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Chernobyl – HBO – 2019

CHERNOBYL01W0151359Breaking the lives.

   9.0   Qu’elle se situe dans l’authentique reconstitution de la catastrophe, dans l’accompagnement de ceux qui en furent les témoins, les acteurs, les victimes directes, ou dans la reproduction aussi fictionnelle qu’utopique de son procès, ou dans l’hommage généré par les images d’archive finales, tout concourt à faire de cette plongée de cinq heures, de Chernobyl, la série HBO crée par Craig Mazin, un puissant document non exhaustif mais extrêmement riche, de la plus grande catastrophe nucléaire du XXe siècle dont on a même coutume de croire qu’elle fut le véritable déclencheur de l’effondrement de l’union soviétique.

     C’est, entre autres grandes qualités, l’originalité de sa construction qui fait de la série Chernobyl sa puissance. Cinq épisodes denses, âpres nous plongent au cœur de la catastrophe, en suivant au fur et à mesure, épisode après épisode, ces Hommes qui ont vécu Tchernobyl. On entre au cœur du réacteur aux côtés des ingénieurs et opérateurs de la centrale puis des sapeurs-pompiers. Avant de se pencher sur la politique (du mensonge et du silence) improvisée au lendemain de l’explosion. Mais aussi aux côtés de ceux qui veulent démêler le vrai du faux, ainsi que dans les hôpitaux qui reçoivent les premiers corps irradiés, bientôt calcinés. On s’intéresse aussi aux mineurs engagés pour creuser une dérivation afin de protéger la nappe phréatique. Puis aux soldats volontaires qui sont venus déblayer le graphite du toit là où le meilleur des robots lunaires ne supportait pas l’imposante radioactivité. Et la série se paie même le luxe de s’en aller sur une longue scène de procès, aussi didactique que limpide et passionnante. Bref il y a là 5h absolument brillantes, tellement brillantes qu’on oublie vite que ça parle anglais et pas russe.

     Mais que c’est dur. Pourtant je ne veux plus voir que Chernobyl depuis quelques jours – Et écouter en boucle la musique de la violoncelliste Hildur Guonadottir, ses véritables notes de requiem et lire sur Tchernobyl car aussi dense soit-elle, la série pousse à se documenter davantage encore, je trouve. Et en même temps il faut être disposé à la regarder, tant c’est régulièrement insoutenable, qu’on suive les liquidateurs chargés d’abattre les animaux (sauvages et domestiques) irradiés ou qu’on assiste aux obsèques des premières victimes, corps scellés dans des cercueils de plombs avant d’être coulés dans le béton ; qu’on soit au chevet des pompiers et ingénieurs irradiés ayant « perdu » leur visage ou bien qu’on accompagne les « bio-robots » bref de simples hommes sur le toit de la centrale avec 90s secondes chacun pour ramasser les débris de graphite afin de les jeter dans le trou béant provoqué par l’explosion du cœur. Il y a des scènes, des plans, absolument ahurissants, sans que la série ne soit dans l’épate une seule seconde par ailleurs. Pourtant c’est une scène plus douce qui me glace le sang, rien qu’en y repensant : Au milieu du premier épisode, sur le pont de Pripiat où s’agglutinent les habitants pour regarder la centrale en flammes qui leur crache ses cendres contaminées, donc son danger mortel invisible.

     Mais Chernobyl restera surtout une grande série d’investigation et sur le mensonge et le coût humain de ces mensonges, ainsi qu’un vibrant hommage à ceux qu’on a sacrifié pour minorer les conséquences et ceux qui se sont battus pour établir la vérité. On ne cesse de déployer de nouvelles histoires, de nouveaux visages, des approches différentes. On se dit que l’un de ces chapitres pourrait investir la zone autrement et reprendre le récit de Stalker, d’Andrei Tarkovski. On y suivrait le quotidien d’une famille en zone contaminée et tout particulièrement celui de ce guide, rejoint par des curieux, pour leur faire découvrir une zone dangereuse, interdite mais qui renfermerait suffisamment de secrets et de magie pour s’y inviter. Ce serait un quotidien post catastrophe nucléaire comme un autre. Depuis, j’ai lu ce livre indispensable : La supplication, Tchernobyl, chronique du monde après l’apocalypse. Certains des témoignages recueillis par l’écrivaine Svetlana Alexievitch n’en sont pas si éloignés. Sans compter que la réalisation de Johan Renck s’inscrit dans ces codes, s’avère très dense, proche des éléments, capable de saisir l’immensité cauchemardesque autant qu’elle sait plonger dans quelque chose de plus organique, intime, domestique. Ce plan sur la forêt rousse, par son léger mouvement, fait écho à celui de la draisine. Celui sur le toit de la centrale parmi les débris répond à celui de la traversée dans l’eau stagnante à travers différents mystérieux vestiges. Après tout, Stalker ferait un excellent complément de programme à quiconque viendrait de découvrir Chernobyl et souhaiterait prolonger, de façon plus endolorie et métaphysique, le voyage en zone mortifiée. Un complément somptueux, plus libre, plus fou. Inutile de rappeler qu’à mes yeux, c’est le plus beau film du monde.

