Gouttes d’eau sur affaire violente.
8.0 Ce qui frappe d’emblée c’est l’acuité de cette sortie, son alignement avec l’actualité. Le procès du cardinal Barbarin devait rendre son verdict pile au moment de la sortie du film d’Ozon. Voilà qui lui permet de confondre encore plus la frontière entre le réel et la fiction, entre le récit de l’affaire Preynat et l’adaptation de cette histoire vraie. C’était en effet aussi étrange qu’inédit de voir, le lendemain de la découverte du film en salle, les informations titrer les aléas de ce procès tumultueux, qui se solda notamment par la démission du cardinal refusée par le pape. Il faut noter que le film ne fut pas épargné puisque sa sortie fut menacée pour atteinte de présomption d’innocence. Un recours heureusement rejeté.
Mais avant d’être un film sur cette affaire, Grâce à dieu – qui tire son titre d’une célèbre phrase employée par le cardinal pour désigner lors d’une conférence de presse la prescription des faits – est surtout un film sur des victimes, leur souffrance qui se transforme en colère, leur solitude qui se mue en solidarité. Pour se faire, le récit donne la tribune et la parole à trois d’entre eux, choisit de les accompagner indépendamment, puis ensemble, de montrer comment chacun a vécu son drame et comment chacun va le surmonter, se battre pour faire ressortir la vérité et surtout la justice.
C’est ce film-là qui s’avère puissant. Pas le film à charge contre le cardinal Barbarin ou le père Preynat ou le diocèse de Lyon, mais bien le combat de ces hommes, tous de classe sociale et de religion différente, de force et de volonté diverses, qui vont s’unir et créer La parole libérée, l’association qui leur permet d’intenter une action en justice. Melvil Poupaud, Denis Menochet et Swann Arlaud sont éblouissants. Et la mise en scène d’Ozon s’en remet entièrement à eux, se cale sur leurs personnalités si bien que chaque partie a sa respiration propre et le miracle c’est que la réunion de ces personnages se fait aussi le plus naturellement du monde du point de vue de la mise en scène. Ils sont ensemble, aucun ne compte plus qu’un autre.
C’est un grand film engagé, documenté, très élaboré, dans la belle lignée du Spotlight, de Tom McCarthy qui traitait aussi d’une véritable affaire de suspicions d’abus sexuels au sein de l’Eglise catholique. Riche, ample, limpide et in fine très émouvant, notamment dans le regard que le film parvient à porter sur l’entourage de ces victimes, la femme de l’un, les parents ou la mère des autres. Malgré une imposante réserve quant à l’utilisation des flash-back à mon avis parfaitement superflus et grossiers, le dernier film d’Ozon est une merveille. Peut-être bien son meilleur.