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Archives pour octobre 2018



Je suis un assassin – Thomas Vincent – 2004

François Cluzet, Karin ViardLe crime était loin d’être parfait.

   5.0   Avec Karin Viard & François Cluzet avant qu’ils ne deviennent tous deux progressivement un tout petit peu insupportables, Thomas Vincent batit ce petit thriller dans le monde de l’édition sur « les retrouvailles » de deux vieux potes qui ont eu deux parcours opposés : il y a d’un côté un écrivain sans éditeur et de l’autre un écrivain en vogue mais en panne d’inspiration. Lors d’un voyage en train, le second (Bernard Giraudeau) offre au premier (Cluzet, hein, évidemment) la moitié de ses avances sur droits s’il devient son nègre et le débarrasse de son ex-femme, qui justement détient la moitié de ses droits. Cluzet grimace et roule des yeux, refuse puis hésite, et sous l’influence passive mais réelle de Viard qui pleurniche, il décide de le faire et tue la cible plus sauvagement que prévu – Toute cette partie-là, soit la naissance de l’assassin (avec Anne Brochet, donc) est ce que le film réussit de mieux, tant l’introduction (façon Hitchcock du pauvre) est poussive et mécanique, et tant la résolution vire un poil trop dans le grand n’importe quoi (Viard & Giraudeau pètent plus un câble que Cluzet lui-même) pour convaincre. Beaucoup pensé à Blood simple, des frères Coen. C’est pas mal, mais ça manque d’équilibre et d’identité.

Eva – Benoît Jacquot – 2018

22. Eva - Benoît Jacquot - 2018Escroc mais rien de trop.

   3.0   Et si c’était le plus mauvais film de Benoît Jacquot ? Enième adaptation de James Hadley Chase, Eva est surtout une nouvelle adaptation puisque le roman éponyme (Eve, en anglais) avait déjà été adapté par Losey en 1962. Deuxième fois consécutive que Jacquot se colle à l’exercice, après avoir déjà (forcément) déçu en passant après Buñuel pour Le journal d’une femme de chambre. Eva c’est une histoire d’escroquerie et d’obsession que De Palma ou Verhoeven auraient dynamitée mais qui chez Jacquot vire au navet, mais moins au grand guignol qu’à l’ennui profond, avec Huppert qui fait du mauvais Huppert et Ulliel qui fait de l’insipide Ulliel. Reste un thriller sulfureux complètement anecdotique, désincarné, oublié dans la seconde.

The Deuce – Saison 1 – HBO – 2017

09. The Deuce - Saison 1 - HBO - 2017Il était une fois la 42e rue.

   8.0   Qui mieux que David Simon, créateur de The Wire, pour écumer bars et trottoirs du New York de 1971, avec ses macs, ses putes, ses flics, ses barmans, ses mafieux, ses truands, sa communauté gay dans une ambiance poudrée à l’aube de l’explosion de l’industrie pornographique ? On est en terrain connu : The Deuce c’est The Wire sans Baltimore, avec les années 70 : ça transpire à la fois le fantasme et la fange, le fric, la coke et le sperme. Franchement on s’y croit. Autant Mindhunter (qui l’emportait sur un autre tableau) laissait à désirer sur ce point, autant la reconstitution de The Deuce est stupéfiante. C’est simple, on a l’impression de voyager huit heures dans un Lumet ou un Friedkin, dans Serpico ou French connection. Mais à l’échelle d’une rue. En effet, The Deuce c’est le surnom de la 42e rue de Manhattan, dans laquelle se déroule l’intégralité du récit ou presque. Deuce c’est aussi le diable. Et le double. Que James Franco incarne deux frères jumeaux crée une passerelle shakespearienne imposante (Le sage vs l’insolent) mais c’est en réalité chaque personnage qui se voit affublé d’un double, à commencer par Candy (Magnifique Maggie Gyllenhall), prostituée indépendante (Contrairement à ses « collègues » elle travaille sans proxénète)  la nuit et mère de famille le jour. En fait, c’est la marque David Simon que de creuser chacun de ses personnages jusqu’à son essence et ses contradictions, à l’image de Chris, bon flic dans une mare de ripoux ; à l’image de Sandra, qui squatte bars et trottoirs afin d’écrire un bouquin ; à l’image de Darlene qui dit rêver repartir dans sa campagne mais ne se donne pas les moyens de le faire, n’accepte même pas l’offre que lui fera Abi (La belle Margarita Levieva) personnage à part dans ce paysage, héritière du Summer of love, issue d’un milieu aisé, elle plaque vite sa vie estudiantine pour une place dans le bar de Vince, lequel se voit observé par les mafieux à qui son frère, joueur endetté, doit de la thune. Même les plus pourris d’entre eux, à l’image de C.C., proxénète menaçant et violent, Simon lui offre un vrai personnage, tourmenté, pathétique. Même ceux qu’on aurait à peine esquissé ailleurs, comme le réalisateur de films porno qui prend Candy sous son aile : Il est magnifique ce personnage, d’une intelligence, et d’une bonté, dans la mesure du possible, évidemment : Il galère comme beaucoup d’autres, fait ses petits pornos qui se vendent sous le manteau dans les vidéos clubs. Il n’y a d’abord pas le porno durant les premiers épisodes : C’est Darlene qui le fait entrer dans le récit malgré elle, puisqu’un type l’a filmée et a vendu sa sextape. Et c’est Candy qui va nous y emmener, nous y plonger. Quant au choix de James Franco, revenons-y car c’était casse-gueule : sans doute est-il un peu trop dans l’emphase pour ce (double) rôle, pourtant il s’avère payant puisque à camper ces deux frères opposés, chacun très grimaçant dans son registre de grimace, Franco leur permet d’exister pleinement dans leur extravagance propre. On les distingue très bien, en tout cas. Bref, ce n’est pas une surprise, The Deuce, saison 1 est une grande réussite anti-glamour, qui glisse d’un personnage à un autre avec une limpidité confondante et c’est d’ores et déjà une grande série nocturne sur la vie déglinguée d’une rue, avant la législation du X.

