message. Jamais misérabiliste, le film s’en va vers un final absolument bouleversant, d’une infinie délicatesse. Des vêtements d’enfant dans une chambre, des crabes sur un quai, un écho sous un pont. Mes plus grosses larmes cette année, haut la main. 

L’homme qui rétrécit (The Incredible Shrinking Man) – Jack Arnold – 1957

28. L'homme qui rétrécit - The Incredible Shrinking Man - Jack Arnold - 1957Trois vies et une seule mort.

   10.0   Contrairement à Tarantula, ici pas de grandes explications quant au phénomène qui fait rapetisser Scott Carey. L’étrange brouillard introductif ? Doublé d’une exposition aux pesticides ? C’est tout ce qu’on a. Et ce n’est pas important. Toujours est-il que si elles ne crachent pas des monstres (The Mist) ou des fantômes (The Fog) ou des extraterrestres (La planète des vampires) les brumes au cinéma ont parfois le pouvoir de nous faire rétrécir.

     L’homme qui rétrécit dévoile deux parties bien distinctes : D’une part, Scott Carey ne peut que constater son rétrécissement jour après jour, de façon inexplicable, constater aussi l’effilochage de sa relation avec le monde. Les médias qui s’accaparent de son étrange handicap avant de ne plus trop en parler, sa femme qui d’abord l’accompagne puis finit par l’oublier – Si Scott Carey perd son alliance ce n’est pas uniquement pour illustrer son rétrécissement, c’est aussi la métaphore d’une déchéance conjugale. D’autre part dans son obligation de survivre, seul, dans ce nouveau monde, une simple cave, la sienne, ô combien hostile quand on est si petit qu’on peut trouver refuge dans une vieille boite d’allumettes.

     La première étape a ceci de linéaire et minutieux qu’elle peut ennuyer, mais de très elliptique et démissionnaire qu’on a vite l’impression d’assister à une mise à mort du phénomène sacré – Le personnage comme la Série B. Carey n’est plus qu’une bête de foire (Touchant dialogue avec une lilliputienne dans une fête foraine, qui peut évoquer le Freaks, de Browning) convoitée par la science et les médias mais vite promis aux oubliettes (Il était pas grand-chose, il devient tout puis bientôt moins que rien) pas plus grand qu’un soldat de plomb relégué dans une maison de poupée de fortune. Le film est fini. Que peut-il se passer d’autre, après tout ? Et si on oubliait ce qu’on vient de voir ? Et si on plongeait dans le survival pur, d’abord dans un salon face à un chat, puis dans une cave (mais ça pourrait être une jungle, une île déserte, qu’importe) face à une araignée ? Qu’importe les armes – Les clous sont des sabres, les aiguilles à couture des piolets d’escalade – pourvu qu’il y ait la quête, la plus instinctive, primale qui soit. Le départ d’une nouvelle existence.

     Le tout premier plan avait annoncé la couleur, de façon aussi discrète que poétique. De cette mer d’huile, immense et apparemment sans danger, émerge un bateau, un beau petit bateau de tourisme déjà, mais minuscule sitôt saisi dans cette immensité. L’eau ici, comme le désert dans Tarantula, sont des entités fantasmatiques qui fascinent Arnold et rendons-lui grâce, fascineront bientôt tout un pan du cinéma fantastico-horrifique – On ne va pas s’amuser à énumérer la quantité de films se déroulant dans l’océan ou dans le désert, mais ça doit être impressionnant. Toujours est-il que L’homme qui rétrécit prend le contre-pied de ça justement : Tout ce que l’on verra ensuite aura probablement été causé par cette ouverture dans l’océan et dans la brume, mais nous n’y reviendrons pas.