     Ce qui impressionne aussi c’est de constater à quel point la tenue formelle, chaque petit effet ou le moindre choix de plan ne sont jamais phagocytés par une volonté de faire du spectaculaire mais entièrement dévoués dans la reconstitution précise avec pour vocation d’asphyxier le spectateur comme le furent les différents protagonistes de l’époque. En effet il n’y a pas d’exagération dans l’image, le plan ou le dialogue, tout semble dosé à la juste distance. Il y a bien cette scène détonante du crash de l’hélicoptère pris dans les câbles d’une grue au moment où il déverse sable et bore dans le cœur béant du réacteur, mais elle reprend jusque dans l’angle choisi le filmage qu’en avait obtenu Vladimir Chevchenko le jour du crash. Difficile d’être plus dans la véracité et la dignité. C’est l’un des seuls instants où la série joue un peu la carte du sensationnalisme mais ce n’est pas fictif, c’est dire. Bref c’est dosé, millimétré comme il faut et à mon sens il faut remonter à deux autres mini-séries, absolument brillantes l’une et l’autre, pour retrouver cet état de grâce totale dans la forme : Show me a hero & The night of. A croire que c’est dans les vieux pots HBO (Tout ça découle clairement de The wire, série mère absolue) qu’on continue de faire les meilleures confitures. C’est une affaire d’équilibre. Et l’écriture de Craig Mazin autant que la réalisation de Johan Renck paraissent aussi équilibrés, complémentaires et adéquates que celles de Pizzolatto & Fukunaga pour la première saison de True detective. Il y a des alliances miracles, qu’on n’oublie pas.

     Soyons honnêtes, le premier épisode est l’un des trucs les plus tétanisants que l’on ait vu toute série confondue. Le rythme, les couleurs, le son. On en sort secoué, déstabilisé, on a l’impression d’avoir accompagné ces hommes, dans les corridors brulants, salles des machines inondées, bureaux aseptisés et décombres luisantes. On y est. On vit Tchernobyl. A tel point que l’on se demande un temps ce que la série va pouvoir proposer ensuite et on doute de son bien-fondé, de son éthique : Ne va-t-on pas (trop) jouer sur le terrain de l’insoutenable, simplement pour choquer le chaland occidental, lui montrer le vrai visage d’un monstre qu’on a trop souvent réduit à une simple explosion qui a produit des difformités ? C’est justement sur cette note très factuelle que la série s’avère la plus réussie, la plus objective, la plus digne et sans doute la moins sensationnelle. D’abord parce qu’elle fait russe tout en étant très américaine, à l’image du choix de langue qu’elle n’abandonne jamais et c’est tant mieux, c’est un choix délibéré de bout en bout : On y parle anglais mais tout est russe, dans le décor. Ainsi que dans ses raccourcis narratifs à l’image du personnage fictif campé par Emily Watson – Elégance de mentionner parmi les cartons conclusifs qu’elle est pure fiction – personnage composite qui représente une multitude de scientifiques ayant œuvré pour enquêter sur la catastrophe et faire éclore la vérité, dans la lignée d’autres superbes héroïnes hollywoodiennes que sont Erin Brockovich, Norma Rae ou Karen Silkwood.

     Aussi, la série avait moyen de raconter l’après-catastrophe, ce qu’elle fait assez peu, finalement (au regard du dense matériau qui s’offre), refusant donc d’aller sur le terrain des conséquences physiques avec ces infirmités en tout genre. Par exemple, des témoignages recueillis par Svetlana Alexievitch, la série garde le prologue soit l’histoire de l’épouse du pompier (touché très vite) mais pas la conclusion, soit celle de l’épouse d’un liquidateur qui assista à sa lente agonie quelques années plus tard. Chernobyl choisit en effet de s’ouvrir en flash-forward sur le suicide du professeur Legassov (1988) avant de saisir les jours qui suivirent la catastrophe et enfin de se fermer sur le procès de Dyatlov (1987). C’est colossal.

