Dissuasion en profondeur.
6.5 On pourrait s’amuser à lister les défauts du film, il y en a beaucoup. Mais ce qu’on a en priorité envie de retenir, c’est l’audace de la tentative, la démesure de son ambition, rare et précieuse, d’abord d’être un vrai film populaire (avec le casting et les rebondissements escomptés) mais aussi un curieux mélange de film de guerre et de film de sous-marin.
Il n’existe pas tant de films de sous-marins, en fait. Au débotté on pense à McTiernan avec A la poursuite d’Octobre rouge, à USS Alabama de Tony Scott, à U571 de Jonathan Mostow, à K19 de Kathryn Bigelow, mais aussi au plus récent Kursk, de Thomas Vinterberg. Mais il y a surtout le plus grand, le plus beau, le plus fou : Das boot, de Wolfgang Petersen. Et à titre personnel puisque j’ai grandi avec la saga James Bond et ai toujours eu un faible pour L’espion qui m’aimait, la séquence explosive avec le sous-marin avalé par le pétrolier est restée de facture excellente, dans son genre.
La particularité de cette liste, c’est qu’on cherche encore les films français. Et c’est la particularité de ce Chant du loup, c’est un film français. Plus excitant, y a pas. Plus flippant, sur le papier, y a pas non plus. D’autant qu’il est réalisé par un type dont c’est le premier long métrage. Un type inconnu dans le cinéma mais que l’on connait pour avoir écrit le scénario de la bande dessinée Quai d’Orsay (adaptée au cinéma par Bertrand Tavernier) mais aussi en tant que diplomate puisqu’il a jadis été le conseiller de Dominique de Villepin. A priori, pas de quoi se réjouir de le voir aux manettes de ce projet fou. Et pourtant.
Le chant du loup est un film absolument réjouissant, qui ne cherche pourtant pas à singer les américains. On reste dans une mécanique très française, entre Rochant et Boukhrief, pour le dire grossièrement, ou s’il avait été conçu jadis, entre Corneau et Tavernier, pour le dire encore plus grossièrement. J’aime l’idée qu’on nous lâche là-dedans, sans round d’observation, sans repères, qu’on se prenne du jargon imbitable, un peu comme dans le vaisseau du Sunshine de Boyle ou dans la tour des traders de Margin Call. Ça crée une atmosphère, une musicalité, ça accentue l’immersion, bref on y croit. C’est donc d’autant plus déroutant de se retrouver parfois avec des punchlines trop percutantes, qui font moins penser à celles, mieux écrites et disséminées du Bureau des légendes qu’à celles des films d’Olivier Marchal. C’est pas hyper problématique, mais ça gêne, on va dire.
Malgré tout, le film est rempli d’éclats, mais aussi d’une volonté d’embrasser grand puisque c’est un film sur la dissuasion nucléaire, avec des scènes de sous-marins tournées avec des vrais sous-marins, avec des intérieurs recréés à échelle 1, un mixage sonore confié au Skywalker Ranch de Lucas, un montage assuré par Saar Klein à qui l’on doit, entre autre, ceux de La ligne rouge ou La mémoire dans la peau, un casting imposant, bref un bugdet conséquent. Un film qui va donc (tenter de) soigner sa dimension sonore et sa dynamique du lieu. J’y viens, ça ne marche pas toujours. Ça marche quand le film s’accélère, quand c’est le branle-bas de combat et qu’il faut saisir la mouvance à la fois organisée (ces gars sont préparés à ça) et chaotique, tant l’espace est confiné.
Et là sans doute me manque-t-il des plans différents, des plans de coursives, d’autres sons, des grincements, des bruits aussi puissants que ce qu’on entend régulièrement lorsque le récit nous demande à entendre ce qu’en entend le personnage incarné par François Civil, L’oreille d’or, spécialiste en analyse acoustique bref un garçon qui détecte ce que les machines elles-mêmes ne détectent pas, et saura différencier instantanément un chalutier d’un porte-avion, un hélicoptère d’un sous-marin, jusqu’à savoir de quel pays il provient. Ça c’est très beau. Mais dès qu’il s’agit de saisir le réalisme du sous-marin, la vie à l’intérieur du ventre de cette baleine d’acier, ça l’est moins : Certes on aime Reda Kateb et Mathieu Kassovitz, mais les nombreux gros plans sur eux faisant la moue, finissent par lasser.
Et l’autre gros défaut c’est son histoire d’amour. Un élément auquel je suis très sensible, même si l’on fait un film de guerre, sur un monstre, une machine. Celle de Terminator, punaise, c’était autre chose. Et là c’est d’une platitude désarmante, désincarné au possible – Je suis content de voir la sublime Paula Beer, hein, mais elle ne sert strictement à rien – et franchement prétexte à sortir un élément scénaristique du chapeau qui va te faire croire que le personnage principal est mis de côté avant qu’on le fasse vite revenir, parce qu’on a besoin de ses oreilles. Y avait mieux à faire.
Pour le reste, rien ne me dérange vraiment. Le casting est bien : J’aurais juste une réserve sur Omar Sy, car je n’arrive pas à oublier son personnage dans le SAV des émissions, donc là, de le voir jouer un commandant en second, il faut que je sois très indulgent ou très concentré pour continuer d’y croire. Et souvent c’était le cas. D’autant que la dernière partie – comme la longue introduction sur le côté Syrienne – du film est vraiment très forte. Dommage que le film accuse un imposant ventre-mou terrien.
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