     En série B que le film est aussi un peu, on attend une issue tracée sous la forme d’un happy end, avec l’apparition d’un antidote ou d’un second miracle en miroir. Rien ne laissait présager une telle fin, inventive, humaniste, optimiste dans laquelle le héros court accepter sa condition infinitésimale. En effet, L’homme qui rétrécit peut se targuer de prétendre au titre de la plus belle fin de l’histoire du cinéma. Suite à cette série d’embûches, dont la présence d’une araignée qui prend les apparences d’un monstre, une inondation qui prend les contours d’une tempête tropicale, une boite en carton ouverte qui fait office de gouffre sans fond, Scott Carey poursuit sa mue, une lente transformation aux confins du rétrécissement, qui le fond bientôt dans l’univers tout entier. Les poussières sont des étoiles. Ce qui est infiniment petit devient infiniment grand. Tout comme ce film, aux apparences de série B qui s’érige petit à petit et de façon imperceptible en chef d’œuvre absolu.

Chérie, j’ai rétréci les gosses (Honey, I Shrunk the Kids) – Joe Johnston – 1990

25. Chérie j'ai rétréci les gosses - Honey, I Shrunk the Kids - Joe Johnston - 1990Quand je serai petit.

   10.0   Revu comme quasi chaque année cette merveille absolue aux multiples casquettes puisque c’est à la fois une double comédie de remariage, une drôle de comédie de voisinage, une élégante comédie romantique, une jubilatoire comédie d’aventures. C’était l’un de mes films préférés quand j’étais gamin. Et ça l’est toujours aujourd’hui. Je trouve ça toujours aussi beau, inventif, joyeux, émouvant, intelligent.

     Visionnage à la saveur très particulière cette fois puisque accompagné de mon fiston, qui a été happé d’un bout à l’autre – J’avais l’impression de voir mon moi de vingt-cinq ans plus jeune à travers ses yeux – tout en posant plein de questions, faisant tout un tas de remarques, sur le bestiaire principalement, j’ai adoré. Il n’a même pas relevé les deux/trois gros mots disséminés, c’est dire s’il était dedans.

     Lors de l’un de mes nombreux revisionnages, j’avais écrit il y a quelques années que c’était un super film d’aventures pour enfants avant tout et l’un des premiers films que je montrerais à mon fils à coup sûr. On y est. C’est  très drôle, pertinent, plein de rythme et de trouvailles en tout genre avec la jubilation permanente du décor trop grand pour les personnages, mais dans lequel ils finissent par davantage s’adapter et à vivre ensemble, qu’au sein de leur propre famille. Au sein duquel ils finiront par former une chaine d’amitié, avec leurs corps, pour survivre (à la tondeuse) comme il en était de même dans Les goonies, quelques années avant lui.

     Si le film est une digne relecture non dissimulée du sublime L’homme qui rétrécit, j’y ai cette fois vu un gros clin d’œil à Tarantula, l’autre film fantastique de Jack Arnold, dans la mesure où Wayne Szalinski pourrait être un collègue éloigné du Professeur Gerald Deemer avec le désir miroir de révolutionner dans un but économique : Miniaturiser ou gonfler la matière, c’est dans chaque cas soulager, et donc chaque fois très maladroitement et dangereusement, les menaces de l’accroissement de la population.

     Concernant L’homme qui rétrécit, le film offre de gros clin d’œil à l’image de la scène de l’arrosage automatique, ces gouttes d’eau géantes qui rappellent celles provoquées par la fuite du ballon d’eau chaude dans la cave de Scott Carey. Et clin d’œil parfait à la fin existentialiste lorsque Ross Thompson trouve curieux que la lune ait la même taille qu’on soit grand ou petit. Et ce n’est ni gratuit ni un simple hommage grossier, c’est surtout pour ériger le garçon contre son père et ses préjugés simplistes.

     La thématique du miroir prend aussi effet à travers l’opposition des deux familles et sa belle galerie de personnages, où les deux plus jeunes garçons (le sportif débile et l’inventif autiste) sont le reflet craché de leurs pères. Au passage, si chaque adolescent est d’abord dans sa propre bulle, le récit extraordinaire va leur permettre de s’épanouir en groupe le temps d’une journée de galères, le temps d’une aventure impossible dans le jardin d’un pavillon résidentiel qui prend des allures de jungle amazonienne.

