Eviter l’extinction.
6.0 Si Fallen kingdom manque singulièrement de point de vue et il faut je pense mettre ça sur le compte de Trevorrow, plutôt que sur Bayona qui fait ce qu’il peut avec le matériau narratif qu’on lui impose, il trouve des élans plus personnels dans la mise en scène, via quelques scènes clés – La bataille finale sur le toit du manoir, entre les gargouilles et la charpente en verre c’est un éclat d’horreur gothique qui redonne un peu de magie, de caractère à une saga trop souvent bien dans ses pantoufles – ou de vraies visions – La créature qui entre dans la chambre de la petite fille et la suit jusque dans son lit, le prélèvement sanguin sur le tyrannosaure endormi – qui ne sont certes pas aussi puissantes que celles de Spielberg mais suffisamment bienvenues dans ce qui avait tout pour être un décalque de Jurassic world.
Au sein de cette relative bouffée d’air frais, il faut malheureusement en passer par du déjà-vu à l’image du nouveau super dinosaure (Indoraptor : Fusion de vélociraptor et d’Indominus Rex), du dispositif militaire qu’on nous ressert encore, du milliardaire arriviste sur qui repose les artifices d’un scénario ultra balisé. Sans parler de la thématique de l’enfant clone évoquée mais pas du tout exploitée. Les personnages ne sont toujours pas très bien dessinés, même s’il sera par instants amusant de voir l’informaticien peureux et la paléo vétérinaire valeureuse former un chouette duo, apportant un vent de fraîcheur.
La bonne idée narrative de cet opus c’est de recréer l’Extinction du Crétacé : Les dinosaures vivent paisiblement sur Isla Nublar mais l’irruption imminente d’un volcan menace de les exterminer. Si l’on retient peu de cette séquence catastrophe c’est probablement qu’elle en fait trop, syndrome post King Kong, de Jackson, cherche à contenter et les fans de Jurassic park et ceux de Jurassic world. C’est comme si Bayona avait laissé les reines à Trevorrow. En revanche cette séquence grandiloquente s’achève sur une image, celle que l’on retiendra d’un ensemble assez peu stimulant, un cri, celui d’un bracchiosaure sur une jetée, dévoré par les flammes et le nuage volcanique.
La scène est déchirante. Et c’est sans doute parce qu’il s’agit du bracchiosaure, qui outre d’être le plus sympa d’entre tous, se paie le luxe d’être celui sur lequel l’original de Spielberg cristallise notre découverte, puisqu’il est le premier à s’offrir à nous, pleinement, de jour, aux personnages (Impossible d’oublier les yeux écarquillés, les bouches béantes et les mains tremblantes de Laura Dern & Sam Neill dans les voitures) et donc aux spectateurs. Bayona nous offre la même vision mais inversée cette fois, macabre : Les yeux des personnages sont gagnés par les larmes, au même titre que les nôtres. C’est une icône qui disparaît, un mythe qui s’effondre à nouveau, sauf qu’on est dorénavant là pour le voir.
Comme le précédent il m’a fallu le revoir, mais je l’ai davantage apprécié cette fois, essentiellement parce que j’y vois un auteur derrière la caméra, Bayona, qui tente d’imprimer un peu de sa personnalité, de son univers mais qui forcément n’y parvient qu’à de rares instants, lors de jolies séquences éparses et la plupart du temps se fait dévorer par le monstre, le studio. On peut dire qu’il s’est passé quelque chose. La saga n’a pas retrouvé sa superbe, mais une certaine dose de promesse et d’attachement – Preuve en est que j’ai tout revu avec grand plaisir – ce qui ma foi, n’est déjà pas si mal.