Police fédérale Los Angeles (To Live and Die in L.A.) – William Friedkin – 1986

02. Police fédérale Los Angeles - To Live and Die in L.A. - William Friedkin - 1986Connexion distordue. 

   8.5   Le polar chez Friedkin est une science de l’absurde. Il n’est jamais fait d’affrontements communs, il n’y a rien ni personne vers quoi/qui ont peut vraiment se rattacher, pas de démarche héroïque loyale ni de soudains revirements humains, les personnages se croisent dans un désespoir ambiant mêlé et partagent un temps avant que ça ne disparaisse, avant que le lien finisse par se diluer dans le dédale absurde de l’existence. En ce sens, le titre original correspond davantage à la démarche voulue par le cinéaste. Vivre et mourir. C’est une boucle. Une place n’est jamais libre, on vous remplace toujours. Un flic meurt en début de film (par excès de zèle et fierté du bon coup solo avant la retraite) et il est remplacé par un autre, plus jeune. Il n’existe plus, il relève déjà du passé.

     Il n’y a d’ailleurs aucune cérémonie funéraire dans le film de Friedkin comme s’il voulait accentuer cet effet de dissolution. Un autre flic meurt en fin de film et cette femme indic qu’il ne lâchait pas, sous peine de lui sucrer sa conditionnelle, se retrouve sous le joug d’un autre, le nouveau, le coéquipier. On monnaye des vies (l’idée de remplacer, d’échanger, inéluctablement) comme on monnaye des billets. Peu de sentiments bon marché ou bien ils sont éphémères. Pas non plus de place aux remords. Adieu les duos de flics habituels, ceux-ci ne semblent jamais attachés les uns aux autres – ça  m’a un peu rappelé les voyous et les flics de Heat, ces personnages soudés mais sans attache, qui vivent en sachant qu’ils peuvent se séparer de tout la seconde suivante et notamment ce flic qui admet vivre parmi les morts qu’ils rencontrent, les voyous qu’il traque.

     Après une entrée en matière qui laisse présager le contraire (ils piègent tous deux un terroriste) le film sépare aussitôt son duo, littéralement, par un saut à l’élastique (tout ne tient qu’à un fil) qui sonne comme une esquisse (d’abord anodine : Un pari réussi) puis très vite en tuant l’acolyte, froidement. Les personnages sont éternellement seuls, engloutis par la ville et quand ils se côtoient ce n’est jamais mieux que provisoire, comme une affaire qui succède à une autre, un voyou qui en remplace un autre. C’est un Los Angeles qui est sale. C’est comme si les palmiers du générique d’introduction avaient été calcinés. Comme si les rues, les routes, les métros (de French Connection) s’étaient transformés en terrain vague géant.