     Avec une multitudes de rencontres merveilleuses, occasionnant des glissements de genre en permanence : Le comique avec la fourmi, le rollercoaster avec l’abeille, l’épouvante avec le scorpion, le happy end grâce au chien. Et cette idée, constamment géniale, de faire un film d’aventures dans un jardin comme s’ils étaient en forêt. Avec cet immense terrain de jeu et de danger, vieux jouets perdus ici et là, dalle du jardin comme une falaise repère, torches mégot, tempête arrosage automatique, ouragan tondeuse à gazon. Quelle merveille!

Carré 35 – Eric Caravaca – 2017

30. Carré 35 - Eric Caravaca - 2017Casablanca, mon image manquante.

   8.5   Etrange de voir Carré 35 au même moment où l’on découvre la seconde partie de l’ultime saison d’Un village français, dans la mesure où Eric Caravaca est dans les deux. Dans la série, il incarne (pour la première fois puisque les créateurs ont choisi d’effectuer d’impressionnants sauts temporels) Tequiero adulte, cet enfant de réfugiés espagnols, recueilli par Hortense et Daniel Larcher. Dans Carré 35, Eric Caravaca arpente de douloureux secrets de famille. Dans chaque cas, il est l’enfant rescapé d’une tragédie, celui auquel on a caché les origines ou une lourde perte.

     Carré 35 c’est le « quartier » tombal dans lequel repose la sœur aînée d’Eric, dans le cimetière français de Casablanca. Il n’a pris connaissance de son existence et donc de sa mort que récemment. C’est cette investigation intime qu’il relate dans son film, qui relève autant du documentaire intime, du document historique que du polar tentaculaire. Questionner sa mère, son père, puis son frère, son cousin. Les témoignages sont parfois contradictoires, dans le mensonge (la mère qui raconte avoir été au chevet de sa fille au Maroc tandis que son passeport la mentionne en France à cette date), le déni (Jamais elle n’admettra qu’on dise que son enfant était trisomique) ou l’oubli volontaire (Le père qui dira à plusieurs reprises que Christine est décédée à l’âge de quatre mois, comme si jusqu’à ses trois ans il s’était permis de ne plus y croire).

     Eric Caravaca ne cherche pas à les perturber dans leurs récits, il les écoute simplement, il n’est qu’une oreille réceptacle (toute information peut entrouvrir une porte secrète) en leur présence, c’est face à son seul désarroi qu’il décortique. On plonge dans Alger et Casablanca avant la naissance d’Eric. Son histoire à lui se situe pourtant un peu partout en France, car la famille bouge beaucoup au gré du travail du père. Le film utilise nombreux supports, jusqu’aux archives historiques (décolonisation, abattoirs) et vidéos de famille. C’est une enquête intime avant tout. Une intimité qui a ceci de bouleversant qu’un gouffre de douleur semble parfois s’ouvrir sous nos yeux – Jusqu’à cette impudeur inattendue, aussi lumineuse qu’elle peut être revancharde, quand Eric Caravaca filme son père sur son lit de mort.

     Entre temps, Eric aura retrouvé des photos et vidéos Super8 de l’époque du mariage de ses parents, ce temps d’insouciance, puis de son enfance avec son frère où de l’apparente insouciance des images résonne désormais une douleur en sourdine. Car entre-deux (1960/1963) rien. Tout est perdu. Tout a été jeté, brûlé, laissé derrière. « Qu’est-ce que tu veux faire avec une photo, pleurer ? Pas moi » lui dira sa mère, au bord des larmes, d’une souffrance et d’une humiliation qu’elle retient depuis cinquante ans. Eric finira pourtant par retrouver une photo, cette convoitée image manquante, chez l’ancienne bonne de la famille, depuis devenue propriétaire de la maison de Casablanca. Une photo de Christine dans une vieille boite, au milieu d’autres souvenirs d’époque. Une photo pour orner à nouveau la pierre tombale sans photo du Carré 35.

