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Archives pour 29 août, 2019

Le daim – Quentin Dupieux – 2019

1a50d71_1_IgATYd1oNAfu5S5DwIIw6qPasse campagne.

   7.5   A plusieurs reprises dans le film, Georges se regarde dans le miroir et s’exprime sous forme d’interjections, expressions ou petits mots aussi absurdes que géniales. « Style de malade » est d’ores et déjà entré dans le langage courant, c’est le « swag » de l’élégance pure. Un moment donné ce sera « Putain, ça bute ». Sensiblement ce que j’aurais pu dire lorsqu’apparait le générique final. Le daim, ça bute, ouai.

     Georges, 44 ans, et son blouson, 100% daim, ont un projet. Synopsis de l’année. Pourtant, le film est plus beau que ça, encore, il dépasse le stade conceptuel : C’est surtout l’histoire d’un type qui déraille et plaque tout. Sur une mécanique plus loufoque, certes, mais il y a de L’emploi du temps, de Cantet dans cet abandon mélancolique, cette quête de soi mensongère, cette fantaisie à laquelle le personnage croit tellement fort qu’elle devient sa vérité, son dessein, son quotidien. On pense aussi à Passe montagne, de Stévenin : Il y trouvait Georges (Villeret) mais pas de veste en daim à franges, pourtant tout s’ouvrait plus ou moins déjà sur une aire d’autoroute.

     Quand bien même j’admire son univers et son ton, Dupieux et moi ça ne l’effectue pourtant pas systématiquement – Et c’est pareil quand il fait l’Oizo en musique. L’autisme guette. Si l’on excepte la sublime anomalie que constitue Steak, son (presque) premier film, il y a soit beaucoup trop d’absurde, beaucoup trop de fabrication ou beaucoup trop de théorie : Rubber, Au poste ! & Wrong cops, je coince un peu / beaucoup / beaucoup trop. Le daim, au contraire, tient pleinement sa réussite dans cet équilibre minimaliste voire précaire, d’absurdité légère, de fine mise en abyme et d’atmosphère joyeusement dépressive.

     Une scène résume tout. Alors qu’il vient récupérer son alliance sur le cadavre du réceptionniste de l’hôtel qui lui avait gardé en gage, Georges est séduit par le chapeau, 100% daim (il vérifie bien l’étiquette) que le mort recouvre de ses mains sur sa poitrine. Dans un film plus absurde, plus théorique (de Dupieux) Georges aurait pris le chapeau, oublié l’alliance et on l’aurait interprété comme l’ultime acte de son rejet de son ancienne vie. Sauf que Georges va aussi récupérer l’alliance – Un moment par ailleurs hilarant, avec le doigt du mort dans sa bouche – tout simplement parce qu’il a besoin d’argent / de l’objet pour le donner en gage au nouveau réceptionniste, et poursuivre sa nouvelle quête, de faire du cinéma tout en portant du daim. Il y a un côté pratique, réaliste disons, qui parfait l’identification et qui moi, en échange, me permet d’accepter sa folie là ou parfois, chez Dupieux, j’ai l’impression de buter sur un écosystème très fermé.

     « C’est la première fois que je fais un film sur un fou et non pas un film fou » a dit Quentin Dupieux. C’est une nouvelle donne. Cette folie c’est un retour à l’état sauvage. Le daim c’est aussi bien la veste que l’animal et Georges en arborera bientôt de la tête aux pieds : la veste puis le chapeau, les gants et le pantalon. Difficile de ne pas imaginer que Dupieux se confie (sur sa solitude en tant que créateur) à travers la version psychopathe de cet alter-égo mélancolique. Un désir de refaire un premier film, en somme. Et tant mieux car cette veine-là, plus minimaliste, plus touchante aussi, en plus d’ouvrir sur un monde nouveau me convient absolument.

     Si Jean Dujardin et son « style de malade » sont exceptionnels, parce qu’il ne surjoue ni l’exubérance ni l’antipathie – il est aussi fou qu’il demeure touchant – c’est aussi le fait de partager le geste qui me plait dans Le daim, de Quentin Dupieux, qu’il avait, selon moi, un peu perdu depuis Steak. L’aspect buddy movie, disons. Adèle Haenel se greffe à ce drôle de voyage et permet qu’ils forment tous deux un super duo en ce sens  qu’elle n’est son side-kick qu’en temps d’apparition, tant on peut même se demander si elle n’est pas, au fur et à mesure, plus folle que lui, tout en restant pourtant absolument bienveillante. C’est cette indécision qui me plait. Et le film s’arrête quand il faut : Il crée un manque avant de créer une lassitude.


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