La vanne c’est la vie.
7.0 Je lance mes rattrapages de films nommés aux Cesar avec la première réalisation de Grand Corps Malade, film bien reçu partout, presse et public compris. Ce qui prouve, n’en déplaise à Dany Boon, qu’on peut faire du cinéma populaire intelligent.
Les excellents retours entendus autour de moi depuis sa sortie n’étaient pas usurpés, Patients est un très beau film, un feel-good movie brillamment écrit, drôle sans tomber dans l’excès de vannes du film trop cool (façon Polisse) et campés par de magnifiques comédiens incarnant des personnages bien fouillés, développés, complexes.
L’intégralité du film se déroule dans un centre de rééducation sur une durée d’environ un an dans la mesure où l’on suit le « séjour » de Ben, tétraplégique incomplet, de son entrée à sa sortie. L’histoire de Ben c’est évidemment celle de Grand Corps Malade. Ça on l’a vite assimilé. On apprendra par ailleurs que le centre en question est celui où il fit sa propre rééducation.
Le film s’amuse beaucoup à recréer les années 90 (Celles durant lesquelles la vie de l’auteur a changé) sur des petites touches minuscules puisque recréer une époque dans un hôpital c’est pas simple. C’est ici une émission, là un vêtement. Un polo Com8, un sweat Champion, un clip Patricia Kaas, Intervilles, le M6 Boutique.
Il y a bien quelques parti pris de mise en scène un peu lourds à l’image de ces trois séquences musicales, sous Lunatic, Nas, puis The Roots, au ralenti macro ou en accéléré pour les unes, en travelling latéral pour illustrer le passage du temps dans l’autre, mais globalement c’est fait avec sobriété, sans esbroufe, en tout cas ce n’est jamais rédhibitoire, ça remplace le traditionnel chapitrage.
Même le début avait tendance à faire peur avec sa caméra subjective bien glauque façon Le scaphandre et le papillon mais si le procédé est vite remis aux oubliettes, il permet surtout d’entrer dans le film au plus près de son personnage, puisqu’on entre en lui avant de faire connaissance, en même temps que lui, avec son nouvel univers : les lieux, le personnel et les autres patients (avec quelques superbes trouvailles), l’ennui et comment le combler.
Le film brosse surtout de très beaux portraits, entre les camarades de chambre, de couloir, de cantine : Un garçon blessé par balle, un accidenté de la route, un handicapé depuis l’âge de quatre ans, entre autre. Chacun ses séquelles, chacun sa vitesse de progression. Quand progression il y a. Et c’est là toute la cruauté de la situation et ce pourquoi le film ne pouvait le traiter autrement que sur ce registre qui est aussi le registre, disons plutôt le tempérament, de Ben. Si le film avait choisi de suivre Steeve, nul doute que sa dynamique aurait été différente.
Chacun a donc son histoire, son handicap, son passé, une raison d’y croire ou de ne pas y croire. A ce titre l’embryon de romance, que j’ai d’abord perçue comme une facilité de scénario, est une riche idée tant ça permet de déceler les différences de tempérament. Difficile de trouver un terrain d’entente quand l’une a survécu à son suicide et l’autre est là pour un débile accident de plongeon dans une piscine. L’issue de cette relation est là encore traitée avec une grande intelligence.
Le film serait évidemment peu sans ses nombreuses joutes verbales, parfois hilarantes (On n’est pas loin d’un combo La Haine / Le ciel, les oiseaux et ta mère) tant tout se joue sur le registre de la vanne, le meilleur rempart fraternel face au désespoir latent. Le film dure pas loin de deux heures et on ne les voit pas passer. Epatant premier essai.
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