Star Wars, épisode VIII, Les Derniers Jedi (The Last Jedi) – Rian Johnson – 2017

17. Star Wars, épisode VIII, Les Derniers Jedi - The Last Jedi - Rian Johnson - 2017La force fantôme.

   4.5   J’y allais confiant. Avec le double souvenir agréable provoqué par les deux dernières sorties de la saga, aussi bien le volet (d’ouverture d’une nouvelle trilogie) de JJ Abrams que le film indépendant de Gareth Edwards. J’aime beaucoup la nouvelle direction prise par les nouveaux Star Wars. Enfin, j’aimais beaucoup. Avec Les derniers Jedi, plus qu’une déception relative, j’ai eu l’impression de retrouver la mécanique sans âme de la prélogie, agrémenté d’un esprit méta qui m’a plus agacé qu’autre chose. C’est le seul de cette nouvelle vague de films que je ne veux pas revoir.

     Le vrai gros problème, déjà : C’est long. Le réveil de la force et Rogue One avaient filé d’un claquement de doigts, sans que je m’en aperçoive. Ici, tout est mal fagoté, mal monté, mal rythmé, la « magie des personnages » a disparu, je me fiche de tout le monde, et quand on s’ennuie pas, on flanche dans le ridicule – C’est quoi ces bestioles, là ? On avait réussi à oublier les ewoks et Jar-Jar et voilà qu’on nous abreuve d’une ribambelle de mogwaï croisés petits extraterrestres de Toy Story croisés Chat Potté ! L’HORREUR ! Et puis ils sont pas drôles en plus, enfin sauf si t’aimes Les Lapins Crétins, quoi.

     En fait, il y a trop de trucs rédhibitoires. La planète casino ça aurait pu être génial, par exemple. Une planète marchands d’armes et ils en font strictement rien. Plastiquement, la planète est moche, déjà. Et ils en font tellement rien que Justin Theroux (qu’on vient chercher) apparait inutilement. Et que Benicio Del Toro (Qui s’incruste à sa place) est nullissime. Et puis y a des invraisemblances impardonnables, franchement, des trucs pour forcer le trait du spectaculaire : Le sacrifice de Laura Dern (Je sais plus le nom de son personnage) pourquoi elle met tant de temps, pourquoi elle attend que les rebelles se fassent tous exploser avant d’aller détruire le croiseur en vitesse lumière ? La mission suicide de Rogue One c’était magnifique. Là c’est grossier, comme tout le reste.

     Avec un pic absolu. Le frisson de la honte de l’année. Enfin, le deuxième, après l’intégralité du dernier film de Claude Lelouch : La princesse Leia qui vole dans l’espace. Avant de mourir mais en fait non. OMG. Le niveau de ridicule, faut le voir pour le croire. Mais c’est dans la lignée d’autres moments de gêne comme l’apparition de Yoda. Ça devrait te coller des frissons, ok, mais pas ces frissons-là. Rien que les séquences d’apprentissage sur le rocher de Luke, mais c’est tellement nul. On regrette Dagobah. 

     C’est aussi pour ça que cet épisode m’a gêné. Il pioche partout. Veut raviver L’empire contre-attaque à gogo mais c’est raté. Les ewoks du retour du jedi. Et même Rogue One pour le côté suicidaire global. C’est un maxi best of ce truc. Plutôt un happy meal tant il regorge d’humour pour les bébés. Ouai, beaucoup d’humour dans cet épisode. Trop d’humour. D’une telle lourdeur, on se croirait dans Les gardiens de la Galaxie.

