Publié 24 janvier 2019
dans Samuel Jouy
Poing par poing.
6.5 Beau film sur la boxe. Et sur la lose. On n’évite évidemment pas les défauts inhérents à ce type de film, avec cette musique (du sous Fever Ray) un poil démonstrative, cette photo un peu trop grise, ces nombreux plans-séquences sur le dos du personnage. Et pourtant le film est très réussi, souvent très touchant. Ça ferait un beau complément de programme à The wrestler tant ils se font écho : Chronique de boxeur/catcheur vieillissant, leur portrait d’éternel perdant et leur délicate relation avec leur fille. Ce lien est bien entendu le point névralgique du film de Samuel Jouy, qui prend on le voit, beaucoup de plaisir à filmer la boxe (et à leur faire très bien) mais surtout à filmer la proximité entre un père et sa fille, et tout ce que ça nourrit d’états d’âmes, fierté, déception, etc. Sparring raconte bien la difficulté de transmettre de soi, de sa passion et de la passion en générale (la petite fait du piano et son père l’y pousse autant qu’il peut, puisque ça reste une passion hors de prix) quand on est un tel perdant, sans cesse humilié : Le film se ferme d’ailleurs (sur une note assez joyeuse) en saluant les grands losers de l’histoire de la boxe, ceux qui ont perdu quatre fois plus de combat qu’il n’en ont remporté au cours de leur carrière. Et puis au-delà de ça le film est plutôt tendre avec tous ses personnages, même les plus ingrats, en ne faisant pas d’eux de méchant freins à notre personnage et son récit : Ainsi le boxeur star (pour qui Kasso devient le sparring, parce que ça rapporte) est plutôt un opportuniste (il aime le spectacle) mais sait pertinemment que son statut ne va durer qu’un temps ; ainsi cette femme s’érige souvent contre son mari, mais davantage pour le sauver (ne pas finir sa carrière de boxeur en finissant comme sac de frappe) que pour le castrer. Et puis il y a Yves Alfonso (quel plaisir de le revoir) qui revient vers la fin dans un rôle assez proche de celui de Gabin dans L’air de Paris. On sent que le gout de la vie, des gants lui a passé, qu’il lui faudra ce petit miracle (du dernier baroud victorieux d’un de ses protégés) pour retrouver un franc sourire. Il y a de bien belles choses dans ce tout petit film.
Publié 24 janvier 2019
dans Antony Cordier
Peau d’ours cœur de pierre.
6.0 Huit ans après l’audacieux mais pas toujours très inspiré Happy few, Antony Cordier revient avec un récit aux contours plus classiques à savoir une histoire de famille via un retour au bercail masqué sous la screwball comedy : Le fils préféré (Felix Moati, toujours très bien) s’accompagne d’une fausse petite amie (Laetita Dosch, géniale comme d’habitude) rencontrée par hasard dans le train qui le ramenait aux sources, en vue d’assister au mariage de son père. La grande réussite du film à mes yeux, outre cette belle réunion de frères et sœurs (On ne va pas échapper à la séquence dansante, malheureusement, assez ratée par ailleurs – On voit beaucoup plus la fabrication que la spontanéité) c’est de constamment déjouer le protocole. Ainsi le mariage est un remariage, déjà. Et on apprend bientôt qu’il est annulé. Avant qu’il ne soit remplacé in extremis par un autre, sans que ce soit celui que le papier promettait. Et tout est comme ça, un peu déréglée. D’ailleurs l’originalité c’est le cadre dans lequel se déroule le film puisque cette famille gère un zoo. Donc tout se déroule dans un zoo. On apprend aussi que la maman n’est plus. Schéma traditionnel, ça. Pas vraiment, elle s’est faite tuer par un tigre il y a longtemps. Le drame est subtil, la comédie plus absurde, c’est plutôt chouette. Et cette mécanique comique fonctionne, en partie grâce aux acteurs, tous parfaits. Et sa douce folie aussi. C’est dans son versant poétique que le film s’avère plus maladroit, formellement très calibré feel good comedy d’un festival Sundance d’il y a dix ans et dans une quête d’effets franchement ingrats (intermèdes musicaux, notamment) qui m’évoque à s’y méprendre la (chouette) série Transparent, elle aussi centrée sur une famille excentrique et dysfonctionnelle, avec ces frangin(e)s tous un peu losers chacun de leur côté, réunis autour des atermoiements de leur paternel. Et comme Transparent ça me touche parfois beaucoup. D’autant qu’ici j’ai l’impression qu’on tente de me dire qu’il faut briser le semblant de cohésion familiale (quelque part cette séquence dansante ratée ne raconte t-elle pas quelque chose de cet ordre ?) pour que chacun puisse enfin s’émanciper. C’est un peu l’opposé d’une fin de comédie familiale en gros, l’inverse d’un Little miss sunshine : Il faut accepter de casser cette cellule destructrice pour enfin exister et tomber amoureux de quelqu’un d’autre que ses frères et sœurs. Y avait peut-être pas besoin de la coiffer d’une peau d’ours mais Chrysta Theret est aussi étonnante que son personnage est bouleversant. Il y a une autre qualité dans le film qui me saute aux yeux seulement maintenant, et pas des moindres : C’est l’équilibre flagrant entre ses personnages féminins et masculins. Il y a un superbe 3×3 dans lequel chacun a un vrai rôle à défendre, une folie propre à s’accaparer. C’est assez rare ce type d’équilibre. Dans mes souvenirs ça échouait un peu dans Happy few. Bref c’est un beau film, pas sans défauts, mais avec des biens belles qualités.