Publié 15 février 2019
dans Hong Sang-Soo
Fraicheur et solitudes.
6.5 En sortant de Grass, je repensais beaucoup à Oki’s movie, un autre film d’Hong Sangsoo qui m’a peu marqué lorsque j’en ai fait sa découverte en salle, il y a de cela sept ans, mais auquel je repense régulièrement. C’est l’un de ceux (sur ces dix dernières années) auxquels je repense beaucoup, oui. La trame et le récit se sont grandement évaporés dans mon esprit mais j’en garde des images, des ambiances, des sensations. J’ai le souvenir d’une méditation existentielle en mouvement, en plusieurs actes, avec plusieurs personnages, ainsi que d’un film sur les acteurs, puisque chacun jouait différents rôles, en fonction du chapitre, d’une nouvelle histoire, à moins qu’ils ne s’agissent de films dans le film. J’ai le souvenir d’un film énigmatique, où l’on se déplace énormément. J’ai le souvenir qu’il y faisait très froid, dans ce parc ( ?), sur ces chemins, que chaque personnage déambulait en anorak. De mémoire c’est la première fois que je voyais vraiment l’inspiration rohmérienne – Peut-être est-ce cela qui m’avait préalablement gêné, par ailleurs ? – dans le cinéma de Hong Sangsoo, que je ressentais la cohérence de cet aspect fort des courts réunis pour un long, comme on a pu le voir dans Les rendez-vous de Paris ou Quatre aventures de Reinette et Mirabelle, par exemple. J’aimerais beaucoup, beaucoup le revoir, je me rends compte.
Publié 15 février 2019
dans Hong Sang-Soo
Terne petit café au bout de l’allée.
5.0 Déception. Pas loin de penser que c’est le moins bon film de Hong Sangsoo depuis Les femmes de mes amis, sinon plus longtemps encore. Sorte de petit truc hyper fabriqué, hyper théorique, qui ne s’incarne jamais autrement que dans le plaisir de retrouver la patte du cinéaste dans un ensemble étriqué, rabougri, aussi terne que ces herbes dans les pots de fleurs, devant les cafés, dans lesquels on vient jeter ses mégots. J’aime le caractère spontané dans les films d’HSS, aussi bien les personnages que le film lui-même. Là je ne vois que son élaboration. J’ai l’impression de voir un documentaire sur la fabrication d’un film d’Hong Sangsoo, qui plus est au travers de ce personnage féminin, qui écoute les conversations de ses voisins de café et semble réécrire sur son ordinateur ce qu’elle entend. Alors en effet, c’est le quinzième Hong Sangsoo que je voie et si ça fonctionne par instants (comme une petite musique qui fonctionne, en somme) c’est en grande partie pour les échos à son œuvre entière. Il y a cette thématique nouvelle du suicide qui parcourt tout le film mais qui me semble traitée maladroitement et/ou survolée plus qu’autre chose. Et il y a des instants superflus voire carrément lourds à l’image de ce plan qui voit une femme monter et descendre un escalier et répéter le mouvement sans s’arrêter avec comme seule modification son visage, d’abord fermé qui progressivement s’illumine. Aucun intérêt. J’aime beaucoup tous les derniers films de l’auteur sud-coréen, enfin ceux que j’ai vu (Hill of freedom, Un jour avec un jour sans, Haewon et les hommes) il tourne tellement… Mais là ça ne fonctionne plus à mon goût, il a brisé quelque chose, un peu comme Rohmer quand il fait Perceval le gallois, je ne sais pas, j’ai du mal à mettre le doigt dessus, peut-être un manque d’enjeux général, à l’image de cette femme qui semble écrire sans finalité, à l’image de la neutralité de ce noir et blanc, la simplicité de son dispositif, qu’importe, ça m’a beaucoup ennuyé ça c’est sûr.
Publié 15 février 2019
dans Guillaume Senez
Poison violent.