     Et quand c’est pas grossier c’est du déjà-vu, malgré tout ce qu’on raconte, que c’est un Star Wars différent. Mais non ! Rogue One, c’était différent. Là non, c’est simplement raté. Par exemple, pour revenir sur la mort de Laura Dern, le déroulement est mal exécuté mais le résultat est très beau, avec ce vaisseau pourfendu en muet de long en large. Mais quelque part ça rappelle pas mal la destruction de la république en trois secondes dans le 7 qui répondait déjà à la traversée d’Aldorande réduite en pluies de météorites dans le 4, non ? Pas tant que ça révolutionnaire finalement.

     Rian Johnson c’était une fausse bonne idée de toute façon. Comme son Looper. Il loupe tout ce mec. Les incohérences que j’évoquais, c’est davantage un problème de subtilité qu’autre chose. Un problème de mise en scène, donc. En fait j’en attendais pas mal je me rends compte. Quand tu vois La menace fantôme t’attend plus rien. Quand tu vois Le réveil de la force tu sens qu’il s’est passé quelque chose, c’était inégal mais tellement stimulant, tellement prometteur. Et puis Rian Johnson détruit tout. On lui tend un sabre laser et il le jette à la mer. Magnifique scène méta du coup. Mais in fine assez malhonnête, tant j’avais sans cesse l’impression que cet épisode se moquait de la franchise, comme Spectre chiait sur James Bond. Pareil. Je déteste ça, je trouve cette pose de branleur absolument dégueulasse.

     Malgré tout, j’y ai parfois pris du plaisir, je vais pas te mentir. J’ai même été impressionné par la fin, notamment par la planète rouge salée. Et par l’hologramme. Forts les mecs. Le plaisir s’est aussitôt effrité au sortir de la salle, je ne voyais plus que les défauts. Un peu à l’image de Phasma, qui fait rêver mais qui ne sert à rien. Phasma c’est le personnage sacrifiée de cette nouvelle trilogie je trouve. Elle était déjà inutile dans le 7.

     Bref, là où Abrams tenait à réactiver l’aspiration et le décorum, cherchant la continuité, ce qui ne l’avait pas empêché de dépoussiérer son essence : les personnages (Rey, Finn, Kylo) mais aussi la thématique du deuil, Les derniers Jedi est plus passionnant à analyser qu’à regarder j’ai l’impression. Je suis pas sûr que plonger dans la thématique de l’échec (Ce n’est que ça puisque Luke le dit lui-même) et montrer l’échec de révolutionner la franchise ne fasse un bon film pour autant. Sous l’égide Disney c’est quasi impossible en fait. Il faudrait donner la liberté totale au réa, peut-être, afin qu’il puisse développer son univers dans l’univers, comme Miller l’avait fait en ayant carte blanche pour son dernier Mad Max. En l’état on a donc un film archi méta mais pas assez incarné pour intéresser autrement que par sa dimension théorique.

     Du coup, voici mon top mis à jour : 5 > 4 > 7 > RO > 6 > 3 > 8 > 1 > 2.

Jumanji – Joe Johnston – 1996

19. Jumanji - Joe Johnston - 1996« Dans la jungle tu attendras, un cinq ou un huit te délivrera »

   7.0   Ravi d’avoir revu ce « film pour enfants » auquel j’étais très attaché étant gamin. Le film étant sorti en 1996, j’imagine que ça s’est joué sur un laps de temps très court en ce qui me concerne vu que je ne me vois pas découvrir ça après mes douze ans, pendant ma découverte de Scream, si tu vois ce que je veux dire. Si je l’aime toujours c’est cela dit probablement pour ça : Je n’étais pas si petit contrairement à mon amour pour Hook, qui s’est évaporé brutalement quand je l’avais revu il y a quelques années.

