Mademoiselle de Joncquières – Emmanuel Mouret – 2018

23. Mademoiselle de Joncquières - Emmanuel Mouret - 2018Déliaison dangereuse.

   5.5   L’une des choses les plus stimulantes dans le dernier film d’Emmanuel Mouret c’est le caractère ludique et d’abord décalé qu’il entretient avec son titre. Il faut du temps pour que ce titre s’incarne, que cette demoiselle en question entre dans le récit. Mais elle ne tombe pas comme un cheveu sur la soupe non plus, elle apparait dans un dialogue au tout début du film, un récit raconté par Mademoiselle de La Pommeraye (Cécile de France) à Lucienne (Laura Calamy) son amie. On se dit que ce personnage pourrait ne rester qu’une simple figure tutélaire, métaphorique mais Mouret fera finalement d’elle un vecteur actif, comme l’était Agnès dans Les dames du bois de Boulogne, de Bresson, qui s’inspire aussi d’un épisode de Jacques Le Fataliste, de Diderot.

     Il faut pourtant attendre la moitié du film pour voir entrer Alice Isaaz mais dès qu’elle y entre ça change tout, le film s’en trouve redynamiser voire trouve sa raison d’exister. Il semble enfin trouver son vrai centre de gravité, sa douce cruauté, sa tendre mélancolie. Auparavant ce jeu de marivaudage s’étend pour rien, ennui plus qu’autre chose. Certes, Mouret a l’audace de lancer son récit bien plus en amont que ne le faisait Bresson, qui lui démarrait au moment de la séparation entre Hélène et Jean, mais ce petit jeu des attirances, de conquête et domination, entre La Pommeraye et le marquis des Arcis (Edouard Baer) plombe le film d’entrée, à mon avis, par sa longueur. Une bonne demie heure avant que le récit subisse une imposante ellipse, qui masque leur éloignement puis par la fomentation de la petite vengeance délicate et obstinée de La Pommeraye.

     C’est probablement ce qui me dérange dans cette première partie, ces deux personnages sont pour moi tout à fait détestables, l’un dans son libertinage revendiqué, l’autre dans sa vengeance amoureuse maladive, je n’ai que faire de leurs tourments de cœur uniquement guidés pour servir leurs petites instances égotistes. Et puis c’est un détail important, j’ai du mal avec ces deux acteurs. Et aussi bien quand ils font ce qu’ils savent faire que lorsqu’ils insèrent un petit décalage dans leur jeu, soit tout ce qui se déroule ici, d’abord dans leurs badinages, ensuite dans ce jeu de manipulation qui convoque les strates du thriller. Je comprends que l’on puisse adorer ça, moi ça me tient terriblement à distance, je ne vois que la fabrication, la complicité entre Cécile de France et Edouard Baer et non celle entre La Pommeraye et le marquis des Arcis.

     Or c’est justement quand le film se rapproche des promesses de son titre, quand il oriente le récit autour de Mademoiselle de Joncquières, qu’il s’avère assez beau, qu’il retrouve les couleurs des grandes réussites de Mouret. Le dernier quart est très beau, je trouve. Il faut par ailleurs noter que c’est un superbe film du seul point de vue de la mise en scène, aussi bien en intérieur qu’en extérieur, il y a une douceur et une alchimie d’un plan à l’autre, incroyable de voir Mouret aussi à l’aise avec cet univers nouveau de film en costumes, lui qui nous avait habitué à des décors plus contemporains. Ravi surtout de le voir retrouver une certaine grâce, après son excursion ratée dans le mélodrame (Une autre vie, avec Joey Starr) même s’il avait depuis retrouvé de jolies couleurs avec Caprice. Mais ça reste une réussite partielle à mes yeux, j’attends davantage du réalisateur de L’art d’aimer, d’Un baiser s’il vous plait.

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