Archives pour août 2018

Paul Sanchez est revenu ! – Patricia Mazuy – 2018

22. Paul Sanchez est revenu ! - Patricia Mazuy - 2018Je fuis donc je suis.

   8.0   Difficile de parler du film sans dévoiler les trajectoires et motivations de son personnage et donc sa véritable identité. Et en disant cela on en a déjà trop dit. J’ai à ce jour vu trois films de Patricia Mazuy et j’aurais tendance à dire que c’est son plus beau, à égalité avec Travolta & moi, qui m’a laissé une trace indélébile – Je pense à ce film chaque jour ou presque depuis que je l’ai découvert il y a deux ans. Pas sûr que Paul Sanchez est revenu ! s’installe autant dans ma tête, on verra. En attendant, c’est une petite claque, inattendue. Quelle belle proposition de cinéma quoiqu’il en soit. Surtout, le film trouve un équilibre improbable entre le nihilisme de son (anti)héros et la bienveillance quasi-totale avec laquelle Mazuy filme chacun de ses personnages.

     Je n’ai pas le souvenir au cinéma d’une boulangerie et d’une patinoire filmées avec autant de passion, amour et cruauté que dans Travolta & moi. C’est d’autant plus beau que ce sont à priori deux espaces bien distincts, même plutôt très distincts, qui révèlent forcément de la nature du personnage principal, de son évolution, son glissement et pourtant c’est filmé par Mazuy, on reconnaît sa patte, au milieu des viennoiseries ou sur la glace, comme on la reconnaît aussi dans les différents lieux qu’elle filme dans Paul Sanchez. Et ça ne tient pas à grand-chose car on est loin d’avoir affaire à une cinéaste de l’épate. Mais c’est un cinéma avec une forte personnalité. Qu’on accepte ou qu’on rejette. J’avais détesté Sport de fillesPaul Sanchez est revenu ! n’a strictement rien à voir avec Sport de filles, à mon avis. C’est un film complètement fou, qui évoque plein d’univers mais qui ne ressemble qu’à lui-même. C’est drôle puis terrassant l’instant suivant.

     On va d’abord passer un peu de temps dans un commissariat. Aux côtés de la jeune Marion qui se retrouve sur une affaire pas vraiment excitante après que son commandant lui ait interdit de s’intéresser au scoop nocturne qui aurait vu Johnny Depp se faire arrêter dans le coin pour fellation au volant de sa voiture de sport. Sauf que cette affaire de mœurs avec le héros de Pirates des caraïbes est aussitôt balayée par l’évocation d’un nom sorti d’outre-tombe, qui s’il n’évoque rien pour nous, semble cristalliser toutes les angoisses du patelin : Paul Sanchez. S’il ne nous dit rien c’est qu’en réalité, Mazuy s’inspire de Xavier Dupont de Ligonnès pour son personnage de Paul Sanchez et lui écrira une histoire similaire à savoir qu’il est un père de famille ayant assassiné sa femme et ses enfants avant de s’évaporer. On part d’un truc absurde et loufoque pour arriver sur un terrain plus fragile, plus lourd.

     Il y a quelque chose d’en apparence hirsute dans ce mélange des formes et des genres qu’en propose la réalisatrice. L’impression d’une part de plonger dans un téléfilm très français, dans une enquête menée par une jeune femme fonceuse autant qu’elle est un peu maladroite, plus humaine que la norme humaine de l’enquêtrice de base – C’est Tintin qui rencontre le Commissaire Marleau, en gros. Mais déjà il y a cet étrange commissariat et ces étranges personnages qu’il abrite, échappés d’un Guiraudie voire des Gendarmes de Jean Girault. Pire, le temps passé aux crochets du chassé offre au film des airs de western puisqu’on l’accompagne en bordure de nationale jusque sur le Rocher de Roquebrune, d’un rouge étourdissant. Paul Sanchez c’est ce hors-la-loi légendaire qu’on rêve d’attraper mort ou vif si l’on en croit les dires de la police locale de Roquebrune-sur-Argens.

