L’arroseur arrosé.
5.0 Durant le premier tiers, on se dit qu’Headhunters pourrait briller par son efficacité en tant qu’exercice de genre. Il y a une certaine nervosité, un peu de méchanceté aussi : Difficile de s’attacher à un personnage dans ces cages de verre galvanisées par la réussite professionnelle. Mais on trouve déjà un agencement à l’américaine, que Morten Tyldum exploitera davantage encore dans Imitation game, qui n’aura plus rien de norvégien. Et passé le (sale) goût de cette première demi-heure franchement détestable, en forme de mauvais pilot de série, Headhunters va presque devenir une sorte de modèle de « polar à l’américaine » justement. Fait pour séduire les américains au point qu’il ressemble beaucoup, formellement, à des séries, des films d’outre-Atlantique qu’on voit passé continuellement. Et malgré les nombreuses invraisemblances (la scène du camion, géniale, mais bon…), la musique envahissante et un manque total de prise de risque (quitte à voir du sang, de la merde et du gunfight bien sec autant y aller crûment : Il me semble que Tyldum n’ose pas, mais je n’arrive pas à savoir si on l’en a empêché ou s’il s’en satisfait pleinement, autrement dit s’il est juste un yes man ou un cinéaste masqué) soudain le film s’emballe complètement. Il était rasoir, il devient remuant. Et il réussit par ailleurs quelque chose de fondamental : L’identification. Il faut en effet du temps pour qu’on s’attache à ce personnage, mais il y parvient. Ce banal pauvre connard devient plus un pauvre type qui veut sauver sa peau des griffes d’un énorme pauvre connard et ça fonctionne. Et ce n’était pas gagné car le grand méchant c’est Nicholaj Coster-Waldau aka Jaime dans Game of thrones aka peu-importe-son-rôle-on-adore-ce-gars. Bref, c’est qu’il a vraiment un rôle d’ordure. Ou bien c’est tout simplement parce que Tyldum ne quitte plus son personnage, pris dans un « étau hitchcockien » qu’on aime tant voir au cinéma. Au final, le film reste bien dans les clous, jouant tellement la carte de l’humour noir – N’est pas Coen qui veut – il retombe vulgairement sur ses pattes avec le personnage face caméra qui répète ce qu’il scandait dans le premier plan, donc en redevenant le banal pauvre connard qu’il était initialement : Si le film s’était étiré sur l’enquête du flic, sûr que ça aurait été tout aussi à chier que le premier tiers. Quant à son issue romantique, elle aussi semble bien trop fabriquée. Malgré tout ça m’intéresse bien plus qu’Imitation game, qui m’avait gonflé de bout en bout.