Echos d’entre les morts.
7.0 Qu’importe si certains de ses films sont bancals, déséquilibrés, parfois même un peu ratés, tant le cinéma de Bertrand Bonello est l’un des plus stimulants à l’heure actuelle. Devant Zombi child et ce malgré les références directes qu’il assume, ce qui frappe avant tout c’est cette impression de ne voir ça nulle part au sein de la production française, au sein du cinéma tout court. Il y a des toujours des tentatives, des fulgurances nouvelles chez lui, ça ne fait jamais cinéma de mode et quand bien même le maniérisme le guette de temps à autre, il y a toujours une surprise, une folie, un inconfort.
Beaucoup ont cité Vaudou, de Tourneur pour les inspirations, de mon côté ça m’a davantage évoqué un croisement entre L’emprise des ténèbres et Virgin suicides, mais surtout, on retrouve Bonello partout, dans ce Zombi child. Celui du récit alterné, qui irriguait Nocturama, bien entendu. Celui de l’espace-temps détraqué qui offrait l’uppercut final de L’Apollonide. Celui d’un cinéma sensoriel, mystérieux, quasi transcendantal qui était le pari de son tortueux De la guerre. Et celui du groupe, évidemment présent dans chacun de ces films.
Zombi child s’ouvre à Haiti, en 1962. Un homme est ensorcelé, il meurt, on l’enterre, puis on l’exhume, on le drogue afin de le faire travailler dans une plantation de canne à sucre. Il en réchappe et ère dans la forêt. Soudain, nous voilà débarqués dans un Paris, de nos jours, à l‘intérieur d’un internat catholique, qui fabrique des élites féminines dont on apprend bientôt qu’elles ont chacune un parent disposant de la légion d’honneur. Afin d’entrer dans une sororité, une adolescente haïtienne, orpheline depuis la tragédie sismique dix ans plus tôt, confie à ses futures amies un étrange secret de famille.
Ce récit alterné-là, il fallait l’oser. D’autant que c’est moins le destin de Mélissa qui nous intéresse que les confessions et bientôt le chagrin d’amour de Fanny, zombie de notre siècle, qui offre en voix off ce qui s’apparente à des extraits de son journal intime. On est un peu troublé, un peu sceptique quant à voir la collision entre ces deux mondes, pourtant c’est exactement l’histoire de Zombi child, de ces deux mots contenus dans le titre. Mais c’est aussi le tremblement de terre de 2010 qui va côtoyer la tradition vaudou et la zombification d’esclaves au sein de plantations gouvernementales sous le régime de Duvalier.
Visuellement le film est souvent étourdissant, parcouru d’éclats de génie. Qu’ils soient nocturnes, dans les champs de canne à sucre, entre ruines et cimetière ou à l’intérieur de ce pensionnat, dans ses jardins extérieurs ou ses caves un peu lugubres, il y a un amour de l’image, cet amour qui transpire dans chacun des films de Bonello et qui sait me cueillir émotionnellement très brutalement, notamment par un accompagnement musical et des idées formelles d’une séquence à l’autre. Ce dernier cru m’a impressionné autant qu’il m’a laissé sur le carreau. Il faudra que je le revoie.