     Il y a une vraie dissonance. Justement parce qu’on est à la lisière d’un épisode de Corinne Touzet (la presse n’a d’ailleurs pas manqué de pointer du doigt l’objet comme un revival de téléfilm policier) mais que par d’infimes décalages et une mise en scène qui colle parfaitement à ce décalage, le film devient complètement fou, bizarre, à la fois anachronique et dans l’air du temps. Après c’est vrai que la musique (géniale) de John Cale joue beaucoup dans sa volonté d’imposer son décalage. Ce serait mon seul reproche au film je crois : le décalage musicale est trop marqué. Quand bien même, quelle superbe partition, loufoque et flippante. C’est tellement rare d’avoir une musique originale aussi originale justement dans le « cinéma de genre » en France. Ne boudons pas.

     Un moment donné, il faut y aller, tant pis pour les spoiler. J’ai adoré être trimbalé dans tous les sens dans cet univers nettement plus retors que ce qu’il laisse paraître de domestique, confortable. Habituellement, c’est un parti pris qui peut me gêner (le côté fabriqué, malin) mais là pas du tout. Prenons par exemple le moment où Laffitte brule ses papiers d’identités. Ce n’est pas une fausse piste : Didier Gérard brûle vraiment ses papiers d’identités. Sauf que c’est amené de façon à ce que l’on croit que Paul Sanchez brûle ses propres papiers, ceux de sa nouvelle identité, celle qui lui a permis de ne plus être Paul Sanchez depuis dix ans. Mazuy installe un doute. C’est un doute qui relève de la croyance : Sommes-nous prêt à penser qu’il s’agit de Paul Sanchez malgré ce doute ? Moi j’y ai cru. Et c’est d’autant plus beau qu’il est Paul Sanchez. A sa manière. Car « On est tous Paul Sanchez ». Ce personnage-là, Didier Gérard (quel personnage somptueux, tragique, lucide, dur) raconte tout de la vision qu’à Mazuy du monde et du cinéma il me semble.

     J’ai beaucoup pensé au « nouveau cinéma de Bruno Dumont » devant Paul Sanchez est revenu ! et je me disais que Mazuy réussissait tout ce que lui ratait. J’ai beaucoup ri devant Paul Sanchez, notamment avec le personnage du commandant, mais aussi avec des à-côtés plus discrets, avec la rencontre Hanrot/Laffitte, les mensonges qui s’annulent, le fusil, la voiture, le hamac, la pom-potes… Enfin bref je ris avec le film constamment, il me semble alors que chez Dumont, je ris contre lui, je ris de malaise. Pour moi, tous les personnages du Mazuy sont très beaux mais justement ils ne sont pas tirés à fond dans l’absurde. Et puis la gendarmerie n’est pas rabaissée. Ou alors ça revient à dire qu’elle est rabaissée aussi dans Le roi de l’évasion. Mazuy et Guiraudie filment les flics de la même manière. Le Gign est naze ça oui, mais ça rejoins l’idée que Mazuy n’est pas du côté des puissants. C’est trop facile chez Dumont de jouer sur un pseudo gag de glycine, un duo de Dupont ou avec les tripailles d’une famille de paysans. Chez Mazuy c’est pas si absurde, parfois même hyper flippant, mais du coup c’est d’autant plus absurde. Par exemple, le personnage de la femme de Didier Gérard, je l’ai trouvé bouleversant, elle transporte une douleur terrible.

     C’est un film qui donne envie de devenir gendarme. Comme Guiraudie donne envie d’être pd. Je plaisante qu’à moitié bien sûr, c’est vraiment le regard humain qui me plait dans les films de ces cinéastes, le petit décalage que chacun arbore, leur propre personnalité plus ou moins fantasque. Je cite beaucoup Guiraudie car il me semble qu’il y a une vraie parenté mais on pourrait tout aussi bien pensé à Twin Peaks. Franchement, y a tout un tas de personnages du Mazuy qu’on ne serait pas gêné de croiser chez Lynch. Mais la grande réussite du film, je pense, c’est d’en avoir fait à la fois une franche comédie insolite et un drame universel terrible. Une histoire d’équilibre, en somme. Et cette fin est incroyable : il faut oser pondre un dernier plan pareil, dans un train, avec un tel regard en fuite, en quête de liberté, en totale contradiction avec ce que le cinéma réserve habituellement aux héros.