Le daim – Quentin Dupieux – 2019

1a50d71_1_IgATYd1oNAfu5S5DwIIw6qPasse campagne.

   7.5   A plusieurs reprises dans le film, Georges se regarde dans le miroir et s’exprime sous forme d’interjections, expressions ou petits mots aussi absurdes que géniales. « Style de malade » est d’ores et déjà entré dans le langage courant, c’est le « swag » de l’élégance pure. Un moment donné ce sera « Putain, ça bute ». Sensiblement ce que j’aurais pu dire lorsqu’apparait le générique final. Le daim, ça bute, ouai.

     Georges, 44 ans, et son blouson, 100% daim, ont un projet. Synopsis de l’année. Pourtant, le film est plus beau que ça, encore, il dépasse le stade conceptuel : C’est surtout l’histoire d’un type qui déraille et plaque tout. Sur une mécanique plus loufoque, certes, mais il y a de L’emploi du temps, de Cantet dans cet abandon mélancolique, cette quête de soi mensongère, cette fantaisie à laquelle le personnage croit tellement fort qu’elle devient sa vérité, son dessein, son quotidien. On pense aussi à Passe montagne, de Stévenin : Il y trouvait Georges (Villeret) mais pas de veste en daim à franges, pourtant tout s’ouvrait plus ou moins déjà sur une aire d’autoroute.

     Quand bien même j’admire son univers et son ton, Dupieux et moi ça ne l’effectue pourtant pas systématiquement – Et c’est pareil quand il fait l’Oizo en musique. L’autisme guette. Si l’on excepte la sublime anomalie que constitue Steak, son (presque) premier film, il y a soit beaucoup trop d’absurde, beaucoup trop de fabrication ou beaucoup trop de théorie : Rubber, Au poste ! & Wrong cops, je coince un peu / beaucoup / beaucoup trop. Le daim, au contraire, tient pleinement sa réussite dans cet équilibre minimaliste voire précaire, d’absurdité légère, de fine mise en abyme et d’atmosphère joyeusement dépressive.

     Une scène résume tout. Alors qu’il vient récupérer son alliance sur le cadavre du réceptionniste de l’hôtel qui lui avait gardé en gage, Georges est séduit par le chapeau, 100% daim (il vérifie bien l’étiquette) que le mort recouvre de ses mains sur sa poitrine. Dans un film plus absurde, plus théorique (de Dupieux) Georges aurait pris le chapeau, oublié l’alliance et on l’aurait interprété comme l’ultime acte de son rejet de son ancienne vie. Sauf que Georges va aussi récupérer l’alliance – Un moment par ailleurs hilarant, avec le doigt du mort dans sa bouche – tout simplement parce qu’il a besoin d’argent / de l’objet pour le donner en gage au nouveau réceptionniste, et poursuivre sa nouvelle quête, de faire du cinéma tout en portant du daim. Il y a un côté pratique, réaliste disons, qui parfait l’identification et qui moi, en échange, me permet d’accepter sa folie là ou parfois, chez Dupieux, j’ai l’impression de buter sur un écosystème très fermé.

     « C’est la première fois que je fais un film sur un fou et non pas un film fou » a dit Quentin Dupieux. C’est une nouvelle donne. Cette folie c’est un retour à l’état sauvage. Le daim c’est aussi bien la veste que l’animal et Georges en arborera bientôt de la tête aux pieds : la veste puis le chapeau, les gants et le pantalon. Difficile de ne pas imaginer que Dupieux se confie (sur sa solitude en tant que créateur) à travers la version psychopathe de cet alter-égo mélancolique. Un désir de refaire un premier film, en somme. Et tant mieux car cette veine-là, plus minimaliste, plus touchante aussi, en plus d’ouvrir sur un monde nouveau me convient absolument.

     Si Jean Dujardin et son « style de malade » sont exceptionnels, parce qu’il ne surjoue ni l’exubérance ni l’antipathie – il est aussi fou qu’il demeure touchant – c’est aussi le fait de partager le geste qui me plait dans Le daim, de Quentin Dupieux, qu’il avait, selon moi, un peu perdu depuis Steak. L’aspect buddy movie, disons. Adèle Haenel se greffe à ce drôle de voyage et permet qu’ils forment tous deux un super duo en ce sens  qu’elle n’est son side-kick qu’en temps d’apparition, tant on peut même se demander si elle n’est pas, au fur et à mesure, plus folle que lui, tout en restant pourtant absolument bienveillante. C’est cette indécision qui me plait. Et le film s’arrête quand il faut : Il crée un manque avant de créer une lassitude.

