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Archives pour 30 avril, 2019

Green book – Peter Farrelly – 2019

38. Green book - Peter Farrelly - 2019« Inspired by a true friendship »

   8.5   C’est un grand film. Une sorte de classique instantané, à mes yeux. Un peu comme pouvait l’être un autre film oscarisé récemment, le superbe Spotlight, de Tom McCarthy ou le Promised land, de Gus Van Sant. S’il est difficile de les relier (Bobby & Peter / Gus) par leurs univers, ils sont de la même génération et auront offerts leurs meilleurs films en même temps, il y a de cela quinze ans : Deux en un / Terrain d’entente pour les uns, Elephant / Gerry pour l’autre. Ça aura pris plus longtemps à Peter pour faire son grand classique, il aura donc fallu qu’il se détache de son frère, mais le voici. Quelle merveille.

     On peut lire une accroche rare sur l’affiche car il est souvent question de « true story ». Ici c’est la « true friendship » qui est mise en avant. C’est magnifique. Et le film est en effet une belle histoire d’amitié en plus d’être un film sur le racisme. Pour moi il n’est pas si différent de Terrain d’entente et Deux en un. Un film sur l’amitié nécessite un beau duo. On se souvient de Jim Carrey & Jeff Daniels incarnant Lloyd & Harry dans Dumb & Dumber. On se souviendra, certes autrement, mais clairement de Mahershala Ali & Viggo Mortensen incarnant ici Don Shirley & Tony Lip. Forcément. Tant ils sont tous deux absolument magnifiques.

     C’est la première fois que j’allais voir un film oscarisé la veille. Autant dire que ce fut un coup de pouce salvateur puisque ma salle était pleine à craquer : Le film n’allait pourtant pas tarder à boucler sa cinquième de sortie en France. Quelques jours plus tôt j’avais vu Ulysse & Mona, dans la même salle, à la même heure, nous étions quatre. Enfin tout ça pour dire que malgré les lauriers j’étais très (agréablement) surpris par cette évidente réussite. Car si l’on excepte Mary à tout prix, en France les Farrelly n’ont jamais « casser » le box-office. A l’heure où j’écris, le film est d’ores et déjà leur deuxième plus gros succès. Et puis si on m’avait dit qu’un jour les Farrelly auraient un Oscar… C’est d’autant plus beau que Green book, bien qu’il coche les cases du film convoité par les Oscar, n’en reste pas moins un Farrelly. Il faut croire qu’il était temps pour Peter d’agir sans son frère.  

     Le récit nous plonge en 1962 dans une Amérique bien ségrégationniste. Le green book du titre c’est ce guide de voyage intitulé « The Negro Motorist Greenbook » qui recense les espaces (Restaurants, boutiques, hôtels, transports) dans lesquels les noirs pouvaient être accueillis à cette époque dans les Etats du sud. Tony Lip, un italo-américain virilo-beauf, videur de boite de nuit, recordman d’engloutissement de hamburgers et bon chauffeur à ses heures, se voit proposer la mission de conduire un musicien, deux mois durant à travers les Etats-Unis, en l’échange d’une somme suffisamment considérable pour que Lip et sa femme, dans le besoin, considèrent le deal. D’abord réticent à l’idée de conduire un pianiste noir, Lip finalement accepte.

     Les relations entre les deux hommes sont d’abord houleuses ou silencieuses. Au raffinement solitaire de Shirley s’oppose la grossière rudesse de Lip. Un monde (de préjugés) les sépare. Mais à mesure, ils s’écoutent, se rapprochent, se viennent en aide. C’est d’abord de simples détails, forcément traités sous l’angle de l’humour, ici une scène désopilante de poulet frit dans la voiture, plus tard la rédaction d’une lettre sur une aire de repos. Puis on comprend qu’à force de s’engouffrer dans l’Amérique profonde, le racisme sera lui de plus en plus imposant, culminant dans cette maison où l’on refuse à Shirley qu’il utilise les toilettes ni mange dans la salle de réception (où il va tenir son concert) avec ses compagnons de voyage, Lip bien entendu, mais aussi son violoncelliste et son contrebassiste. C’est toute l’absurdité de ce monde: Shirley est talentueux, la bourgeoisie se l’arrache, mais il n’est pas protégé pour autant.