     Toujours est-il que Joe Johnston, le réalisateur de Chérie j’ai rétréci les gosses, est à la barre de ce film d’aventures destinés aux gosses et trouve encore le moyen d’insuffler une dynamique forte, de créer un univers riche, très identifiable, avec quelques belles idées dans la transformation des intérieurs, notamment – Cloisons recouvertes de lianes faisant résonner la maison comme une jungle, planchers flottants, déluge craché du plafond. Il faudra juste pas être trop regardant sur les diverses apparitions d’animaux tant les effets visuels ont pris un sacré coup de ringardise, je pense surtout aux singes et aux rhinocéros, en image de synthèse bien dégueulasse.

     Le récit, lui, s’articule sous forme de boucle, autour d’une comédie romantique perturbée par la temporalité – Quand le romantisme de Chérie j’ai rétréci les gosses (La grande sœur Szalinski et le grand frère Thompson) était lui activé par le changement de décor. Après la découverte du jeu, il faudra à Sarah (terrifiée par des chauve-souris) et Alan (littéralement dévoré par le jeu) attendre 26 ans pour que deux autres enfants (dont Kirsten Dunst, toute jeune) les délivrent de leur solitude respective et fasse éclater cette histoire d’amour suspendue (façon comédie de reflirtage en guise de remariage) au milieu d’une somme d’embûches qui pourraient être le reflet d’une vie entière de galère.

     Si le film est relativement bien huilé pour plaire aux enfants et suffisamment inventif pour séduire les grands, il y a au moins une idée farfelue qui le traverse (Et ça pour le coup je n’en avais aucun souvenir) : Faire jouer le rôle du père (d’Alan dans le passé) et du méchant chasseur (dans le présent, celui de Judy et Peter) par le même acteur, à savoir Jonathan Hyde (aka Ismay dans Titanic). Je pense qu’il y a quelque chose à analyser sur la peur du père et le transfert des névroses. Lors de sa première apparition, le chasseur tient d’ailleurs des mots similaires à celui de son père jadis (En VF : « Tôt ou tard il faut affronter son adversaire ») qui le poussait à faire face à la bande de garçons qui le persécutait. Alan quittait (Il est avalé par le jeu le même jour) le monde sur une pression morale exercée par son père, il le retrouve sur une pression physique (le chasseur veut le tuer) exercée par un sosie de son père.

     Au delà de ça, c’est un film mignon comme tout, très dynamique, un peu nunuche, parfois très drôle (Il faut dire que les présences de Robin Williams et Bonnie Hunt redonnent du peps) bref on ne s’ennuie pas. Ajoutez à cela quelques références pour le geek-cinéphile, avec deux évidents clin d’œil à Jurassic Park (Le regard de la tante, sortant lentement de sa voiture, choquée par le troupeau ; celui de Judy observant le lion, tétanisée, comme Lex observait le Tyrannosaure) et un autre à Jaws (L’affrontement avec le crocodile). Reste à savoir ce que la suite, sortie au cours de ce mois de décembre, avec entre autre Dwayne Johnson et Jack Black, nous réserve.