Speed – Jan de Bont – 1994

01. Speed - Jan de Bont - 1994« Don’t get dead »

   8.5   Jan de Bont restera très probablement comme l’excellent « technicien » ayant opéré à la photo sur des films importants, notamment chez Paul Verhoeven ou John McTiernan. Il était aussi chef’op sur le meilleur opus de L’arme fatale (le troisième volet) de Richard Donner. Si, ça compte. En tant que réalisateur, si sa carrière s’éteint brutalement (ou presque puisqu’il réalisera dans la foulée Hantise et la suite de Lara Croft : Cqfd) suite au bide colossal que fit la navrante suite de Speed, on se souviendra du film d’origine, donc, ainsi que de Twister. Enfin moi je m’en souviendrai, c’est certain. D’abord parce que j’ai grandi avec. Ensuite parce que ça supporte plutôt bien le temps et les revoyures, il me semble. Je suis ravi d’avoir revu Speed. Ça faisait longtemps.

     C’est l’un des plus beaux films d’action offert par le Hollywood d’avant l’ère numérique. Mais c’est aussi un beau méta film prophétique. Il y a d’abord la figure du méchant, incarné par Dennis Hopper (en roue libre, comme dans ses réalisations d’antan, parfait) dont on sait qu’il fut jadis par ses films l’un des pionniers du Nouvel Hollywood. Il y a quelque chose de passionnant à le voir là avec ses bombes prêt à briser l’élan héroïque sur lequel se fonde le film d’action moderne. Un bouton lui suffit à réduire nos héros en cendres. Un bouton lui suffira d’ailleurs à anéantir le doux Jeff Daniels, bon gars, blessé, sympa, blagueur, super side-kick à la Al Powell (Piège de cristal) comme il en a souvent joué dans les films, mais tellement tristement débile dans sa chute (il meurt en fouillant la maison du méchant, maison piégée, évidemment) ce qui lui donne deux rôles de débile et de « Harry » cette année-là avec Dumb & Dumber. Se faire tuer à distance dans un film, c’est franchement scandaleux pour un personnage aussi cool et important – C’est lui qui découvre l’identité du poseur de bombes.

« Interro surprise, super-flic ! »

     Keanu Reeves est une autre de ces pistes. Il faut rappeler que Speed est le remake d’un film japonais, Super Express 109, de Jun’ya Satō. Choisir l’acteur eurasien Keanu Reeves comme acteur principal ici c’est un peu faire le choix du clin d’œil. Masqué, certes, mais il existe. Quant à Jack Traven il est un peu une déclinaison de Johnny Utah, de Point Break doublé d’une prémisse de Thomas Anderson, dans Matrix. Et Speed, en effet, est le trait d’union entre le film de Bigelow et celui des Wachowski. Autrement dit : Les années 90 c’est Keanu Reeves. Et puis, le fait que Jeff Daniels, qui incarne donc son collègue et meilleur ami dans Speed soit celui qui meurt, fait écho à une autre combinaison, tragique : Il faut savoir que River Phoenix, l’ami de Keanu Reeves depuis qu’ils ont tourné ensemble My own private Idaho, de Gus Van Sant, meurt lui aussi, vraiment, pendant que son ami bosse sur le tournage de Speed. Il ne fait pas parti du film, certes, comme Harry (Jeff Daniels) ne fait pas partie de l’action, mais on pense fort à eux.

     Tout est à double sens dans le film de Jan de Bont. Tout est pensé pour raconter autre chose que le simple petit divertissement offert par le malin scénario, qui peut aussi tout à fait satisfaire, selon l’humeur, selon l’âge – Je m’en satisfaisais pleinement étant gamin.

