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Archives pour octobre 2019



Victoria – Sebastian Schipper – 2015

01. Victoria - Sebastian Schipper - 2015Berlin express.

   9.5   04/10/2019

     Victoria ne s’inscrit pas vraiment dans ce qu’on a dorénavant coutume d’appeler « La nouvelle vague allemande » tant il ressemble à un cinéma de genre et de formes. En fait, il n’entre dans aucun courant, ne puise véritablement dans aucune inspiration. C’est un grand film sur une jeunesse en perdition, une jeunesse rejetée par la société. La grande scène de la confession sur l’étude avortée au Conservatoire a ceci de déchirant et essentiel qu’elle montre combien Victoria, madrilène, a tout perdu, et souffert pour rien – Joué sept heures par jour au piano, se priver d’avoir des amis, pour finir serveuse dans un café loin de chez elle – ce qui permet de raccorder avec la force qui l’anime dans la seconde partie du film, qui fait carrément office de survival et dans laquelle son instinct sauvage et volontaire (la conduite de la voiture, l’enlèvement du bébé, le refuge dans l’hôtel) prend littéralement le dessus.

     Sébastian Schipper s’amuse, d’un point de vue théorique, à chevaucher l’hyperréalisme et l’onirique. Dans sa forme tout d’abord puisqu’à cet unique plan séquence qui semble arracher Victoria à sa danse solitaire éternelle et permet cette traversée nocturne jusqu’à l’aube, répondent ces étranges respirations, douces envolées détachées accompagnées par le caressant score de Nils Frahm. C’est un peu pareil dans le fond : C’est une rencontre entre paumés, entre ceux qui sont éternellement délaissés et celle qui était protégée jusqu’à ce qu’on la délaisse brusquement. Que le film vire vers quelque chose de pas forcément réaliste (dans ses enchainements rapides, ses rebondissements insensés) lui va très bien : C’est Victoria qui prend les rênes car c’est un double rêve qui s’impose. Celui de la rencontre et celui de la réussite. Que ce double rêve se fasse dans la douleur et la violence n’est que la continuité de son enfance à Madrid.

     Mais Victoria, le film, c’est aussi l’histoire d’une prouesse, impossible de ne pas l’évoquer. L’histoire d’une folie formelle qui se marie avec la folie brusque du récit. La caméra ne rate rien de ce que Victoria vit durant ces deux heures. Vous me direz, c’est encore plus puissant chez Kechiche tant on n’avait le sentiment de ne rien rater des années d’Adèle. C’est vrai. Mais le dispositif resserré chez Schipper offre une impression de temps réel qu’on ne voit jamais au cinéma, cette sensation de nuit guettée par le lever du jour. Si je cite le film de Kechiche – que j’aime infiniment – c’est aussi parce que je retrouve dans la fin de Victoria beaucoup du plan final de La vie d’Adèle et ce sentiment de laisser notre héroïne – le plan se fige et elle, de dos, s’éloigne – de lui souhaiter bonne chance dans cette vie à venir qui n’appartient plus qu’au hors champ et à notre imagination.

     Pour être tout à fait honnête, je ne croyais pas que ça supporterait un deuxième visionnage. Qui plus est un visionnage hors salle. D’autant que c’est un premier film, qu’on devrait lui rétablir ses défauts comme on lui avait accordé les circonstances atténuantes. Je ne suis même pas allé voir Roads, son second film sorti cette année, c’est dire combien, à mes yeux, Victoria représentait une anomalie éphémère, le coup de foudre lié à une humeur, à mon état d’esprit à cet instant-là. Que nenni, pourtant. C’est même encore mieux que la première fois : Un vrai choc plastique et physique, plus touchant à la revoyure puisqu’on n’est moins époustouflé par la prouesse, davantage séduit par les personnages, la circulation des corps, les visages, ce voyage au bout de la nuit. C’est un chef d’œuvre absolu pour moi.

21/07/2015

     J’y allais sceptique, parce que j’avais eu vent de la prouesse. Bon ok j’avoue, ça m’excitait grave. Je ne sais pas bien pourquoi mais ces affaires de plans séquences uniques m’ont toujours fasciné. Birdman m’avait pris dans ses filets pour les mêmes raisons. Pour le coup c’était lourdingue. Je ne savais rien du film de Sébastian Schipper – que je ne connaissais pas non plus – sinon qu’il s’appelait Victoria, que c’était allemand, que ça se déroulait à Berlin et que c’était tourné dans vingt-deux lieux différents en un unique plan séquence de 2h14. Cette durée… Le type n’a vraiment pas froid aux yeux. J’en salivais.