     Si le film fit un four public et critique en son temps c’est probablement parce que tout est bâtard en lui – Un peu dans la continuité de ce que Friedkin avait offert avec Sorcerer. Il est à l’image des quatre personnages masculins centraux : Hart, Chance, Master, Vukovich. C’est comme si chacun d’eux fuyait sa condition de personnage de fiction, en permanence. Hart en mourant prématurément, refusant ainsi de jouer le rôle du good cop en duo avec Chance, puisque le début, dans sa mouvance 80’s très marquée et sous ses allures de Miami Vice (la série de Michael Mann) annonce clairement L’arme fatale, avec le traditionnel mantra de Roger Murtaugh « Too old for this shit » scandé ici une fois la mission inaugurale accomplie, comme dans l’une de ces feel good comédies policières qui verra bientôt son heure de gloire avec les aventures de John McClane. Friedkin dynamite la construction attendue : Jamais le buddy movie n’existera.

     Master, lui, a en apparence tout du parfait méchant, dans sa façon sans scrupule de tuer, d’autant que les traits de Willem Dafoe s’y prêtent convenablement. Il est pourtant en décalage absolu avec l’idée qu’on se fait d’un méchant, on s’attache à lui, non pas qu’il soit hyper charismatique, mais on s’attache à sa mélancolie, sa folie, sa bizarrerie, sa figure artistique un brin grossière pourtant retranchée derrière une mécanique commune : Il semble être animé d’une même passion pour la création de ses toiles autant que pour celle de ses faux billets. Le tout rendu fascinant dans sa façon de se déplacer, de rire, de planer. Il y a quelque chose d’une figure publicitaire du méchant, produit Reaganien en puissance, mais une figure ratée qui ressemblerait presque parfois à Roy Batty, de Blade Runner. Il a cette poésie suicidaire, qu’on retrouve souvent dans le cinéma de Friedkin.

     Il y a aussi Chance, qui lui semble uniquement motivé par son désir de vengeance. C’est drôle car c’est censé être le héros, celui qu’on voit plus que les autres, mais jamais nous ne verrons le bon flic esquissé dans la première scène ni vraiment la pourriture un peu vulgaire esquissée dans les scènes de lit partagées avec son indic. Et enfin il y a Vukovich. Lui c’est particulier puisqu’il arrive après, son entrée est décalée dans le récit. Et quand il prend une vraie place, il est l’éternel remplacent. D’une part de Hart. Bientôt de Chance. On conviendra que c’est une façon un peu étrange, pour ne pas dire complètement casse-gueule, de nous convier à un destin de personnages.

     C’est la limite du film à mon sens et non un défaut. C’est que sa kyrielle de personnages me touche moins que ceux d’un Sorcerer. J’ai besoin de chialer quand ils crèvent, comme lorsque le camion de Cremer et Amidou part en fumée. J’ai besoin de ne cesser de penser à aux quand ils disparaissent du cadre comme lorsque Hackman et Scheider disparaissent dans le fond de l’entrepôt désaffecté sur un coup de feu mystérieux à jamais inexpliqué. Quand on quitte Police fédérale Los Angeles il y a cette rigidité qui domine, liée à la faible générosité romanesque des personnages pour leur condition de personnage. Ils sont comme déjà morts avant de l’être. Et ils sont interchangeables. Puisque Chance est devenu Vukovich et qu’en fin de compte on n’y voit que du feu.

     Bon ça reste une tuerie absolue hein mais c’est le petit bémol qui fait que je ne le place pas au même niveau que Sorcerer ou French Connection. D’ailleurs ce n’était que la deuxième fois que je le voyais, ce n’est pas un hasard. Malgré tout, To live and die in L.A. reste un polar ahurissant, nerveux, poussiéreux dans la lignée de French Connection. Un truc que personne n’a réussi à faire sinon Friedkin, un truc qu’on pourra toujours (mal) imiter mais jamais égaler. Un truc qui s’en va de façon très bizarre. C’est à la fois terrible et anodin. Mais le film est toujours sur cette corde raide, partagé entre une violence sèche et une ambiance cool, à l’image de ce schéma initial convenu très vite dynamité par la construction, la mise en scène et les choix scénaristiques ; à l’image de cette bande sonore endiablée, ancrée 80′s qui offre un style un peu désuet au film sans lui enlever de sa force.

