Publié 8 janvier 2019
dans Steven Spielberg
Cinquante nuances de gris.
5.0 Cette année aura été parfaitement représentative de la schizophrénie cinématographique de Spielberg puisqu’il aura offert deux films : Une récréation geek et un cours d’histoire. Ils sont tous deux évidemment bien plus que cela, mais c’est étonnant de voir à quel point ils s’opposent, dans le traitement, la portée, le public visé. The Post est donc resté plus confidentiel, davantage destiné au circuit critique on va dire, jouant la carte de la reconstitution, celle des années 70 en s’attaquant au récit des Pentagon papers, scandale qui aura tout juste précédé celui du Watergate.
C’était pas Lincoln et ses ambiances amorphes de bougies dans la pénombre mais les bureaux grisâtres de The post sont à peine plus passionnants. Avec Le pont des espions, Spielberg m’avait impressionné, là il me déçoit à nouveau. En fait, Pentagon papers rate tout ce que réussissait Spotlight (Pour ne pas citer encore Les hommes du président) à mes yeux : A trop vouloir saluer cette mission quasi suicide pour la liberté de la presse contre Nixon et admirer cette imposante figure féminine dans ce monde éminemment masculin, il en oublie de créer de beaux personnages, qui feraient oublier un emballage formel un peu chiant.
C’est un film très précis, consciencieux, mais c’est aussi un film qui manque de chair, de passion, d’émotion tout simplement. Tout est déceptif là-dedans, de bout en bout. On regarde ça comme on lit une riche brève politique, bien écrite. C’est intéressant, mais pas suffisamment passionnant pour ne pas avoir envie de jeter un œil sur la rubrique sportive d’à côté. Et c’est d’autant plus beau que Spielberg nous l’offre, cette rubrique détente. Avec ses défauts, Ready player one n’aura emmené beaucoup plus loin. Bref, c’est encore la récréation qui l’emporte, pour moi. Spielberg professeur m’aura souvent embarrassé, mais ça reste un maestro du divertissement absolu.
Publié 7 janvier 2019
dans Erick Zonca
Les rivières grasses.
3.5 Je ne sais pas. Je suis partagé. D’un côté je trouve ça complètement raté, grotesque, presque pitoyable même. Et d’un autre côté, j’ai l’impression que le film est intéressant pour ça, noir, mais plus drôle que noir ; sur joué, mais plus joué bizarrement, que sur joué. Duris est pas si mal car son registre est plus large, plus libre. Cassel est épouvantable, mais comme s’il cherchait ouvertement à l’être. C’est très bizarre. Je pense pas qu’il m’en restera grand chose, d’ailleurs il m’en reste déjà plus rien, mais je suis sorti de là avec une impression de film très bizarre, ce qui est toujours mieux que d’y rester complètement indifférent.
Publié 7 janvier 2019
dans Alexander Payne
Downrising.
3.0 La prochaine fois que Payne veut nous concocter un autre film neuneu de la sorte, pas la peine de prendre une aussi excitante situation de départ dans laquelle je fonce, bêtement – Pas si bêtement cela dit, puisque je n’ai pas vu ça en salle. Dingue de ne rien faire d’un matériau si riche qui regorge de possibilités, de récits, de genres – Jack Arnold et Joe Johnston peuvent dormir sur leurs deux oreilles. Alors pour combler ici, ça y va du message humanitaire, écologique, anti-Trump mais c’est aussi subtil que du Michael Moore. Aussi subtil que le jeu de Christopher Waltz qui cabotine encore plus que d’habitude. Si, c’est possible. Autrement on peut d’ores et déjà dire qu’au top des affiches les plus insupportables, celle de Downsizing serait bien classé sur l’échelle de celle d’En liberté ! Matt Damon faisant 12cm accompagné de superlatifs/calembours bon enfant du style « Une réussite de taille » ou « Laissez-vous réduire » purée. C’est honteux. La première demi-heure est pas trop mal ceci étant, il y a des promesses, mais déjà, la scène de la séparation est très mal fichue. Puis ça devient vite nul. Et ça dure 2h15. Vu trois films d’Alexander Payne à ce jour, trois guimauves. J’arrête les frais.
Publié 6 janvier 2019
dans Fred Cavayé
Dîner entre cons.
2.5 Deuxième fois cette année, après la daube d’Axelle Lafont, qu’un personnage demande ce que signifie le mot MILF. En 2018. Bref, comme prévu dans ce qui semble être le remake d’un film populaire italien, il y a zero mise en scène là-dedans. Je ne comprends décidément pas ce qui motive Cavayé – qui avait honorablement commencé avec Pour elle ou A bout portant – à œuvrer dans la danyboonerie (Radin !) ou cette comédie franchouillarde dans la lignée du Prénom ou du Code a changé. Le dîner de cons aurait mieux fait d’être le dernier de cette vague de films ultra théâtraux. Qu’importe, ce n’est même pas une question de mise en scène, de huis clos ou de pièce de théâtre, c’est tout simplement qu’on ne croit jamais à la possibilité que cette bande d’amis soit une bande d’amis. Dès lors, plus grand-chose ne fonctionne. Ce n’est pas drôle quand ça voudrait l’être et ce n’est surtout pas émouvant dans ses instants plus « dramatiques ».