     La première impression est plutôt bonne alors qu’on est pourtant bien loin de la magie mise en scénique de la nouvelle vague allemande. Il y a quelque chose là-dedans de beaucoup plus aérien, stylisé et sexy comme un film de Korine ou Araki. On se demande pourtant longtemps comment le film, coincé dans le dispositif systématique imposé par la prise unique, ne va pas tourner en rond et nous happer dans son vertige au point de nous faire oublier la forme. Et pourtant il y parvient. Haut la main. J’ai marché très vite. Mais je pense que ça peut vraiment être un calvaire pour d’autres. J’aime penser que c’est un polar mais qu’il est construit en amont comme un film sur la jeunesse, la découverte d’une ville jusqu’à faire naître un embryon de romance, de façon à presque nous faire oublier qu’il va basculer tôt ou tard dans le polar. Le braquage pourrait intervenir comme un aboutissement mais on ne ressent que le glissement.

     Contrairement au film d’Inarritu on retrouve là cette principale vertu du plan séquence, à savoir filmer le temps réel. Aucun effet spécial apparent. Si la coupe existe alors elle est malicieusement camouflée. Qu’importe, c’est une expérience. Une plongée dans un Berlin nocturne, errance magnifique d’une jeunesse perdue, qui se laisse entraîner vers le danger. Comment ne pas penser à Spring breakers, dont il pourrait être une sorte de cousin éloigné qui aurait troqué sa dimension charnelle et coloré pour un hyperréalisme fondé sur l’énergie ? Néanmoins, parfois, le cinéaste prend un risque, recouvre par exemple la musique d’une boite de nuit par un doux détachement au piano. Ce n’est pas grand chose mais ça pourrait tout briser et le film, au contraire, s’élève et se fige, pour mieux repartir. L’instant « romance » est une merveille aussi, je n’en dis pas plus.

     Il y a tout un dialogue entre le sujet, la mise en scène, les acteurs et les personnages qui s’avère fascinant. A mesure que la nuit dure, ces derniers s’enfoncent dans le tragique jusqu’à s’effondrer sous le poids du stress, de la fatigue et c’est précisément ce que l’on ressent devant l’interprétation, clairement marquée par l’épuisement entre le début et la fin du film – comme si chaque acteur était autant marqué par le tournage que le sont les personnages par le braquage. Les improvisations et les erreurs de textes et de placements font aussi partie du jeu. Autant que les blancs – Séquences muettes, plan qui s’immobilise, scénario en suspens. Et puis il faut l’investir ce cadre, faire exister chacun des personnages. Rarement a-t-on eu la sensation d’arpenter un voyage vertigineux, aussi doux que violent, dans un Berlin jamais vu, avec une telle intensité en relais permanent. Bref, on pourrait juste le voir comme un thriller phénomène que ça me conviendrait déjà beaucoup. Mais il y a le coeur et les tripes. J’en suis sorti lessivé et très ému.  Quant à Laia Costa, c’est simple, il faudrait voir le film ne serait-ce que pour elle.

Indiana Jones et le royaume du crâne de cristal (Indiana Jones and the Kingdom of the Crystal Skull) – Steven Spielberg – 2008

20. Indiana Jones et le royaume du crâne de cristal - Indiana Jones and the Kingdom of the Crystal Skull - Steven Spielberg - 2008L’imposante présence du père.