Un couteau dans le coeur – Yann Gonzalez – 2018

27. Un couteau dans le coeur - Yann Gonzalez - 2018Suce parias.

   6.5   Si l’on devait donner un nom à celui qui porte au cinéma tous les stigmates du fétichisme, on pourrait citer sans rougir Yann Gonzalez. Et un film : Un couteau dans le cœur. Qui plus que ses Rencontres d’après minuit, fait renaître tout un pan cinéphile, tout un pan de sa propre cinéphilie – giallo & porno gay 70’s – dans un élan romantico-punk assez stimulant il faut bien l’avouer. Le fétichisme c’est quitte ou double. Le premier essai de Gonzalez m’avait semblé laborieux d’un point de vue formel en plus de faire clignoter lourdement ses élans fétichistes. Ici il s’incarne pleinement dans l’espace que le film offre à la pellicule, sa dimension érotique, son existence en tant que matière. La nostalgie disparait aussi : On sait que l’action se déroule dans les années 70 mais on l’oublie aussitôt car ce sont les personnages qui l’emportent, leur innocence, leur folie, leur douleur.

     Gonzalez a besoin d’espace, il doit vagabonder dans des ruelles, des forêts, des entrepôts à tiroirs secrets pour faire jaillir la chair et faire que la démesure de son cinéma devienne beauté. Le huis clos des Rencontres après minuit l’emprisonnait, étouffait sa folie. Vanessa Paradis joue Anne, une réalisatrice de films porno et s’en trouve comme métamorphosée là-dedans. Amoureuse délaissée par sa monteuse qu’elle croise chaque jour sur le plateau de tournage, l’ivresse d’alcool et de chagrin qui chaque jour la porte ne lui fait pourtant pas oublier son objectif qui serait de faire (sur)vivre sa troupe, les idées de scènes, les tournages. Lorsque peu à peu sa famille de cinéma est prise pour cible par un tueur, Anne va adapter version porno les meurtres qui les agitent. Si Cruising n’est en effet pas loin (l’assassin d’homosexuels) c’est le giallo qui gagne par KO ne serait-ce que dans l’évocation du fétiche qui rattache Anne au meurtrier : Ce n’est plus L’oiseau au plumage de cristal mais le plumage d’un corbeau aveugle.

     Aussi, Un couteau dans le cœur dialogue avec Les garçons sauvages, le même désir les habite, cet appétit multiforme, cette folle ambition plastique, ces trouées, ces sorties de route permanentes. Pas étonnant que Mandico joue un rôle (celui du caméraman) ici de même qu’Elina Löwensohn dont l’apparition, recroquevillée dans un cimetière dévoré par la forêt, de mère noyée dans le chagrin s’avère aussi brève que puissante. Tous deux (Mandico et Gonzalez) viennent de la même planète cinéphile, romantique et androgyne, c’est évident. Il y a aussi Nicolas Maury, qu’on aime tant voir partout, qui cadre tellement bien avec le cinéma de Gonzalez, tout en restant sur un équilibre d’exubérance bluffant. Disons qu’il pourrait en faire trop, ça tomberait dans le rôle de grande folle ridicule voire vulgaire, mais il est magnifique, d’une grâce incroyable.

     Le film ne tient pourtant pas sur toute la durée, il rate certains de ses traits d’union, il est parfois un peu trop brutal dans ses enchainements et transitions. Enfin disons que c’est un peu trop multiforme, il manque au film un point d’inertie, un équilibre. Mais sinon ça fait tellement plaisir de voir un cinéaste y aller à fond dans ce qu’il entreprend, en étant à la fois relecture de De Palma, de Friedkin et d’Argento, tout en creusant le mélodrame (le glissement final et la révélation en flashback, c’est magnifique) tout en jouant sur des motifs qui tirent davantage vers l’ultra-bis du giallo érotique. C’est un cinéma qui pourrait exploser en vol mais qui s’avère plus réjouissant qu’autre chose. Et c’est d’autant plus cool que je n’avais pas du tout aimé le premier film de Yann Gonzalez.