Publié 5 janvier 2019
dans Gary Ross
Les filles pas vraiment sauvages.
4.0 Quelle paresse ! Ça se regarde sans mal, évidemment, c’est même un honnête programme du dimanche soir, mais ça manque tellement de personnalité, se contentant de surfer sur la vague des films de la trilogie Ocean (efficaces quoique déjà relativement anecdotiques, à mon humble avis) de Steven Soderbergh, en l’imitant correctement, ni plus, ni moins. Plus gênant : Le film semble revendiquer son statut féministe, au détour de son casting, de son effet d’annonce en mode « attention, spin-off féminin » mais aussi de quelques répliques, pourtant il ne cesse d’avouer, sans vraiment le dire donc, que les garçons manquent, sacralisant comme il se doit Danny Ocean aka George Clooney, frère de la nouvelle chef de groupe, mais aussi enterré, sans qu’on sache s’il l’est vraiment – Petit suspense vain, je tiens à le dire. Et finalement on se dit que c’est sans doute parce que cet opus « pas pareil, seulement sur le papier » est réalisé par un homme – Et un mini tâcheron, puisqu’il a fait cette daube d’Hunger games et l’insipide Free state of Jones. Même pour Wonder woman, Hollywood avait eu le mérite de coller une femme aux commandes du bousin, quoi. C’est toujours sympa, malgré tout, de voir autant d’actrices dans un même film et relativement amusant de jouer à repérer la pelleté de caméos. Mais bon, pas de quoi se relever la nuit.
Publié 4 janvier 2019
dans Mahamat-Saleh Haroun
Un homme qui souffre.
5.0 Il y a de bonnes intentions (Raconter la vie en France d’un père et ses deux enfants ayant fui la république centrafricaine en pleine guerre civile) dans ce nouveau film du réalisateur tchadien, le premier qu’il tourne en France, mais tout sonne faux car on ne voit que la fabrication, les coutures, les intentions, jamais l’incarnation. Même quand le personnage est énervé (car il n’a pas obtenu son droit d’asile, donc reste sans papiers) et qu’il tape dans une poubelle et balance des pastèques par terre (Il bosse sur les marchés) ça sonne faux. C’est un détail mais c’est à l’image du film entier : Haroun n’est décidemment pas le cinéaste de la subtilité – Souvenir d’un calvaire devant Un homme qui crie. On a donc droit à une perte d’emploi, une immolation à la cour nationale du droit d’asile, une expulsion d’appartement, une traque policière, une scène au carré des indigents, des hommes qui n’arrivent plus à bander. C’est un programme certes réaliste, mais un peu lourd sur 1h30. Et tout est lourd, jusqu’à cette musique illustrative, jusqu’à la voix off du fils d’Abbas. Et ça me gêne de le dire, car une fois encore les intentions sont louables, mais les enfants sont mauvais, c’est terrible. Néanmoins, quand on finit par s’y faire et accepter qu’il est une chronique un peu terne (avec sa photographie sans relief, son récit programmatique et didactique, mais sujet de société : ce sentiment de rejet éprouvé par les migrants) on s’y attache, sans doute car le film parfois, prend le temps d’étirer ses plans, tente de débusquer une émotion, une fragilité, plutôt que de nous asséner un discours, c’est toujours ça de pris. Autrement la fin est assez réussie et l’on sent qu’Haroun a voulu y aller de son clin d’œil à Sans toit ni loi, de Varda, en suivant Sandrine Bonnaire déambulant sur cet immense terrain vague que sont les dunes de la « jungle de Calais » jusqu’au regard caméra qui nous prend à témoin. Classique mais efficace.
Publié 3 janvier 2019
dans Damien Manivel et Kohei Igarashi
Le blanc sommeil.
6.0 Alors déjà, il faut aimer la neige et les marmots, sinon c’est assez insignifiant. C’est dans le dossier de presse en même temps : Damien Manivel tenait à filmer la neige, Kohei Igarashi voulait filmer un enfant. Aussi mignon soit le gamin, ce n’est pas Antoine Doinel, ni l’enfant de Rentrée des classes, ni les gamins de L’île au trésor, ni ceux de Nobody knows, il manque un peu de folie et d’aspérité, on sent que les auteurs n’ont pas voulu trop lui en demander / ne lui ont laissé aucune liberté de mouvement. Restent cette idée de film sans parole, se mariant idéalement avec le minimalisme de l’ensemble, de jolis plans, de jolies scènes : J’ai eu très envie d’aller marcher dans la poudreuse avec Takara, le long de la rivière ou des chemins de fer, balancer des boules de neige sur un miroir routier, grimper les sentiers et surplomber la ville et ses toits blancs. Si ça manque clairement de souffle, il faut parfois savoir apprécier quand le cinéma offre à écouter un village enneigé du Japon, le craquement de la neige sous une chaussure, le frottement des pattes d’un chien sur le plancher, les doux ronflements d’un enfant endormi.