   4.5   Dix ans plus tard, avec la certitude que c’est un triste faux pas, pour ne pas dire que c’est complètement raté, bref que ça n’arrive pas à la cheville des trois autres, que c’est l’un des plus mauvais Spielberg, qu’on sait qu’il est possible de survivre à une explosion nucléaire en se cachant dans un frigo, qu’on continue de se demander ce qui pêche le plus, le casting ou l’écriture des personnages, qu’on a passé le cap de la plate déception, et bien finalement c’est plus si désagréable, ça se regarde même plutôt bien. Tout le début, les vingt premières minutes, dans le hangar puis jusque dans le désert en pleine ville-test, où l’on suit notre Indy ridé mais fringant, c’est assez passionnant, prometteur, bien fichu. Le gros problème c’est le syndrome King Kong, de Peter Jackson : Trop de chantilly sur le gâteau. Par exemple, la scène dans la jungle avec le fils qui se balance de branches en branches avec les singes, pour accoucher sur une scène de poursuite en bord de falaise tournée entièrement en CGI – et c’est laid tellement ça se voit – mais pourquoi ? La fin – dès qu’on met le pied dans le temple Inca et qu’on appuie sur le « bouton extraterrestres » – est même franchement ridicule sur ce point-là. Pour le reste, l’idée du père, du fils, du retour de Marion, tout ça c’est plutôt chouette. Un peu noyé dans la bouillie globale, mais plutôt chouette sitôt inséré dans le divertissement du dimanche soir. Il lui manque certainement de la spontanéité dans l’aventure, la magie et l’humour, ce que les trois autres parviennent à offrir pleinement. Là on sent que tout est très calculé, que le cœur n’y est donc plus vraiment mais c’est loin d’être la purge que beaucoup s’accordent à dire. Le simple fait que Spielberg fera en solo Tintin dans la foulée me conforte dans l’idée que le vrai problème d’Indiana Jones et le royaume du crâne de cristal, c’est la présence imposante de Lucas, celui par qui vient l’idée de faire un quatrième volet et qui rappelons-le, sort tout juste de l’écrasante prélogie Star Wars. Y a pas de hasard.

La lutte des classes – Michel Leclerc – 2019

23. La lutte des classes - Michel Leclerc - 2019Intérêt public.

   6.5   Sans surprise, la promesse de la double signification du titre – la classe sociale / la classe d’école – est tenue : Le dernier film de Michel Leclerc est un vrai film social situé dans le milieu scolaire. S’ils sont inégaux et bordéliques, j’aime bien les films de Michel Leclerc je me rends compte, d’autant que plus ça va, mieux, c’est, j’ai l’impression. Il y a quelque chose de politisé, engagé, et sérieux dans son cinéma qui cohabite très bien avec l’humour irrésistible qui s’en dégage. Comme dans ses précédents films, La lutte de classes vaut beaucoup pour la présence de son excellent duo. Par ailleurs, c’est une affaire de duos puisque si Leïla Bekhti et Edouard Baer forment celui de l’écran, c’est aussi le couple (à la ville aussi) aux manettes de ce scénario qui brille : Michel Leclerc et Baya Kasmi – quand le premier réalise, la seconde s’octroie un petit rôle délicieux ici à savoir celui de l’institutrice coincée. Qu’importe, c’est évidemment le couple vedette qui donne un cœur au film, dès l’ouverture aussi désopilante que magistrale qui les voit descendre le prix de leur appartement parisien auprès d’un agent immobilier, sous prétexte qu’ils trouvent cela absurde qu’un bien fasse une telle plus-value depuis l’acquisition. Le film serait misanthrope et fonctionnerait moins si ces deux bourgeois marginaux étaient continuellement en accord et seuls contre la société : Ce sont leurs contradictions qui servent de moteur au récit. Bref, Bekhti & Baer sont exceptionnels, complémentaires, super drôles tous les deux. Les rôles génériques et volontaires que forment entre autre Laurent Capelluto (le voisin juif parano) et Ramzy Bedia (le directeur survolté de l’école publique) sont superbes. Le récit est riche, le sujet école publique / école privée brillamment traité, la conscience de l’hypocrisie quant à la réussite de la mixité des classes ainsi que la complexité de la différence irrigue chaque séquence, et le film n’hésite pas à foncer dans le tas, à égratigner un peu tout monde, à montrer de la noirceur malgré la légèreté qui l’irradie. Certes, comme d’habitude la richesse chez Leclerc se teinte de foutraque, mais le film continue de brasser d’intéressantes problématiques avec une énergie contagieuse et la bonne idée de rester ouvert dans ses réponses. C’est une très bonne surprise.

