La vie est à nous.
9.0 C’est la peinture du milieu ouvrier qui séduit avant tout dans Antoine et Antoinette. Il faut bien qu’on ait atteint la moitié du film avant que n’entre en jeu cette histoire de billet de loterie. Avant cela, si l’on excepte l’épicier qui fait des pieds et des mains, plutôt de gros sabots, pour séduire lourdement Antoinette, il y a très peu d’intrigue à se mettre sous la dent sinon ce quotidien brassé dans toute son authenticité. Soit celui d’Antoine, ouvrier chez un imprimeur et celui d’Antoinette, travaillant au Prisunic. Et Becker s’attache à montrer chaque détail de leur vie quotidienne la plus ordinaire : Aller voir un match de football en amoureux, se promener en barque, grimper sur le toit pour faire un changement d’antenne, faire ses courses au marché, changer la roue d’une bicyclette ; Rarement on aura autant vu et entendu dans un film les prix des produits à l’étalage, d’un photomaton, d’un billet de train. Il suffit ne serait-ce que d’évoquer ces journaux quotidiens que l’on découpe pour faire des semelles ou cette ampoule de cuisine servant ici à brancher un fer à repasser, là le transistor, pour voir qu’on évolue dans un environnement des plus modestes, mais dans lequel nos personnages s’épanouissent malgré leurs rêves (d’un plus grand appartement, d’un side-car, d’une boutique…) qui bientôt se matérialiseront sous la forme d’un billet de loterie gagnant avant de se dissoudre dans sa perte. En plus de cartographier un quartier de Paris, de le marquer historiquement, cette évocation de la valeur des choses agit comme rappel de la condition précaire des personnages autant qu’elle annonce un avenir proche (la seconde partie du film) ô combien romanesque. En fait c’est « Le trou » quelques années plus tôt, mais sa version feel-good et romantique. Je l’avais découvert il y a pile six ans et je m’en souvenais assez bien, ce qui ne m’a pas empêché de prendre un plaisir immense à le revoir.
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