Le 15h17 pour Paris – Clint Eastwood – 2018

Alek Skarlatos, Anthony Sadler, Spencer StoneUne vie moins ordinaire.

   4.0   Si on est clairement dans la veine mineure du cinéma Eastwoodien, ce film qui avait pour être maladroit, ridicule, casse-gueule avant l’heure, n’est finalement pas dénué d’intérêt. Au regard de l’obsession qui nourrit l’auteur depuis trois films, à savoir son goût pour les biopic un peu confidentiels, sur des « héros » ordinaires modernes, le premier constat c’est de voir que ce film a sa place dans la roue de Sully ou American sniper avec lesquels il pourrait former le troisième volet d’un triptyque. Son problème c’est qu’il s’avère presque anecdotique dans son élan fictionnel global : Tout juste Clint offrira un aperçu de son talent dans « la scène que tout le monde attend » impressionnante et hyper sèche, donc forcément brève. Le reste n’est vraiment pas inspiré voire carrément embarrassant : prêchi-prêcha sur la destinée, les flash-forward en pagaille, tout plein de scènes avec des mecs débiles assis à l’arrière d’un bateau ou à la table d’un bar. Et paradoxalement, Clint est allé plus loin, cette fois. Point d’acteur certifié pour jouer le(s) héros puisqu’il choisit de faire jouer les trois personnages par les trois vrais protagonistes de cette histoire d’attentat déjoué, survenue il y a seulement trois ans, pour rappel. La mise en abyme est telle que la fin, qui mélange images d’archives et images tournées, fera cohabiter les vrais mères avec les actrices ayant jouées les personnages des mères. Puis d’intégrer le discours et remise de médailles de François Hollande avec des raccords dos de Patrick Braoudé – Petit frisson de la honte, il faut bien l’avouer. Ce qui par-dessus tout intéresse Eastwood là-dedans, c’est de montrer qu’on peut devenir un héros tout en étant de sympathiques losers un brin décérébrés : L’un d’eux ne fait rien de ses journées, un autre s’ennuie grave en Afghanistan quand le troisième essuie les échecs dans sa progression militaire. On est loin du portrait héroïque standard, loin du visage parfait de l’américain qui va sauver le monde. L’autre problème découle de ce constat : On se fiche complètement de ces mecs, ils n’ont aucun intérêt. Et ce n’est pas en agrémentant leur background dans un long flashback bien lourd sur leur enfance commune, que le film sera plus intéressant. Dingue de voir Clint aussi peu inspiré dans la mise en scène et la construction de son film. Pour le reste, difficile de lui en vouloir : Il pouvait pas savoir que ces mecs étaient ultra teubés. Et mauvais acteurs.