Viendra le feu (O que arde) – Oliver Laxe – 2019

31. Viendra le feu - O que arde - Oliver Laxe - 2019De paille.

   4.5   J’attendais un film brulant. Je n’ai vu qu’un truc froid, amorphe, désincarné. Entre cette  impressionnante ouverture nocturne durant laquelle des bulldozers renversent une forêt d’eucalyptus et l’incendie final, plein jour, indomptable et dangereux pour les villages, le film se fige et quand il n’ose plus se figer, il fait appel à Léonard Cohen ou Vivaldi, « Suzanne » ou « Cum dederit ». Il y a quelque chose d’un peu trop fabriqué dans ce film qui fait croire qu’il est un document sur la Galice doublé d’une chronique paysanne mère et fils. Laxe veut tellement faire de son pyromane un mec normal, probablement innocent – bien que le mystère reste entier – qu’il oublie d’en faire un personnage ou ne serait-ce que l’incarnation de la victime d’une injustice. On est peu ému par cette trajectoire, comme on est peu ému par le feu, lorsqu’il vient – La promesse complaisante du titre ne lui fait pas du bien. Il manque à ce feu la fascination et la peur qu’on lui prête, ce n’est pas Les moissons du ciel. Et les montagnes de la Galice manquent de relief dans l’œil de l’auteur : Il n’en tire pas grand-chose, finalement. Il me semble que Roberto Caston, dans un registre similaire, filmait beaucoup mieux la vallée d’Arratia, dans Ander, pour rester dans le nord de l’Espagne. Bref, j’hallucine un peu de sa (très) bonne presse, là. Je vais me refaire Backdraft, tiens.

La grande classe – Rémy Four & Julien War – 2019

32. La grande classe - Rémy Four & Julien War - 2019Qu’est-ce qu’on a chié, au bon dieu ?

   3.5   Appartenant à un sous-genre de la nouvelle comédie française qu’on pourrait appeler « Cinéma de réconciliation des beaufs » au sommet duquel trône l’insupportable Qu’est-ce qu’on a fait au bon dieu, La grand classe (Une fusion Youtubeurs / Netflix : M’est avis qu’il va y en avoir beaucoup des comme ça) cumule lourdeurs, clichés, vulgarité avec un brio si confondant que le film finira presque par devenir attachant. Ça raconte la revanche forcée de deux amis d’enfance qui ont plutôt réussi (traduction dans une société gangrénée par la macronite : Ils ont monté leur start up) mais qui jadis étaient de tels souffre-douleurs de l’école (Boso la merde & Gros lard) qu’ils ne sont pas invités à la fête de retrouvaille : D’ailleurs, leurs « camarades » d’antan ne connaissent même pas leur prénom. Et l’idée du « prénom » aura son importance d’un point de vue narratif, si tant est qu’on puisse y voir une astuce narrative : Jonathan (l’ancien « gros lard ») sera bientôt pris pour un autre Jonathan, apparemment absent, qui n’était autre que le « beau gosse » du bahut à l’époque.

      Je ne connaissais pas le Studio Bagel, donc ni les uns ni les autres – comme à l’époque de Babysitting je découvrais La bande à Fifi – mais le sujet me plaisait : Pour les vingt ans de la promotion (le terme est utilisé mais son utilisation est moquée, c’est bien) 99, la classe d’un collège se réunit via Facebook dans ce même collège – dont la directrice est l’une des élèves de l’époque – l’occasion de voir ce que chacun est devenu. De voir que les gros sont passés minces, les geeks devenu développeurs d’applis, les freaks carrossiers, les sœurs Tran toujours bonnes, les moches toujours moches, le petite intello devenu relou égocentrique et sociopathe, mais les losers peut-être plus si losers, en fait. Voilà c’est de ce niveau en permanence, alternant le plutôt drôle (la tête ahuri de Jérôme Niel, sorte de version Pio Marmaï de Philippe Lacheau) et le terriblement grotesque : réunion de freaks qui fument des joints, geeks qui rejouent au échecs, le tout auréolé d’une propension scato tellement pas originale, via l’utilisation ad nauseam de pipi, caca, vomi et blague de couille. Aussi passe-partout que le pseudo coup de poings aux stéréotypes qui fait de l’ancien dur à cuire un père de famille aux tendances gay refoulées. Sérieusement ?

     J’ai rêvé d’un Freaks & Geeks, 20 ans après en regardant La grande classe. On est loin de mon rêve, malheureusement. D’autant que La grande classe se termine en petite retrouvaille joviale, sorte de semi-partouze sans queue ni tête où l’on mise tout sur un twist que d’une part il n’exploitera jamais pour retourner le récit – Le film avait pourtant tout mis en place pour que le gay refoulé retrouve sa petite aventure d’époque – c’est dommage, et d’autre part car on a très vite compris qu’il serait le twist, et comment (une affaire de tatouage) et quand (attendons le tout dernier plan, voyons) il interviendrait, parachevant de lourdeur ce film gras, sans aucune idée de mise en scène, sans aucun amour pour
ses personnages, bref un film loin du chef d’œuvre de Paul Feig & Judd Apatow, une bouillie gentiment cynique mais pas si agaçante si on la compare à d’autres étrons du sous-genre.

