Les orgueilleux.
3.5 C’est un doux calvaire au sens où son vent de liberté est par instant plus fort que l’hermétisme qui l’habite. Parfois, seulement. Trop rarement, plutôt. John from, le dernier film de Joao Nicolau, est tout aussi insolite mais il est plus séduisant, plus cotonneux, plus écrit ce qui ne l’empêche pas d’offrir des espaces et des situations dans lesquels il est possible de se balader, de se disperser. Ici c’est vraiment délicat, on a tellement la sensation d’un film et son scénario en train de se faire, comme le personnage semble évoluer dans un rêve absurde, abstrait, que les enjeux n’existent pas. Impossible de se raccrocher à quoi que ce soit.
C’est une parenthèse qui évoque rapidement Rozier, celui des Naufragés de l’île de la tortue, puisque le film se déroule sur un bateau, mais ça manque d’horizons, de personnages charismatiques ou auxquels on s’identifie, ça manque d’idées stimulantes, aussi, tout simplement. Si l’on touche à la comédie musicale, notamment ici lors de l’irruption d’un inspecteur des impôts chantant et qu’on file vers le récit de piraterie hédoniste en embarquant dans une caravelle, la folie et la beauté du film circulent uniquement par intermittences et en circuit fermé à mon sens. L’épée et la rose, c’est la sensation désagréable de voir un Guiraudie complètement raté ou un Rivette pas inspiré. En permanence.
Et donc forcément, c’est interminable. Ça dure 2h15 mais j’ai l’impression de l’avoir subi dix heures. Et puis on a l’impression que ça pourrait durer une heure de plus, une heure de moins, ce serait pareil. C’est ce manque d’ossature, de structure et de finalité qui rend l’objet aussi abscons qu’arrogant. Ça m’a rappelé la grande souffrance éprouvée devant Ce cher mois d’août, de Miguel Gomes, il y a dix ans. Rien d’étonnant puisque Nicolau était assistant sur certains de ses premiers films. Je sauve quelques plans, quelques cadres et une utilisation musicale parfois étonnante, qui m’ont parfois sorti de l’ennui.