Coups de feu sur Chicago.
7.5 Découvrir le Scarface de Hawks quand on connait à ce point par cœur celui de Brian de Palma est une expérience plutôt déroutante. Déjà parce que les grandes lignes sont identiques. Je ne sais pas pourquoi, j’ai toujours supposé qu’ils n’avaient que le titre en commun. En fait il s’agit ici comme là de l’ascension d’un petit caïd jusqu’à son incontournable (et rapide) destin funeste. Il y avait déjà The World Is Yours, chez Hawks. La relation conflictuelle avec la mère, le rapport super chelou avec la petite sœur. Le patron doublé dans une séquence pivot mémorable. Le bras droit (et ami, mais un peu moins chez Hawks) sacrifié lors d’un accès de jalousie pathétique / suite logique de cet enchevêtrement de violence / paranoïa. Et la grande scène finale, copie conforme, si ce n’est que les flics chez Hawks étaient remplacés par le cartel, chez De Palma. Chacun son époque : Le trafic d’alcool en pleine prohibition contre l’univers de la drogue post Exode de Mariel. Chicago contre Miami. Tony ne s’appelle pas Montana, mais Carmonte. Gina devient Cesca, Manny devient Guino. Qu’importe. Ce qui change du tout au tout c’est le reste : La mise en scène, le ton, le rythme, l’époque tout simplement. Et l’étirement chez l’un remplace la sècheresse de l’autre. Impossible de voir ce rapide premier meurtre, tout en ombres chinoises, chez De Palma. De la même manière, impossible de trouver pareille séquence à celle de la tronçonneuse dans l’opus de Hawks. Ceci dit, c’est très violent. Je ne savais pas qu’on avait fait des trucs aussi rudes, aussi brutaux dans les années 30. Scarface est peut-être un film précurseur, je ne sais pas, toujours est-il que ça m’a impressionné. C’est quasi une chorégraphie de meurtres en rafale un moment donné. Hawks expérimente tout sur l’image : On les prend de plein fouet, hors-champ ou via des ombres – à l’image du tout premier fait d’arme de Tony ou de l’exécution des sept petits truands alignés contre un mur. Là où De Palma est resté fidèle à Hawks c’est via son personnage, Tony, sa nonchalance (face aux flics, notamment) et son exubérance, figure aussi pathétique (il n’est finalement que le vulgaire produit de ce que la société peut enfanter de pire) que tragique, dans sa façon de briser ceux qui gravitent dans son univers. Point d’enrobage musical ni de fusillade spectaculaire chez Hawks, la fin est aussi sèche que le reste du film, mais l’outrance se situait pourtant déjà dans le jeu de l’acteur campant Tony. Al Pacino en 1984 et Paul Muni en 1933, cicatrice sur la joue, arborent tous deux un jeu volontiers cabotin qui n’a d’égal que la folie du personnage. J’aurais toujours une préférence pour le De Palma, sa virtuosité, sa vulgarité 80’s, son ambiance cocaïne et palmiers, Miami, la musique de Moroder. Mais le Chicago de Hawks, qui pue la chevrotine et l’atmosphère lugubre, envoie du pâté aussi. Difficile en effet de faire plus noir que ce film noir.
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