Publié 30 août 2018
dans Clint Eastwood
Une vie moins ordinaire.
4.0 Si on est clairement dans la veine mineure du cinéma Eastwoodien, ce film qui avait pour être maladroit, ridicule, casse-gueule avant l’heure, n’est finalement pas dénué d’intérêt. Au regard de l’obsession qui nourrit l’auteur depuis trois films, à savoir son goût pour les biopic un peu confidentiels, sur des « héros » ordinaires modernes, le premier constat c’est de voir que ce film a sa place dans la roue de Sully ou American sniper avec lesquels il pourrait former le troisième volet d’un triptyque. Son problème c’est qu’il s’avère presque anecdotique dans son élan fictionnel global : Tout juste Clint offrira un aperçu de son talent dans « la scène que tout le monde attend » impressionnante et hyper sèche, donc forcément brève. Le reste n’est vraiment pas inspiré voire carrément embarrassant : prêchi-prêcha sur la destinée, les flash-forward en pagaille, tout plein de scènes avec des mecs débiles assis à l’arrière d’un bateau ou à la table d’un bar. Et paradoxalement, Clint est allé plus loin, cette fois. Point d’acteur certifié pour jouer le(s) héros puisqu’il choisit de faire jouer les trois personnages par les trois vrais protagonistes de cette histoire d’attentat déjoué, survenue il y a seulement trois ans, pour rappel. La mise en abyme est telle que la fin, qui mélange images d’archives et images tournées, fera cohabiter les vrais mères avec les actrices ayant jouées les personnages des mères. Puis d’intégrer le discours et remise de médailles de François Hollande avec des raccords dos de Patrick Braoudé – Petit frisson de la honte, il faut bien l’avouer. Ce qui par-dessus tout intéresse Eastwood là-dedans, c’est de montrer qu’on peut devenir un héros tout en étant de sympathiques losers un brin décérébrés : L’un d’eux ne fait rien de ses journées, un autre s’ennuie grave en Afghanistan quand le troisième essuie les échecs dans sa progression militaire. On est loin du portrait héroïque standard, loin du visage parfait de l’américain qui va sauver le monde. L’autre problème découle de ce constat : On se fiche complètement de ces mecs, ils n’ont aucun intérêt. Et ce n’est pas en agrémentant leur background dans un long flashback bien lourd sur leur enfance commune, que le film sera plus intéressant. Dingue de voir Clint aussi peu inspiré dans la mise en scène et la construction de son film. Pour le reste, difficile de lui en vouloir : Il pouvait pas savoir que ces mecs étaient ultra teubés. Et mauvais acteurs.
Publié 30 août 2018
dans Kiyoshi Kurosawa
Le mirage derrière la porte.
3.5 Il y a déjà un souci avec Kurosawa, quand il tourne sur ses terres. A mes yeux, bien entendu. Et c’est une remarque d’autant plus de mauvaise foi que je n’ai vu aucune de ses œuvres antérieures à Tokyo Sonata –Voilà des années que j’ai un coffret Kaïro / Charisma / Jellyfish / Séance que je n’ai jamais déballé, parce que je n’ai pas trouvé le film tremplin, ni Real, ni Tokyo sonata, ni même Shokuzaï, son joli pavé qui m’avait laissé un beau souvenir de double séance d’une traite mais dont les images se sont complètement évaporé dans mon esprit. Le secret de la chambre noire ne viendra pas faire exception et je ne suis pas certain que son déroulement en France, en banlieue parisienne, ne lui soit de grand secours. On retrouve la dimension fantastique chère au cinéma de Kurosawa, dans sa lenteur, la minutie de ses plans, son jeu avec les lumières. Il y a parfois de beaux instants : Un silence trop long, une apparition qui ne vient pas, un corps inerte posé sur un arbre métallique, un long travelling avant sur un escalier vide. La singularité du cinéma de Kurosawa se trouve dans ces petits espaces (lieu et temps) brisés de façon imperceptibles. On retrouve malheureusement aussi une certaine idée du cinéma français, ce cinéma auteuriste chiant et paresseux, qui croit réinventer mais ne prend jamais le temps de s’incarner. Si Tahar Rahim est très bien, j’ai eu beaucoup de mal à me défaire de la faiblesse de l’interprétation globale. J’en avais déjà parlé, Olivier Gourmet, c’est plus possible. Ou bien faut qu’il soit une masse dans la foule, un saut dans le récit, un écart dans la trajectoire. S’il tient le rôle le plus fort (ici, celui d’un photographe devenu ermite dans son manoir depuis le suicide de sa femme, qui se perd chaque jour davantage dans sa passion pour le daguerréotype et son obsession pour photographier sa fille, selon les conventions de longue durée que l’instrument impose) il dévore son personnage. Quoiqu’il en soit, le film n’est pas désagréable, mais justement il est plutôt anecdotique, manque d’émotion, de folie, de vertige, un peu à l’image de sa séquence finale : On sait que le film va se finir comme ça, on le sait depuis longtemps. C’est comme Les aventures d’un homme invisible, de Carpenter, un moment donné il faut choisir si on voit ou non le fantôme. Autrement dit si l’on est le spectateur ou le personnage incarné par Tahar Rahim. S’il revoit le fantôme à la fin, le moindre des cadeaux seraient qu’on le voit aussi, je pense. D’autant qu’on aurait pigé exactement la même chose.