A nightmare in L.A.
4.0 Je l’attendais comme le messie. Je me voyais déjà l’adorer et j’aurais adoré l’adorer autant qu’It follows et The myth of the american sleepover, les deux premiers superbes films de David Robert Mitchell, malheureusement ça a complètement glissé sur moi, pour rester poli. Je ne me suis certes pas du tout ennuyé, mais je n’ai rien ressenti, je suis resté loin de tout, comme j’étais resté loin de Southland Tales (film auquel j’ai pas mal pensé, ici) il y a dix ans, à la fois impressionné et dégoûté par sa folie et sa virtuosité sans que jamais ça ne prenne le bon chemin de mon côté. Sans doute cette accumulation m’a gêné d’ailleurs, l’impression que chaque plan, chaque situation doit faire naître un gag, une idée saugrenue. C’est du saugrenu pour être saugrenu ça ne débouche sur absolument rien, sinon un petit jeu de piste pour nerd. Et puis c’est souvent obscène, je n’y vois aucune subtilité et très peu de poésie. Je ne ressens surtout aucun choc, contrairement à ces deux chocs chacun dans leur genre qu’avaient constitués It follows et The myth of the american sleepover. Je vois que Mitchell veut pondre son film monde/monstre mais justement, je ne vois plus que ça. Pour le reste il y a un aspect récréatif quant à son mélange de références ouvertes ou discrètes. Pêle-mêle on y trouve beaucoup de Mulholland drive (jusqu’à Patrick Fischler, dans une apparition aussi énigmatique que chez Lynch), du Hitchcock (Fenêtre sur cour / Vertigo, évidemment), du Bret Eston Ellis, du Altman, du Body double, du Inherent vice sans compter divers clins d’œil rapides comme sur un plan à Nightmare on Elm street, une scène à La fureur de vivre, un poster à L’étrange créature du lac noir ou tout simplement les cordes de Disasterpiece évoquant Bernard Hermann ; ainsi qu’aux actrices, à la musique, aux comics, à tout un pan de la pop ’culture jusqu’aux paquets de céréales et mag Playboy. Au même titre aussi que le nombre d’extraits de films (L’heure suprême, L’invasion des profanateurs de sépultures, Comment épouser un millionnaire ?) que l’on peut voir dans le film, jusqu’à cette scène dans un drive-in installé sur un cimetière de stars où le personnage se retrouve devant la projection du premier film de David Robert Mitchell. C’est une idée parmi les beaux instants du film, qui annonce bien la bizarrerie et l’humour du film, je trouve. Bref c’est une ultra-référence en permanence qui tourne tellement à plein régime que le film en devient assez fascinant en plus de sa dimension labyrinthique et son jeu de piste loufoque dans un Los Angeles alternatif, fait d’hipsters errants, stars déchus et théorie du complot, où les nuits ressemblent à des jours, avec son ballet de putois récalcitrants, tueurs de chiens et roi SDF. D’autant qu’il faut noter son point fort : A l’instar de Ready player one, le dernier Spielberg, cet empilement de références ne crée curieusement pas de patchwork indigeste. Elles sont là bien visibles, revendiquées, relayées, assumées mais le film parvient à exister malgré tout, à trouver sa propre esthétique et son propre rythme. Ceci dit ça ne me surprend pas, It follows avait déjà cet atout-là. Ici, en dépit de quelques séquences fortes, le souvenir du voyage se dissout très vite car la narration est bien trop décousue, les déambulations chaque fois plus branlantes, le cauchemar pas vraiment émouvant, la dérive de moins en moins passionnante, de plus en plus écœurante. Il ne m’en reste déjà plus rien. Beau prétendant au titre de la douche froide de l’année, en somme.
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