     On peut s’amuser à rendre les rebondissements et tiroirs du scénario tout aussi conceptuels. Speed ne fonctionnant si et seulement si le concept, à savoir le triple jeu machiavélique – Qui n’est pas sans rappeler celui de Simon, dans Die Hard III – du méchant fonctionne et perdure (Si la bombe explose, dans l’ascenseur, dans le bus ou dans le train, le héros meurt donc le film s’arrête ; traduction : ça ne peut que bien se finir) il est donc impossible d’entacher sa marche, qu’on fasse un « bond de bus » sur une bretelle d’autoroute inachevée, qu’on subisse une mini-explosion de secours beaucoup trop pratique ou qu’on apprenne l’existence d’un système vidéo qui crache l’image mais pas le son : Tout a valeur de titiller le scénario tout en le résolvant systématiquement. Quand bien même, cette dernière idée est plus que séduisante tant elle permet d’injecter une image mensongère (une parcelle d’enregistrement) pour gagner sur le terrain du méchant qui utilise toutes les sources d’images (caméras de surveillance, retransmissions journalistiques des hélicos) pour suivre son opération à distance. 

     Le film de McTiernan est par ailleurs plus puissant là-dessus : Le jeu est un leurre, il cache un dispositif plus fort encore, flirtant là aussi avec la vengeance (comme prétexte, non comme moteur) mais vers une autre forme de finalité : Celle d’un soldat qui souhaite qu’on le prenne pour un psychopathe – faire croire qu’il a piégé une école afin d’avoir le champ libre pour braquer une banque – à l’instar des voleurs de Piège de cristal, qui passent au préalable pour des terroristes.

« Prenez-le, le téléphone »

     C’est sûr, Speed s’embarrasse moins de creuser davantage que son rythme trépidant et le mobile de son bad guy. Les personnages secondaires, même si parfois assez charismatiques, sont réduits à évoluer en pantins de scénario au service du quatuor central : Jack, Annie, Harry, Howard. On note la présence de l’excellent Joe Morton, qui jouait Dyson dans T2, autre borne (intersidérale, pour le coup) du cinéma d’action dans les années 90. Ainsi qu’Alan Ruck aka Cameron de Ferris Bueller. En appréhendant une fois encore tout sous l’angle théorique, on serait tenté de dire que Speed respecte à la lettre le cahier des charges du film d’action lambda, jusqu’au langoureux baiser final. Oui, c’est vrai. Et c’est sans doute ce qui le rend plus beau : Tout ce qu’il tente est bien plus réussi (et osé : Le générique d’ouverture, je ne m’en souvenais pas, annonce la couleur : On suit l’extérieur de la descente (dans les entrailles) d’un ascenseur, trois minutes durant avec les crédits et le super score de Mark Mancina : La vitesse et la dimension spectaculaire seront posées, précises, plus géométrique que grandiloquente) que la moyenne. L’action est limpide, les plans parfaitement agencés.

     Et quand il explore le terrain de l’invraisemblable il le fait avec une telle énergie qu’on lui pardonne vite que le suspense crée décolle d’une invraisemblance. Lorsque Jack s’en va explorer la bombe sous le bus avec l’un de ces engins à roulettes de garagiste, la séquence en montage alterné est géniale, anxiogène, prend littéralement à la gorge comme si on y était : On est dans le bus avec les passagers flippés guettant le filin qui retient Jack au camion, puis sous le bus, avec Jack tout près des roues, on sent la vitesse et le bitume lui cramer son futal et ses godasses.

« Putain de merde !
- Zut alors »

     Et Speed c’est aussi une affaire de look et d’ambiance, bien de son temps. Le gilet pas glamour et les chaussures de sécurité de Sandra Bullock. La chemise ouverte et trop grande de Keanu Reeves, sur son tricot de corps blanc qui devient bientôt gris cambouis. Même les coiffures (trop courte pour lui, trop carrée pour elle) sont particulièrement de mauvais gout. Sans compter l’esprit un peu beauf du film, dans ses saynètes rigolotes mais grotesques : La réquisition de la Porsche noire pour monter dans le bus, la scène de la poussette de boites de conserves et canettes – Ou comment, une fois de plus, rendre le rebondissement plus théorique que vraisemblable. Ainsi que dans le nombre de grossièretés qui y sont scandées, il faut que ça jure pour que ça soit plus viril. Jack lui-même fait vulgaire à mâcher continuellement son chewing-gum. Et contrairement à McTiernan qui jouera lui aussi avec la diversité de façon autrement plus subtile dans Die Hard III, De Bont est plus bourrin, plus simpliste disons : L’Amérique entière se trouve dans ce bus. Tous les âges, toutes les nationalités, les humeurs et les caractères sont bien représentés.