Braguino – Clément Cogitore – 2017

26. Braguino - Clément Cogitore - 2017Ennemi invisible.

   6.0   Les promesses valent parfois plus que le résultat. Le simple fait d’aller tourner en pleine taïga sibérienne (loin, très loin de toute civilisation) ce documentaire sur « l’affrontement » entre deux familles que rien n’oppose (Elles ont toutes deux choisi de vivre dans cette contrée perdue) mais que tout oppose (Elles ont choisi le même lieu, uniquement séparé par une barrière, découpé par ce fleuve no man’s land) relevait d’un conte d’explorateur fou, quelque part entre le cinéma d’Herzog et celui de Wang Bing. Au final, il me semble que le film ne va pas suffisamment en profondeur, aussi bien dans son approche du réel, que du point de vue du conte comme du registre expérimental. Cogitore n’est pas Rouch et si la fameuse séquence de l’ours évoque La chasse au lion à l’arc, elle est surtout là pour appuyer la sidération plutôt que la faire grimper. Il me manque de la matière écrite pour y trouver ce que je peux trouver chez Herzog, il me manque du vertige pour y trouver ce qui m’avait tant fait voyager dans les œuvres expérimentales de Julien Loustau (Sub) et Lucien Castaing-Taylor et Vénéna Paravel (Leviathan). Du coup je ressens un déséquilibre, entre cette forte ambition de conter moins une utopie autarcique que l’échec d’une utopie communautaire, et une tendance à sur esthétiser, ce qui ne colle pas vraiment avec la sécheresse du récit. Si le film avait duré plus longtemps, ces instants gênants se seraient révélés forts, probablement, là ils me paraissent un peu poseurs. Quitte à calculer, à surjouer le réel, j’attendais une envolée shakespearienne entre les enfants Braguine et les enfants Kiline, par exemple. Ceci étant c’est très beau. Et puis c’est rare de filmer des enfants ainsi, qui portent autant l’innocence que la terreur.

 

Marie Antoinette – Sofia Coppola – 2006

07. Marie Antoinette - Sofia Coppola - 2006All cats are grey.

   8.0   Au rayon des anecdotes « souvenirs de salle » celle-ci est fondamentale. Une tripotée de branleurs, dans la rangée derrière la nôtre, avaient perturbé notre séance à raison de téléphones qui sonnent, concert de mastication de popcorn à te filer la gerbe, moqueries en tout genre, coups de pieds dans les sièges. Quand on se retournait, chacun faisait mine d’être happé par le film, feintant de ne pas croiser nos regards noirs et mines désespérées. En fin de séance, l’un d’eux avait lâché grassement « C’est un bon gros film de merde ». On avait trouvé un point d’accord. En le revoyant deux/trois ans plus tard dans des conditions nettement plus optimales – moins le plaisir d’une salle de cinéma – j’avais pu constater d’une part ne pas avoir vu le même film du tout puisque c’est une merveille, d’autre part que je suis ravi de ne plus fréquenter ces grands complexes où se réunit tout le gratin de la beaufitude. Depuis, j’ai (re)revu Marie Antoinette deux fois, ce visionnage compris. Je continue de penser que c’est le plus beau film de Sofia Coppola.

     Il faut dire que le film part de loin, pour raconter ce qu’il veut raconter : la jeunesse dorée retirée brutalement de son ilot d’inconscience et d’insouciance, la solitude face aux pressions du monde, la mélancolie d’une adolescente moderne, espiègle et rêveuse. Oui on est au XVIIIe siècle et pourtant oui, c’est un film incroyablement moderne, un digne prolongement de Virgin suicides et Lost in Translation. La jeune autrichienne est une cousine de Lux et Charlotte. Si le film ne lésine pas à mettre en scène la grandeur absurde de ce monde, il ne joue pas la carte de la virtuosité glaciale viscontienne. Au contraire, s’en dégage une vraie chaleur, une saturation magnifique, de couleurs, de mouvement, qui évoque davantage L’arche russe que Barry Lyndon. Dans les extérieurs le film trouve encore autre chose, un filmage à la Malick succède à de purs tableaux de Renoir. Kirsten Dunst se perd dans ce décor trop grand et se trouve un rôle à mesure de sa mystérieuse présence, qui culminera chez Von Trier plus tard, dans Melancholia.

