Effets hallucinogènes.
6.0 Il est difficile de trouver une cohérence dans l’œuvre protéiforme de Steven Soderbergh. Et je n’ai pas tout vu, il enchaine le bougre. Capable de toucher à tous les genres, il va même jusqu’à offrir deux visages opposés d’un genre, exemple typique avec ses « comédies de braquages » puisque quand l’une envoie les paillettes l’autre est plus confidentielle, dans l’une on braque les trois plus grands casinos de Vegas, dans l’autre un circuit automobile de Caroline du Nord. Soderbergh peut aussi faire un biopic sur un pianiste de music-hall et un autre en deux parties sur un révolutionnaire ; une trilogie avec un paquet de stars mais aussi un moyen métrage pour le compte d’une production internationale ; un petit thriller mais aussi une machine à Oscar ; faire son Normae Rae avant de remaker Tarkovski. Sans oublier qu’il est aussi célèbre pour être le plus jeune palmé de Cannes avec Louis Malle. Ces derniers temps, il est plus indomptable encore, avait annoncé qu’il se retirait du cinéma, a pondu une superbe série en deux saisons, avant de revenir pour offrir deux films, aussi différents qu’ils sont passionnants : Le beau Logan lucky et maintenant celui-ci, Paranoia. Si l’on sent qu’il est surtout tourné pour la prouesse de son filmage à l’Iphone, c’est une pierre étrange supplémentaire dans cet édifice déconcertant. Petit film bricolé, certes, mais passionnant, qui critique les établissements psy et les sociétés d’assurance, comme pouvait déjà le faire Effets secondaires sur l’industrie pharmaceutique ; et qui se nourrit autant d’un Blair Witch – On y retrouve d’ailleurs l’un de ses acteurs pour un rôle bien flippant – que des found footage à la REC sans pour autant se laisser gagner par le found footage : L’IPhone n’intègre pas le récit, le film aurait pu être tourné autrement, c’est un choix pur, un choix comme l’était celui du Dogme pour Lars Von Trier à l’époque – On pense d’ailleurs à L’hôpital et ses fantômes, mais dans une image plus proche de celle de Breaking the waves. Un choix qui sied plutôt bien à l’univers anxiogène qui habite le film. Alors si ça fonctionne globalement, il y avait moyen d’épurer, je pense, notamment certaines futilités (les flics, la mère…) en fait on aurait gagné à ne pas sortir du point de vue de son héroïne, oublier le caractère omniscient du film, c’est là qu’on voit que Soderbergh ne maitrise pas vraiment le genre ou n’ose pas être radical, préfère les soubresauts de scénario et sa résolution au mystère et à l’impondérable. En tout cas il y a de belles idées et trouées, et parfois c’est fait avec rien, un filtre bleu oppressant dans une forêt, une vue infrarouge dans un coffre de voiture, une double scène géniale dans une cellule d’isolement. C’est souvent malin. Et Claire Foy est absolument magnétique. On note aussi une apparition brève de Matt Damon et une Juno Temple carrément méconnaissable, perso je ne l’ai pas reconnue. Je le sentais moyen, c’est en fait une assez bonne surprise.