Sous l’océan.
8.0 Si l’on craint d’abord que The Affair ne s’applique trop à confirmer l’expression selon laquelle c’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures confitures, disons durant une petite moitié de saison où le soap est certes de qualité, comme toujours, mais un peu trop fabriqué, un peu trop nourri, il faut reconnaitre que la série a rarement atteint une telle puissance / justesse émotionnelle que lors de son déchirant dernier tiers.
Durant les quatre premiers épisodes, on balance donc les intrigues nouvelles, tout en ouvrant chaque épisode sur un flashword bien chelou, une affaire de disparition dont on aura les explications lors de l’épisode 8. Entretemps donc, Vikram apprend qu’il a un cancer du pancréas, mais souhaite avoir un enfant avant de partir ; Helen, quatre fois maman, est ravie. Alison rencontre Ben lors d’une conférence thérapeutique sur le stress post-traumatique et Ben va bientôt croiser Cole aux alcooliques anonymes ; Noah va coucher avec la proviseur du campus dans lequel il enseigne, proviseur qui est aussi la mère d’un de ses élèves ; Luisa n’est pas en règle avec ses papiers d’identité mais ça semble être le cadet des soucis de Cole qui se voit contraint de vendre le Lobster Roll (et donc ce qui reste de son mariage avec Alison) a des investisseurs chinois.
J’ai adoré voir Cole, durant cette saison. Sa relation avec Luisa sent tellement le pâté qu’il va décider sur un coup de tête de partir en quête de soi sans trop savoir qu’il part sur les traces de son propre père. Et en découvrant le passé de son père, il va aussi découvrir qu’il n’aime pas Luisa mais Alison et va donc tout faire pour la récupérer. Cet épisode (5) central s’ouvre sur un chapitre Vikram, on craint alors que la série ne se disperse trop, à l’image de la saison 3 quand bizarrement elle offrait un chapitre sur Juliette, qu’on ne reverra pas, au passage. Dans The Affair, le découpage des épisodes offre parfois une moitié d’épisode plutôt anecdotique et une autre moitié magnifique, on a appris à s’y habituer.
Quoiqu’il en soit, la partie de l’épisode 5 consacrée à Cole et la partie de l’épisode 6 consacrée à Alison sont les deux plus beaux et terribles à cet instant pour moi. Sans doute parce que The Affair pour moi n’est jamais aussi brillant que lorsqu’elle évoque Alison et/ou Cole. J’ai un peu relégué Helen & Noah qui m’ont particulièrement gonflé dans la saison précédente, elle avec Vikram, lui avec sa fille Whitney, son séjour en prison, l’héritage de son père, sa petite française. J’ai fait un rejet Noah, en fait. Inévitablement, l’épisode 7 de cette saison 4, centré à la fois sur Helen, en voyage avec Sierra façon Thelma et Louise direction une réunion hippie dans une yourte en plein désert, et Noah qui veut tout faire pour embarquer Anton direction Princeton, n’est pas celui qui m’a le plus excité durant cette saison, loin s’en faut.
Heureusement il y a les trois derniers. Si on peut d’ores et déjà les compter parmi les plus beaux de la série, toute saisons confondues, on peut d’emblée s’arrêter sur le 9, l’avant-dernier de cette saison, parce que sa construction, bien que représentative de The Affair (Deux parties, deux points de vue) s’avère aussi troublante que terrible. Ce n’est ni plus ni moins qu’un remake d’Une sale histoire, de Jean Eustache, à la différence qu’il n’y a pas de monologue mais un long dialogue, entre deux personnages dans une même pièce, 2x30min durant. La fiction puis le document, autrement dit ici le fantasme puis la réalité, ce que le spectateur souhaite voir puis ce qui s’est réellement déroulé. L’épisode suit donc un même personnage à savoir Alison sur une situation identique mais où tout va changer : Le ton, le climat, le déroulement, les vêtements, les traits sur les visages. C’est Mulholland Drive. M’est avis d’ailleurs que nous offrir une séquence pivot en cuisine devant un robinet et une machine à café n’est pas le fruit du hasard. Lorsque l’on capte le visage d’Alison et son reflet dans la fenêtre, c’est le même bouleversement, la même émotion que l’on ressent lorsque Diane « se réveille » dans le film de Lynch.
The Affair a toujours coupé ses épisodes en 2, depuis le tout début c’est sa marque de fabrique, parfois pour raconter une même situation mais selon deux points de vue, parfois pour raconter deux situations sans rapport sinon leur temporalité mais toujours selon deux angles de vue. Durant les trois derniers épisodes, The Affair va brillamment casser son dispositif. D’abord (épisode 8) en offrant une dernière partie minuscule (cinq minutes à peine sur Noah) après avoir suivi Cole (en partie accompagné de Noah) dans un road-trip cool puis macabre, cinquante minutes durant. Ensuite en offrant tout l’épisode à Alison. Et enfin en découpant en trois chapitres le tout dernier : Noah puis Cole puis Helen. Rien que de lire ce chapitrage sans Alison j’en ai la chair de poule. The Affair c’est Alison, pour moi. C’est le cœur de la série. Et si elle est au cœur de cette saison 4, je ne vois pas comment The Affair pourra se relever de ce parti pris dans son ultime saison mais je serai bien évidemment au rendez-vous.