5.0 Dans nos veines contient le germe de Keeper puisque deux adolescents font aussi face à une grossesse à propos de laquelle on ne saura pas grand-chose sinon qu’elle arrive à son terme et semble elle aussi sacrifiée d’avance, malgré une fin nettement plus ouverte que celle de Keeper. Dans nos veines contient surtout quelque chose qu’on ne verra plus, tout du moins à ce jour, dans le cinéma de Guillaume Senez, à savoir les violences d’un père. Le film est très sec sur ce point, très malaisant et ferait presque un beau prélude « avant la fugue » aux films de Xavier Legrand (Avant que de tout perdre, Jusqu’à la garde) si la mère ne s’effaçait pas silencieusement derrière son monstre de mari. François Civil qui campe cet ado battu, sur le point d’être papa à son tour, est génial. Mais le film est âpre, sans doute trop âpre et pas suffisamment à fleur de peau pour retranscrire les retombées de ces violences, auxquelles il choisit l’ellipse de leur calme contrepoint. Il faut vraiment attendre le dernier plan pour voir émerger une douceur inespérée, quand la petite amie (devenue mère) retrouve sa place dans l’écran, après l’avoir quitté dès le tout premier. C’est quoi qu’il en soit très prometteur comme court métrage, on peut dorénavant même dire, puisque Senez a fait deux très beaux longs métrages depuis, que cet embryon de talent résidait par petites touches dans U.H.T. et Dans nos veines.
Publié 15 février 2019
dans Guillaume Senez
La révolte silencieuse.
6.0 Ça pourrait n’être qu’un film sur la crise du lait, comme Nos batailles pourrait aussi n’être qu’un film sur la charge mentale, mais Guillaume Senez est trop attaché à la fiction. Et donc U.H.T. raconte en dix-huit petites minutes l’impact de cette crise, mais aussi d’une passion – Et en ce sens il n’est pas difficile de déplacer les curseurs au métier de cinéaste, donc de faire de ce fermier un alter égo du cinéaste – sur l’environnement familial. Cette passion, Senez la filme de façon cérémoniale, tout en lui ajoutant une dimension crépusculaire d’entrée de jeu, puisque la première image du film montre du lait répandu dans un champ. Et c’est sans doute ce qui me plait tant ici (Et qui sera confirmé dans Nos batailles) cet accablement n’est pas exempt de lumière : alors que le couple semble s’éloigner l’un de l’autre pendant tout le film (jusqu’à culminer dans la scène centrale du repas au resto brisé par la mise bas d’une génisse) la fin les réunit miraculeusement dans un geste commun, le geste de la révolution. C’est très beau. Et ce d’autant plus qu’on s’attend à tout sauf à ça. Le film est par ailleurs très sobre tout le temps, par exemple il n’évoque jamais ouvertement cette production à moindre coût, il ne racole pas mais on comprend tout. Quant à l’interprétation elle est exemplaire pour un « court » : Guillaume Senez affirmait déjà son talent de directeur d’acteurs. Même le bébé est bon, c’est dire.
De la difficulté à transmettre la magie.
4.5 L’esprit Kamelott du précédent, Le domaine des dieux, m’avait gonflé, j’avais trouvé ça hystérique et pas drôle pour un sou. On est ici dans la continuité, mais en mieux, moins foutraque, moins désagréable, toujours aussi peu drôle, mais peut-être plus attachant et dans l’air du temps, ne serait-ce que dans le choix du « jeune druide talentueux » auquel Panoramix finira par transmettre le secret de la potion magique. Même si, évidemment, on a tout deviné en cinq minutes, cet opus gagne peut-être à ne pas être une adaptation d’un chapitre existant de Goscinny ou Uderzo, à davantage se concentrer sur les irréductibles gaulois que sur les grossiers romains. Dommage que le méchant soit si nase, en revanche. Dommage aussi pour le final en clin d’œil grotesque à Goldorak, lorsque les légionnaires romains sont transformés en monstre géant pour combattre le géant Sulfurix. Et dommage que ça manque à ce point de rythme, d’idée, de passion. C’était une séance dominicale avec mon fiston, tout ce qu’il y a de plus agréable, mais pas sûr qu’on en garde un souvenir impérissable.