Le secret de la chambre noire – Kiyoshi Kurosawa – 2017

21. Le secret de la chambre noire - Kiyoshi Kurosawa - 2017Le mirage derrière la porte.

   3.5   Il y a déjà un souci avec Kurosawa, quand il tourne sur ses terres. A mes yeux, bien entendu. Et c’est une remarque d’autant plus de mauvaise foi que je n’ai vu aucune de ses œuvres antérieures à Tokyo Sonata –Voilà des années que j’ai un coffret Kaïro / Charisma / Jellyfish / Séance que je n’ai jamais déballé, parce que je n’ai pas trouvé le film tremplin, ni Real, ni Tokyo sonata, ni même Shokuzaï, son joli pavé qui m’avait laissé un beau souvenir de double séance d’une traite mais dont les images se sont complètement évaporé dans mon esprit. Le secret de la chambre noire ne viendra pas faire exception et je ne suis pas certain que son déroulement en France, en banlieue parisienne, ne lui soit de grand secours. On retrouve la dimension fantastique chère au cinéma de Kurosawa, dans sa lenteur, la minutie de ses plans, son jeu avec les lumières. Il y a parfois de beaux instants : Un silence trop long, une apparition qui ne vient pas, un corps inerte posé sur un arbre métallique, un long travelling avant sur un escalier vide. La singularité du cinéma de Kurosawa se trouve dans ces petits espaces (lieu et temps) brisés de façon imperceptibles. On retrouve malheureusement aussi une certaine idée du cinéma français, ce cinéma auteuriste chiant et paresseux, qui croit réinventer mais ne prend jamais le temps de s’incarner. Si Tahar Rahim est très bien, j’ai eu beaucoup de mal à me défaire de la faiblesse de l’interprétation globale. J’en avais déjà parlé, Olivier Gourmet, c’est plus possible. Ou bien faut qu’il soit une masse dans la foule, un saut dans le récit, un écart dans la trajectoire. S’il tient le rôle le plus fort (ici, celui d’un photographe devenu ermite dans son manoir depuis le suicide de sa femme, qui se perd chaque jour davantage dans sa passion pour le daguerréotype et son obsession pour photographier sa fille, selon les conventions de longue durée que l’instrument impose) il dévore son personnage. Quoiqu’il en soit, le film n’est pas désagréable, mais justement il est plutôt anecdotique, manque d’émotion, de folie, de vertige, un peu à l’image de sa séquence finale : On sait que le film va se finir comme ça, on le sait depuis longtemps. C’est comme Les aventures d’un homme invisible, de Carpenter, un moment donné il faut choisir si on voit ou non le fantôme. Autrement dit si l’on est le spectateur ou le personnage incarné par Tahar Rahim. S’il revoit le fantôme à la fin, le moindre des cadeaux seraient qu’on le voit aussi, je pense. D’autant qu’on aurait pigé exactement la même chose.

Les indestructibles 2 (The Incredibles 2) – Brad Bird – 2018

LES INDESTRUCTIBLES 2 FILM D ANIMATION DE BRAD BIRD (2018)Le plein de super.

   7.0  Cette suite s’ouvre pile là où se fermait le premier volet donc j’étais content de l’avoir bien en tête, même si finalement on s’en démarque très vite. Surtout, cet embrayage immédiat crée un vertige étrange dans la mesure où l’on poursuit une scène – concrètement ici celle du démolisseur – alors que les deux films ont quatorze années de différence. Je n’avais vu aucune image de cette suite, pas même une bande annonce, donc j’étais persuadé que les enfants seraient grands, que les parents seraient vieux, enfin bref que l’écart de temporalité jouerait son rôle comme dans n’importe quel film en prises de vues réelles. On le savait déjà mais Les indestructibles aura offert ça de façon plus surprenante : L’animation permet de figer le temps.

     Et pourtant cette suite n’a rien d’un film de 2004 : La dimension est plus féministe (C’est Elastigirl qui bosse, Mr Indestructible qui s’occupe des mômes) et le méchant plus politique que shakespearien, pour le dire grossièrement. Mais surtout, le film est une tuerie rythmique, ça n’arrête pas, aussi bien dans les merveilleuses scènes d’action que les moments plus triviaux, quotidiens, souvent très drôles, parfois agréablement mélancoliques. Et on s’en doutait puisque le premier volet laissait un peu ça en suspens : C’est l’occasion de mettre Jack-Jack, le bébé, sur le devant de la scène et ce sera on ne peut plus jouissif puisque le bambin est doté de multiples pouvoirs et n’en contrôle aucun : Il peut se téléporter dans une dimension parallèle, il est polymorphe, il a des lasers dans les yeux, il se transforme en boule de feu ou en caoutchouc, il peut se cloner, changer sa taille, passer à travers des murs, voler.

     Bref, c’est un peu gadget, mais ça occasionne des scènes géniales, drolissimes. Et puis c’est un gadget pas si gratuit dans la mesure où dans cet opus, les pouvoirs des personnages sont reliés à leur personnalité affichée : La virilité du père, l’élasticité de la mère, l’hyperactivité du fils, la timidité de la fille, les pouvoirs semblent être le reflet de leur personnalité. Donc avec Jack Jack t’as vraiment le côté schizo de l’enfant et son appétit de découverte, qui veut tout faire, tout être à tout moment. En tout cas ce qui me séduit tout particulièrement dans cet opus c’est qu’il ne cesse de dire que le vrai super héros c’est celui ou celle qui s’occupe du foyer. En tant que parent, ça me touche infiniment.