Ma meilleure amie, sa soeur et moi (Your sister’s sister) – Lynn Shelton – 2013

original-649317-786Riding for the feeling.

   7.5   Je voulais revenir sur un petit coup de cœur. Un grand « film minuscule » tourné en douze jours, sorti en catimini en 2013 (39 097 spectateurs en France, m’apprend Wikipédia. J’étais seul lors de ma séance, de mémoire, donc c’est raccord) devant lequel j’avais terminé en lambeaux, que j’ai revu quelques temps plus tard, chez moi, avec un plaisir intact.

     Je ne l’ai pas (re)revu depuis mais cet été, je suis tombé sur son remake français, Et ta sœur, de Marion Vernoux, avec Virginie Efira, Géraldine Nakache et Grégoire Ludig. Evidemment, je ne savais pas qu’il était son remake français jusqu’à ce que je tombe dessus. Je dis « tombe dessus » car je ne me suis pas installé devant, j’ai vite compris que le « calibre téléfilm France télévision » n’allait pas me convenir, malgré ma légère faiblesse-attirance concernant son plutôt chouette casting. Ça ne fonctionne pas, ça se voit très vite, c’est comme ça. Sans doute car le côté romcom indie de l’un ne s’injecte pas dans l’autre.

     Si dans mon souvenir, l’image n’est pas formidable – Et c’est dommage car il y a une forêt à filmer – le film est plutôt ingénieux dans sa mise en scène, puisqu’il varie les plans larges et moyens, les intérieurs et les extérieurs, évite l’aspect théâtral que le huis clos peut très vite provoquer. Il me semble pourtant que cette  « image sale » crée une intimité avec le spectateur – avec moi, en tout cas : C’est un film qu’on veut garder pour soi, en fait – qui me rappelle le Bergman de L’attente des femmes, ou de Scènes de la vie conjugale. J’ai le souvenir d’avoir navigué dans une atmosphère particulière, comme si j’écoutais un disque de Damien Jurado, de Bill Callahan. J’adore le climat automnal qui s’en dégage, même s’il est assez peu mis en valeur.

     Mais le film brille évidemment ailleurs, pour sa finesse d’écriture, la variation de ses plans, leur durée, ainsi que pour sa subtile triple interprétation. Tous trois sont extraordinaires, vraiment. Mais si ce trio est absolument parfait, je suis surtout définitivement tombé amoureux de Rosemarie DeWitt, déjà magnifique dans non moins sublime Promised land, de Gus Van Sant, sorti la même année.

     Concernant Lynn Shelton, réalisatrice et scénariste ici, je me suis rendu compte que je lui connaissais un autre film, Humpday, rigolo mais plutôt lourd. Je me souviens d’une esthétique plus ingrate qu’ici encore, avec une succession de gros plans tournés caméra à l’épaule. Bizarre d’aimer à ce point l’image dégueulasse. Dans celui-ci il y avait aussi des choses intéressantes dans l’écriture, c’est l’émotion qui ne suivait pas. Et le plus drôle dans tout ça c’est qu’Humpday avait déjà fait l’objet d’un remake français : Do not disturb, d’Yvan Attal, avec lui-même et François Cluzet. Je n’avais pas osé.

     Bref, Your sister’s sister est un bel antidote, un beau médicament comme je les affectionne.

    Je ne vais pas tarder à le revoir, tiens.

Le lieu du crime – André Téchiné – 1986

27. Le lieu du crime - André Téchiné - 1986L’innocent.

   5.0   Si on retire l’excellente photographie – signée Pascal Marti – dans laquelle baigne le film et par la même occasion les bords de la Garonne de ce village du sud-ouest, pas sûr qu’il ne reste grand-chose de ce Téchiné, qui ne brille ni par ses qualités scénaristiques, ni par son interprétation mais qui en revanche cumule toutes les tares habituelles de son cinéma, avec son petit théâtre désincarné et ses dialogues insupportablement préfabriqués. Mais voilà, toujours est-il qu’il y a des instants de grâce – comme souvent chez lui – par la force de la seule direction artistique, je pense notamment aux séquences sur les rivages du fleuve, dans ce café dancing avec ces guirlandes de lumières, mais aussi de façon plus discrète et domestique aux intérieurs : Les papiers peints, les toiles cirées, les tabliers à motifs. Le film transpire admirablement les années 80. Dommage que ces qualités soient diluées dans un récit peu passionnant et une sauce à la Téchiné qui chez moi ne prend jamais.