« Il est indécrottable, ça force l’admiration ! »

     Contrairement au film japonais dont il est le remake, qui se déroulait dans un train, et contrairement aussi à la comédie française (« A fond », avec José Garcia) qui s’en inspire, qui se déroule dans un monospace, l’idée géniale de Speed, du moins dans sa longue partie centrale (La séquence du bus s’étire sur plus d’une heure) est d’imposer une vitesse conséquente à un véhicule lent.  C’est aussi la technique cinématographique que l’on convoque : Comment donner de la rapidité à l’image sans dénaturer sa vitesse intrinsèque ? C’est toute la problématique du cinéma d’action (Depuis les courses chez Keaton, chez Feuillade…) et donc de Speed, qui annonce par son titre la couleur. Il n’a définitivement pas volé sa place dans les 100 meilleurs « Heart-Pounding Movies » de l’American Film Institute.

Game of thrones – Saison 8 – HBO – 2019

10. Game of thrones - Saison 8 - HBO - 2019GoT bye.

   7.5   Sans revenir en détail ni sur la saison ni sur les quolibets exagérés qu’elle a rencontrés – J’aurais dû écrire dessus après chaque épisode, lors des six lundis de diffusion – il me semble que malgré les apparents défauts (de précipitation, en gros) il y a pour moi globalement autant de satisfaction : Finir ce type de « fresque » reste un exercice périlleux et ne peut foncièrement pas plaire à tout le monde. Qui plus est dans le cas particulier ici d’une série s’appuyant sur des bouquins qu’elle a fini par devancer. Vu sous cet angle, le projet semble tellement casse-gueule qu’on ne peut que louer sa part de réussite.

     Beaucoup de défauts, globalement, mais aussi de belles choses donc. Par exemple, « A Knight of Seven Kingdoms » l’épisode 2, véritable moment de pause et d’attente pure avant l’arrivée des marcheurs est exceptionnel : Le climat, la tension et la mélancolie (On commence à dire adieu à nos personnages) qu’il génère restera un haut fait de la saison et de la série tout court. Malgré quelques invraisemblances liées à une volonté d’offrir le spectacle au détriment du réalisme, « The bells », l’épisode 5, me semble aussi fort qu’irréprochable. Dommage que le dernier épisode soit si décevant et coupé en deux. Bran sur le trône ça me fait chier, quand même. Et les réunions finales manquent toutes de puissance et d’émotion, quand elles ne tombent pas dans une légèreté comique (c’est quasi du Kaamelott) franchement embarrassante.

     En fait plus j’y réfléchis plus je trouve que les arcs narratifs féminins sont tous parfaitement bouclés. La folie (et inéluctablement la mort) de Daenerys, la résignation magnifique d’Arya (superbe scène avec Clegane) mais aussi « l’adoubement » de Brienne, la mort héroïque de Lyanna, ainsi que Sansa qui s’en sort avec un petit WinterfellExit tranquilou, pas discutable, ce qui permet à une Stalinienne sur deux de s’en tirer, finalement. Un peu déçu par la fin de Cersei qui aurait mérité de sortir autrement que sous les pierres de Port Réal même si c’est une fin shakespearienne logique, surtout dans les bras de Jaime. J’aurais aimé un autre sort à Jaime, par ailleurs, personnage sublime (mon préféré) en totale rédemption qui finit par revenir vers son premier amour, irrécupérable. Dommage.

     Un épisode m’aura plus impressionné que les autres, évidemment. « The long night » et sa danse de dragons au clair de lune et cette capacité incroyable à jouer dans le noir sur tous les fronts. Je garde un souvenir mémorable de la charge des Dotrakis sur l’armée des morts. Militairement c’est sans doute pas hyper réaliste mais plastiquement (J’ai presque envie de dire « cinématographiquement ») c’est dément. Le silence de mort qui accompagne cette charge c’est à te coller des frissons. Le son est le grand personnage de cet épisode de 82 minutes. Et puis cette fin : Qui pouvait prétendre qu’on allait buter le roi de la nuit à cet instant-là ? Et par cette dague… Sans doute la plus grosse claque GoT depuis l’affrontement entre Oberyn et La Montagne.

     Bref, c’est une belle voire très belle saison 8, à mes yeux, mais sans doute un peu trop inégale dans son ensemble. Il fallait étirer davantage je crois. D’ailleurs je retiens trois épisodes parfaits (2,3,5 de mémoire) quant au reste c’est soit beaucoup trop bâclé, soit pire avec quelques frissons de la honte (toutes les apparitions de Euron Greyjoy, personnage nullissime et mal écrit, doté d’une sortie à la hauteur de cette médiocrité) soit du service minimum. Mais bon c’est fini et quoiqu’il en soit on se souviendra de GoT.


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