La maison c’est le monde.
8.5 Ça fait partie de ces films qu’il m’est difficile de dissocier de mon souvenir d’enfance. A l’instar de Chérie j’ai rétréci les gosses, le film de Chris Colombus est une vraie madeleine, vue, revue, à noël et tout le restant de l’année, avec le frangin, le cousin, le voisin. Il m’arrive aujourd’hui encore de lui emprunter quelques répliques pour mon langage courant, comme :
« Jamais j’accepterais que tu dormes dans mon pieu, même si tu me léchais les pieds »
« Si ça peut te consoler, moi j’ai oublié mes lunettes »
« Ces filles sont toutes à poil, c’est écœurant »
« Hé les gars, vous abandonnez ou vous en r’voulez encore ? »
« Je vais lui péter la figure avec un fer »
« Tu vas avoir l’droit à dix p’tites secondes… »
Voire de fredonner « I’m dreaming of a white christmas », dans ma salle de bain.
Bref.
J’imagine que son effet disparaît dès l’instant qu’on le découvre après l’âge de huit ans, après l’âge de Kevin / Macauley Culkin dans le film. C’est en tout cas en voyant les réactions de mon fils que ça m’a rappelé combien j’adorais l’instant des pièges – dans mon souvenir ça prenait la moitié du film : dix minutes, tout au plus, en fait. Je jubilais autant que j’ai vu mon fils jubiler. Dès le déploiement du plan d’attaque jusqu’à l’arrestation des casseurs flotteurs. De les voir glisser dans les marches de la cave / sur le pas de la porte d’entrée, de les voir se faire brûler le crâne au chalumeau, se prendre des pots de peinture, coups de pelle ou fer à repasser dans la tronche et j’en passe.
Si ça l’est toujours, jubilatoire (équilibre parfait entre le côté « ridicule mais pas trop » des méchants, l’inventivité des pièges, l’efficacité du montage) il me semble que le film brille encore davantage ailleurs. Son dessein premier c’est d’être le parfait film pour les fêtes, donc de se focaliser à la fois sur la retrouvaille familiale et sur l’anéantissement de la peur, qu’il ambitionne de briser à tout prix. Symbolisée par l’abandon, bien entendu (puisque Kevin est oublié par sa famille lors de leur voyage en France pour les fêtes) mais aussi par l’intrusion, le monstre du village, le fait d’être le bouc émissaire familial, voire Paris, les mygales, mais aussi une peur qui pointe tardivement de façon absolument inattendue et déchirante : celle de la solitude. Jusque dans ce bus de musiciens, eux aussi loin de leurs familles.
Car si Kevin est d’abord ravi d’avoir « fait disparaître » toute sa famille, son souhait sera bientôt de les retrouver, au point de demander au père noël de les faire revenir plutôt que de lui offrir des cadeaux et aussi bien son (horrible) frère Buzz que ce satané oncle Franck, c’est dire. Sa retrouvaille finale avec sa maman, dans un double jeu de regards qui dit « je t’en veux » puis « je t’aime » m’a toujours fait verser une larme. Et encore davantage aujourd’hui, cela va de soi.
Mais ce n’est pas là-dessus que j’ai vacillé, cette fois. Ma scène préférée ce n’est plus celle des pièges, mais celle de l’Eglise, au moment de la messe de noël, quand Kevin y croise le vieux monsieur à la pelle, celui dont la légende que conte son frère au début a fait tueur d’enfants, et qu’il se rend compte de sa gentillesse et de sa tristesse : L’homme est là pour voir sa petite fille chanter car il ne passera pas les fêtes à ses côtés, étant donné qu’il est brouillé avec son fils depuis longtemps et qu’il n’a jamais osé lui reparler. Qu’un simple « film de noël » raconte quelque chose d’aussi beau et terrible (dans une scène de dialogue assez imposante, qui plus est) au milieu d’une comédie d’aventures pour enfants relève d’une belle idée d’écriture, au même titre que les efforts déployés d’entrée pour rendre crédible cet oubli improbable.
J’aime aussi beaucoup le simple fait que tout ou presque se déroule dans une maison tant c’est raccord avec la représentation de la grande aventure quand on est gamin, un peu comme dans Jumanji ou Chérie j’ai rétréci les gosses (le jardin) ou L’histoire sans fin (le grenier d’une école) : Tout se joue là, sous nos pieds, entre les murs, l’espace restreint apparaissant infiniment grand.
Enfin bref, le regard entre Kevin et ce vieil homme, à la toute fin, le matin de noël est le plus bel aboutissement que le film avait à offrir : tous deux ont vaincu leur grande peur et tous deux ont retrouvé leur famille.
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