Malavita – Luc Besson – 2013

22. Malavita - Luc Besson - 2013Le grand vain.

   1.5   Ce genre de récit à la croisée de The american, de Corbijn ou de In bruges, de McDonagh (deux chouettes films) dans lequel pour se faire oublier, un tueur est protégé dans un environnement reculé qu’il ne connait pas (Les abruzzes dans l’un, la Belgique dans l’autre) peut donner de belles idées de comédie, ne serait-ce que dans l’utilisation de la langue, ou bien dans le fait de perdre les personnages dans un espace en particulier. L’absurdité attrayante de Malavita c’est justement de prendre Robert de Niro, Michelle Pfeiffer et « leurs enfants », famille de mafieux psychopathes new-yorkais, protégée par le FBI, échouer au fin fond de la Normandie, à Cholong-sur-Avre. L’idée serait séduisante avec un cinéaste français à la barre. Mais Besson n’est vraisemblablement ni cinéaste ni français, puisqu’il n’y a pas de cinéma là-dedans et encore moins la Normandie. La langue déjà : L’intégralité du film est parlé en anglais, hormis quelques bribes de français par-ci par-là aussitôt relayés par l’anglais par TOUS les personnages, autochtones compris, les commerçants, les gamins, les vieux. Ce qui veut dire qu’en Normandie tout le monde parle anglais couramment. Première nouvelle. Ça aurait pu servir de gag mais même pas, je crois sincèrement que Besson ne se pose pas la question ou bien il se dit que les gens qui iront voir sa merde le verront en VF alors à quoi bon. Quant au reste c’est simple, tout est filmé à l’américaine. Enfin plutôt n’importe comment, recouvert d’un filtre jaune pisse, accompagné de tout un tas de musiques qui ne collent jamais à ce que l’on voie et surtout c’est beaucoup trop prévisible et réchauffé pour éveiller un semblant d’intérêt. Non franchement, c’est de la grosse daube.

The hell – Yeon Sang-ho – 2006

26. The hell - Yeon Sang-ho - 2006Fuis, mortel, fuis.

   4.5   Moyen métrage en deux parties, avec une première, fonctionnelle, qui alimente le final de la seconde. Ici, un ange vient prévenir nos personnages, un homme d’abord, une femme ensuite, qu’ils sont sur le point de mourir. Lui est censé rejoindre le troisième échelon de l’enfer dans lequel il devra perpétuellement endurer une douleur dix fois supérieures à la douleur la plus forte endurée durant son vivant. Elle, de son côté, va rejoindre le paradis. Mais tous deux ont la possibilité de fuir cet ange de la mort avec le risque de gravir un échelon s’ils sont pris. C’est un film de petit malin, très cruel, qui m’a beaucoup rappelé Cours, Lola, cours. Cette cruauté est telle que ça en devient un peu trop complaisant, alors que le film n’est jamais si réussi que lorsqu’il prend le temps de s’intéresser à la mélancolie de cette femme qui sait qu’elle va mourir, et qui tente de soigner son départ en renouant de précieux liens et leur faire ses adieux, jusqu’à un twist final qu’on peut trouver impressionnant ou dégueulasse, suivant l’humeur. Quant à la voix off, quasi permanente, elle peut poser problème.

Love is protein – Yeon Sang-ho – 2008

25. Love is protein - Yeon Sang-ho - 2008Ça ne vaut pas un pet de poulet.

   3.0   Fable cynico-vegan dans laquelle un homme cochon livre exceptionnellement du poulet frit à des employés de bureau à la place de l’homme poulet qui ne peut supporter de livrer son propre enfant et le savoir se faire dévorer. Entre flash-back père fils et errance dans une Corée sans âme, le film est aussi sinistre (et prévisible puisqu’il avait déjà expérimenté le rot un peu plus tôt) que ce vulgaire pet sur lequel il s’achève, dans lequel le fantôme du poulet s’envole en pleurant. Les plans sur l’indifférence de la vieille femme, les yeux exorbités ainsi que le visage tuméfié de larmes du poulet sont autant d’illustrations d’un film qui pèse quinze tonnes, aussi court soit-il – Vingt-trois minutes. J’ai un peu l’impression que c’est le leitmotiv du cinéma de Yeong Sang-ho, qu’il soit long ou court, que ce soit du live ou de l’animation, du film indépendant ou du blockbuster : Faut que ça pèse. Quand il est guidé par le mouvement, l’action ou le film de genre (celui de zombie lui va très bien) oui, pourquoi pas, autrement c’est assez pénible.

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