     Afin que le film fonctionne autant comme un récit d’introspection qu’en tant que biopic, il faut que Versailles existe. Le film de Coppola est d’ailleurs moins l’histoire de Marie-Antoinette d’Autriche que de Marie-Antoinette au château. Et Versailles y est filmée sous toutes ses coutures, dedans comme dehors. On a l’impression d’y être, normal puisqu’on y est. Si certaines scènes et pour des raisons pratiques sont reconstituées en studio (la chambre de la reine notamment) ou tournées dans d’autres châteaux de la région, la plupart du tournage s’effectue à Versailles même. Le risque du film trop respectueux voire poussiéreux guettait. Comment raconter un lieu si imposant et une destinée si connue des manuels scolaires ? Idée de génie que de le dénaturer de la sorte. C’est en insufflant sa dimension pop que Sofia Coppola va dégoter ses meilleures inspirations, complètement à contre-courant du biopic académique tant elle manipule avec brio l’anachronisme, discret le temps d’une apparition de converse au sein d’une paire de chaussures, joliment ostentatoire dans son utilisation musicale. On peut donc y entendre du Radio Dept., New Order, The Cure, Bow Wow Wow et ça se fond miraculeusement dans cet ensemble tant ces morceaux captent l’adolescence du personnage, sa douce folie « new wave » et sa tenace mélancolie « punk/shoegaze ».

La Bostella – Edouard Baer – 2000

04. La Bostella - Edouard Baer - 2000Ouvert le jour.

   5.0   Dingue de constater combien Ouvert la nuit n’est qu’une version pâlotte, tout public, pour ne pas dire bourgeoise de La Bostella, dix-sept ans plus tard. La Bostella c’est vraiment le truc de potes, cradingue, mal rythmé, toujours à l’extrême limite du mauvais goût où le comique est souvent dévoré par la mélancolie, le désir de créer ensemble guetté en continu par l’angoisse de la page blanche. Il y a un univers, un décalage, quelque chose de plus subversif que ce machin encensé en début d’année, dans lequel un singe va faire le show alors qu’à l’époque on se contentait d’une piscine vide, dans lequel on choisit PARIS alors qu’ici on ne sortira jamais de cette petit maison provinciale. Reste que mon problème majeur est le même dans les deux films : J’aime bien Edouard Bear cinq minutes (Ses apparitions dans Mission Cléopatre sont idéales, par exemple) mais au-delà il me gonfle. Là c’est pareil, j’aime certains de ses moments, je pense même qu’il canalise un peu le truc qui aurait pu s’avérer indigeste, mais je cherche constamment Chico et Jean-Mi aka Patrick Mille et Jean-Michel Lahmi. Et puis je trouve un tout petit peu le temps long, aussi.

Alliés (Allied) – Robert Zemeckis – 2016

02. Alliés - Allied - Robert Zemeckis - 2016Mensonges et trahisons et plus si affinités… 

   6.0   Il y a deux films en un. Le premier est l’affaire d’une rencontre entre un agent des services secrets britanniques et une espionne française, sur une mission visant à éliminer un ambassadeur allemand, dans le Maroc français de 1942. Le second se situe à Londres, dans un contexte nettement plus elliptique, puisque d’abord trois semaines plus tard quand Max & Marianne vont se marier, puis quelques mois plus tard lors de la naissance de leur enfant sous les bombardements, puis encore un an plus tard dans un quotidien de parents apparemment débarrassés de problématiques initiales, mais ce sera vite tout le contraire, bien que cette tournure, angoissante et paranoïaque, soit relativement attendue dans les grandes lignes.

     Deux choses intéressantes : Tout d’abord que la seconde partie n’est pas dévorée par la précision d’orfèvre de la première. Si crainte il y a, elle ne dure pas bien longtemps. Très vite, le récit bifurque et on l’accepte comme tel. Surtout que, deuxième point, à l’apathie cotonneuse du premier chapitre, classique mais d’un classique enthousiasmant, parfaitement exécuté répond un second chapitre hyper dynamique, qui grimpe crescendo, émotionnellement parlant compris, jusque dans son terrassant final. Et tout cela à défaut d’être vraiment surprenant tant ses rouages sont convenus. Zemeckis nous surprendra toujours. C’est donc de la belle ouvrage, comme on dit, un beau pastiche de l’âge d’or hollywoodien doublé d’un excellent divertissement du dimanche soir. Et je le répète, la fin, très réussie, achève d’emporter le morceau.

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