     En apparence, Green book est un beau complément au Loving, de Jeff Nichols. En apparence seulement. Il y a moins de mélo et de retenue chez Farrelly. Mais ils ont en commun de beaucoup bouger. Dans Loving on s’installe, on part, on revient, on change d’Etat en permanence. Dans Green book on trace une route circulaire dans le Sud-américain, de l’Ohio à la Louisiane, en passant par l’Indiana, le Kentucky, l’Arkansas. C’est un road trip, un buddy-movie et une feel good drama, en gros. Et les trois films sont réussis. Et c’est évidemment son inversion des rôles sociaux qui lui donne une vraie raison d’exister.

     Et puis il y a Linda Cardellini, sublime. Pour moi elle sera toujours Lindsay de Freaks & Geeks, mais Peter Farrelly lui a écrit un personnage magnifique, bienveillant, d’autant plus beau que la toute dernière scène est pour elle : Une fin rêvée, une complicité sortie de nulle part, une lucidité providentielle. La fin m’a fait chialer. C’était carrément Sirk et Capra. Grand film. L’un des meilleurs Farrelly. Le genre de films dont je dirai dans dix ans que je le revoie chaque année.

Hippocrate – Saison 1 – Canal + – 2018

07. Hippocrate - Saison 1 - Canal + - 2018Les quatre cavaliers de la quarantaine.

   8.5   Parmi les trois films réalisés par Thomas Lilti à ce jour, Hippocrate est de loin son meilleur, à mon sens. A l’époque, je me souviens avoir pensé qu’il aurait fallu étirer ce récit, développer davantage ces personnages, ce lieu, cette temporalité si particulière, sur un format plus long encore qu’un simple long métrage. A moins que ce soit cette déformation provoquée par le génie d’Urgences, à savoir qu’une fiction hospitalière se doit d’être offerte sur un format sériel. Peut-être. Apparemment, Lilti lui-même n’était pas entièrement satisfait puisqu’il reprend peu ou prou certains éléments qui parcouraient le film : L’arrivée du jeune stagiaire, le lien de parenté entre un urgentiste et un interne, le médecin d’origine étrangère, le manque d’effectif, les erreurs médicales, les audiences disciplinaires. Et il les transpose dans ce nouvel univers, un autre hôpital avec de nouveaux interprètes, qui ne sera donc plus exploité sur 1h30 mais sur 8h. Huit épisodes qu’il a créés, co-écrits et dont il va choisir de tous les réaliser.

     Il lui est donc forcément possible de faire du gras, d’étoffer la kyrielle de personnages secondaires, de s’intéresser de plus près à de nombreux patients et bien entendu de suivre à parts quasi égales quatre personnages principaux : Alyson, Chloé, Hugo & Arben. Et là-dessus chaque épisode trouve des tas d’idées, concentre beaucoup autour d’une patiente suicidaire, mais aussi beaucoup autour du cœur de Chloé, mais aussi beaucoup autour des aléas sentimentaux d’Alyson, tout en livrant des images qui semblent appartenir à du vécu de la vie d’interne. Et surtout il faut un point d’ancrage, une idée qui sort de l’ordinaire, quelque chose de plus romanesque qu’un « simple » quotidien de médecine interne : Il prend la forme d’une quarantaine, suite à un problème sanitaire. Par précautions, les médecins du service sont en effet cloitrés dans un hôtel jusqu’à nouvel ordre, uniquement autorisés à donner des conseils et directives par téléphone. En leur absence, ce sont les internes et leurs stagiaires qui doivent maitriser la situation comme ils peuvent, souvent bien secondés par les infirmiers et infirmières plus expérimentés.

     C’est cette idée scénaristique qui crée une vraie urgence, sans mauvais jeu de mot. Ça fait tenir le récit, le groupe, la série sur pas grand-chose étant donné qu’on sait que tout peut « s’effondrer » à tout moment, si la quarantaine est levée. Par exemple, l’arrivée de médecins remplaçants au mi-temps participe de cette crainte d’effondrement. Ils comblent un manque autant qu’ils brisent ce semblant d’unité, qui tient sur rien puisque chacun de ces quatre personnages évolue en sursis dans cette bulle et même dans sa propre bulle : Alyson hésite à changer d’établissement pour son internat ; Chloé est menacée par sa santé fragile ; Hugo est beaucoup trop sous le regard et le contrôle de sa mère ; Arben appartient plutôt à l’étage des légistes. Et la série parviendra à relier ce que Lilti avait raté dans Première année, soient le naturalisme et le romanesque, le réel et la fiction. Sans trop en dévoiler, la fin est à l’image de cette saison toute entière, vraiment puissante. Bref, j’ai trouvé ça absolument génial, riche, émouvant, maitrisé. Je pourrais tout revoir illico.


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silencio


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