     Si cette suite est à mon sens aussi délectable qu’on soit petit ou grand, il me semble qu’elle s’adresse avant tout aux plus jeunes et là-dessus il faut saluer son élégance et sa générosité, d’où mon indulgence globale. Dans les (très) bons points à mes yeux c’est qu’il est surtout un film sur la famille donc qu’il tente de s’adresser à toute la famille je trouve ça noble. Dans les mauvais points je pointerai surtout les nouveaux supers qui sont à leurs côtés et qui franchement ne servent pas à grand-chose. La famille se suffisait à elle-même, avec Frozone. A chaud, même si ça gagne en divertissement ce que ça perd en émotion, j’aurais tendance à préférer cet opus. En tout cas c’était cool de voir mon fils (qui adore Les indestructibles) aussi émerveillé de découvrir, au cinéma, la suite des aventures de ses héros en combinaison rouge.

Bao – Domee Shi – 2018

18. Bao - Domee Shi - 2018Le fils préféré.

   6.0   L’allégorie pourrait peser une tonne mais comme c’était le cas de Lou, l’an dernier, en « première partie » de Cars 3 (Je n’ai pas vu d’autre court Pixar à ce jour) elle est suffisamment équilibrée et fondue dans une légèreté d’ensemble. C’est donc ici l’histoire d’une femme qui se prend d’affection pour son ravioli farci qui prend vie et qu’elle va cajoler, surveiller et regarder grandir jusqu’à ce qu’il soit vraiment grand, adolescent, adulte. Je vais taire le double dénouement, mais on l’assimile assez vite, il est question de la dépression d’une mère après le départ de son fils du foyer familial. La fin est sublime. Dix très belles minutes quoiqu’il en soit, entre relation mère/fils accélérée et cuisine chinoise. Et d’autant plus importantes qu’il s’agit du tout premier court Pixar réalisé par une femme. Et qu’elle est d’origine chinoise.

Le Brio – Yvan Attal – 2017

09. Le Brio - Yvan Attal - 2017La crème de l’éloquence.

   5.5   Je n’ai jamais cru en Yvan Attal, auteur. C’est peut-être ça qui m’a tenu éloigné de ce film, lors de sa sortie. Attal auteur, mais aussi Auteuil acteur. Association rédhibitoire. Les nominations de ce film pour trois Cesar importants en février dernier (Film, acteur et révélation féminine) a éveillé ma curiosité. Et ce d’autant plus lorsque Camelia Jordana coiffa sur le poteau Laetitia Dosch (qu’on était persuadé de voir gagner pour « Jeune femme ») et Garance Marilier (que j’aurais adoré voir gagner pour « Grave »). Je commençais même à penser que ça pouvait me plaire. Et c’est plutôt surprenant et réussi, oui. Enfin surprenant, ça ne change évidemment pas la face du monde, ce n’est pas si subversif que ce que ça revendique en permanence, mais il y a un ton, nonchalant, irrésistible, qui fait que ce récit initiatique dont on aurait pu faire un simple téléfilm pour la ménagère (le casting parfait, déjà) devient un tout petit peu plus que ça, soit quelque chose de bien dialogué, bien joué (Même Auteuil y est excellent), bien modelé – au-delà de quelques scories ou habillages superflues dont on aurait largement pu se passer – et très rythmé, un peu dans la veine de La crème de la crème, de Kim Chapiron, dans lequel on retrouve le jeune acteur qui joue Benjamin, ici. Bref, pas ouf mais bonne surprise.

