Le chagrin et la pitié.
7.0 C’est sans doute le film de Dumont qui me touche le moins jusqu’à l’imposant virage que l’on sait, mais c’est pourtant très bien. Je craignais qu’il ne parvienne à rester lui en optant pour le film d’époque avec une star à l’intérieur de son film, mais non rien ne change, même avec Binoche, on reconnaît entre mille le cinéma de Bruno Dumont – Ne serait-ce qu’en confrontant son actrice à de vrais malade mentaux. Et la notoriété du personnage, élément nouveau dans le cinéma de Dumont là encore demandait forcément la présence d’une actrice dont c’est le métier.
C’est un beau film sur le corps, sur sa décomposition. Il y a des moments vraiment forts à l’image de la représentation de Dom Juan devant laquelle Camille s’illumine en regardant jouer ses sœurs d’asile. Avant qu’elle ne s’effondre violemment dans l’une de ses nombreuses crises mêlant chagrin et délire de persécution durant lesquelles Binoche incarne si pleinement cette souffrance qu’on en oublie qu’elle n’est pas Camille Claudel. Il y a finalement quelque chose de San Clemente (Raymond Depardon) là-dedans. C’est en tout cas passionnant sur de nombreux points, notamment sur la question de la lucidité par-delà la folie et sur le maigre et dernier lien avec l’extérieur que Camille entretient avec son frère Paul.
Si toute la première partie est somptueuse, d’une simplicité biblique et pour le moins inattendue dans son déroulement puisqu’on est moins dans le quotidien de Camille dans l’asile de Montdevergues, non loin d’Avignon, en 1915 que dans le récit de ces trois jours de l’attente imminente de la visite de son frère, le film est par ailleurs moins fort dès que Paul Claudel entre en scène. Et en même temps, c’est du pur Dumont, c’est un vrai virage, au moins aussi fort que la guerre de Flandres. Et puis de se concentrer sur ce personnage de l’extérieur (de l’habituel cinéma de Dumont) permet de comprendre un peu de sa folie à lui aussi.
C’est simplement trop bavard. Le film rompt l’équilibre qu’il tenait jusqu’ici magistralement. Certes, on nous avait promis la venue de Paul puisque Camille en faisait son messie. Mais on n’attendait pas qu’il lui chaparde le premier rôle au point d’ôter la beauté silencieuse du film. Et si la brutale rupture de cette dernière partie annonçait le Dumont de P’tit quinquin, Ma loute et Jeannette ? Soit la volonté de tout casser au sein de sa propre bulle et de sa propre éthique – Le choix d’une véritable actrice, compris. Un peu complaisamment à mon goût. Quoiqu’il en soit, je suis content de l’avoir revu.
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