     Même la fin, qui sur le papier n’est autre que la fin logique, prend un autre sens. C’est l’anti-glamour façon Friedkin. Le flic, assommé, devrait périr dans les flammes mais finit par liquider le faussaire en lui vidant son chargeur dessus. Un chargeur dans lequel il doit y avoir deux, trois balles tout au plus. On nous enlève même la jouissance finale de la destruction. Et surtout, la violence de la toute fin annihile cette fin adéquate, glauque, où l’on ne parle plus des morts, ils ont disparus, un autre relais se lance, relais éternel de manigances des vivants au détriment de ceux qui sont tombés. Tout est absurde. Tout est à l’image de cette course-poursuite incroyable aux trois-quarts (sommet du film et sommet du cinéma d’action tout court) où des flics poursuivent/sont poursuivis par des flics, sans le savoir.

Gummo – Harmony Korine – 1999

15. Gummo - Harmony Korine - 1999Cats breakers.

   3.0   Outre le fait que le film soit un défilé de chats maltraités, torturés, éventrés et que je ne suis pas certain que ce ne soit pas fait avec des vrais, ce qui relèverait d’une dégueulasserie sans nom (mais on va dire que je laisse le bénéfice du doute) Gummo est surtout un film complètement ingrat et trop fier d’ériger son ingratitude dans chaque plan. Bref il y règne, du début à la fin, une complaisance embarrassante dans le glauque, le putride, le white trash, la volonté de choquer le bourgeois, qui le rend infiniment grossier. Par exemple, s’il faut montrer des gosses qui s’insultent, ils hurleront jusqu’à la nausée. Si l’on doit montrer des adultes faire des bras de fer, se taper ou détruire des chaises, autant montrer cela de façon bien crue, façon caméra reportage, comme si on assistait à un épisode de Jackass. Gummo fait office de catalogue freaks morbide où le seul personnage qu’on retient ère torse nu avec des oreilles de lapin sur la tête avant de faire pipi sur les voitures du haut d’un pont autoroutier et de ramasser les chats morts. En 1997, c’était peut-être puissant, aujourd’hui c’est carrément dépassé, sans parler de ce montage volontiers épileptique, de l’hommage confus à la ville de Xenia frappée par les tornades du Super Outbreak, ni de cette esthétique multiple oscillant entre reportage et film de famille. Alors qu’à contrario, Kids, de Larry Clark (mais écrit par Korine) n’a pas vieilli d’un iota. J’ai pas du tout retrouvé le Korine de Spring breakers, mais alors pas du tout.

Versailles rive gauche – Bruno Podalydès – 1992

20. Versailles rive gauche - Bruno Podalydès - 1992Les petits plats dans les grands.

   8.0   Sur le simple récit d’un rendez-vous galant qui tourne au fiasco, Bruno Podalydès brode quarante-cinq minutes de fantaisie pure, dans un appartement minuscule qui verra se croiser une douzaine de personnages extravagants, transformant le petit comité espéré en contre-soirée festive pour ces invités pas vraiment invités, à moins qu’il ne reste que le calvaire (qui pour nous s’avère irrésistible) pour Arnaud (Génial Denis Podalydès en amoureux angoissé) qui ne maitrise pas mieux les aller et venu qu’il ne gérait l’organisation de son rencard.  

     D’emblée, en effet, mais sur un mode encore mineur, la soirée s’annonce plus mouvementée que romantique. Claire débarque à la gare Versailles Rive gauche mais a vite un mal fou à trouver la rue Carnot où se tient son invitation. Arnaud l’attend dans son appartement, se brosse les dents, met un peu de musique classique, enfourne une moussaka surgelée dans le four et file aux toilettes. Moment qu’à choisi Claire pour se pointer sur son sinistre et sombre pallier, abandonné par l’électricité. La voici donc qui frappe tandis que lui n’ose plus bouger de la lunette. Les cloisons sont fines, c’est comme si elle frappait à la porte de ses chiottes : Arnaud évite donc le moindre déroulé de papier toilette ou de chasse d’eau.

     C’est le début d’un enchainement de péripéties/imbroglios dont la drôlerie des gestes et grimaces savoureuses de Denis Podalydès n’a d’égal que la mise en scène de son frère, déployée dans cet endroit exigu qui nous est bientôt familier, avec son enchâssement de pièces et couloirs infiniment petits. A la rescousse pour un simple détail de chasse d’eau non tirée, frères, voisins, amis des frères, copines des amis débarquent comme si ce studio de playmobil était devenu the place to be le temps d’un soir. Le film ira jusqu’au bout. Du bonheur en barres. Quant à Isabelle Candelier, difficile de ne pas en tomber amoureux, là-dedans. C’est d’ailleurs plus ou moins ce qui se passe avec les frangins d’Arnaud : Ils caressent l’idée de lui chourer. Potentiel lauréat au titre de film médicament.

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silencio


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