L’Empire de la Perfection – Julien Faraut – 2018

14. L'Empire de la Perfection - Julien Faraut - 2018Soigne ton gauche.

   8.5   L’image qui revient le plus dans L’empire de la perfection, celle qui marque par sa redondance et son apparente inutilité, c’est la fin du rush, avec cette pancarte numérotée agitée par l’assistant du caméraman, placé dans les gradins en face. C’est hyper important tant ça raconte tout le cheminement de Julien Faraut, qui va utiliser des images existantes d’une manière qu’on n’a pas trop l’habitude de voir : en acceptant que ce sont des rushs. Voici donc un pur film de montage puisque toutes les images utilisées sont celles filmées par Gil de Kermadec, premier réalisateur de tennis, qui répertoriait moins les matchs qu’il disséquait les gestes, dans des films d’instruction et de captation. En résultaient des documents atypiques dans leur didactisme, films auxquels Julien Faraut rend ici hommage, à l’aide de la voix de Mathieu Amalric, tout en prolongeant l’entreprise : Faire un document sur les images de Gil de Kermadec, mais aussi sur John McEnroe, mais aussi sur la place du cinéma là-dedans. Son film s’ouvre donc sur une citation de Godard « Le cinéma ment, pas le sport » avant de s’en aller citer maintes fois Serge Daney, qui rapprochait cinéma et tennis et surtout cinéma et John McEnroe en ce sens que selon lui ils inventent tous deux du temps : Incroyable séquence où le joueur américain, qui sent que le match échappe à son contrôle, va reprendre la main en jouant de ses colères, contestant une décision, s’attirant les sifflets du public, déambulant au ralenti, jetant un œil aux journalistes, dans un laps de temps qui prendra plus de deux minutes. Ce que le film ne cesse de dire c’est que les anti-McEnroe auront toujours vu en lui un showman, un comédien, un acteur pendant que d’autres adoraient le voir piquer ses crises et faire le spectacle. Alors qu’en réalité il tente en permanence d’être le metteur en scène, il tente d’exploiter sa faiblesse, son désir de perfection : Il ne gagne que s’il mène sa propre danse, que s’il choisit le rythme, que lorsque le taux d’hostilité (des arbitres, des journalistes, du public et de lui-même car ce que révèlent ces images c’est que l’adversaire de McEnroe n’existe jamais, McEnroe s’en fiche) est suffisant pour élever son niveau de jeu puisque plus celui-ci est haut, mieux il joue, contrairement à n’importe quel autre joueur du circuit. C’est sans nul doute ce qui fait sa grande force mais aussi le désamour que le public a pour lui. Je n’ai pas connu les époques McEnroe, mais je me souviens que les gens n’aimaient pas les sorties de routes violentes de Marat Safin ou larmoyantes de Martina Hingis. J’ai toujours été fasciné par cet espace pulsionnel singulier chez ces joueurs, j’ai l’impression que McEnroe avait le sien, cette hyper-émotivité, malgré l’aspect sous-contrôle de ses éclats. Et pourtant ça ne semble en rien prémédité : McEnroe est un éternel insatisfait et ne supporte pas que « le monde » ne soit pas aussi parfait (les décisions arbitrales, surtout) que son jeu. Et surtout il évolue sous tension en permanence, il souffre, ne cède jamais aux caprices de la joie. C’est un être hyper sensible, torturé, plein de contradictions, qui se nourri de ses colères mais qui ne supporte pas la faute. Si le film aura préalablement pris le temps de s’intéresser aux gestes, pour rendre grâce au travail de Gil de Kermadec, toute la dimension cinéma/tennis est la plus passionnante et complexe du film. On pourrait s’arrêter là-dessus. Sauf que Julien Faraut choisi de nous emmener dans une dernière partie incroyable, retraçant la finale de Roland Garros 84 entre McEnroe et Lendl, dans un montage qui fait office de thriller et emmène le film sur le terrain de la fiction, avec ses ellipses, ses points d’orgue. Surtout pour montrer comment la machine émotionnelle s’est vrillée face à la machine froide tchécoslovaque, tenter de percer ce mystère absolu : Comment McEnroe a-t-il pu laisser échapper cette finale qu’il survolait complètement, jusqu’au taux d’hostilité parfait autour de lui (Public pro Lendl, Micro d’un journaliste trop apparent) ? Ça devient une véritable tragédie. Celle d’un homme (Mais parfois on dirait un enfant) programmé pour gagner (Et qui gagnait tout, puisqu’il détient toujours le record du meilleur pourcentage de victoires sur une saison, en 1984 donc, lorsqu’il tutoyait la perfection) qui s’effondre, sans explication aucune. Dès l’entame sur The Sprawl, de Sonic Youth, observant dans une série de ralentis le service incroyable du gaucher américain, L’empire de la perfection annonce autant sa forme et sa dimension tellurique, que son empathie pour ce garçon ambigu et malade. Passionnant jusqu’à son générique final.


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