A la prochaine étape !
8.0 S’il y a bien une série sur laquelle je n’avais guère fondé d’espoir – malgré tout le bien qu’on n’avait pu m’en dire, ici ou là – c’est bien celle-ci, ce teen show british. Je n’y croyais pas du tout. Mais passé le sentiment dubitatif provoqué par le pilot en demi-teinte, trop plein, trop provocateur, trop extravagant, il faut pourtant se rendre à l’évidence : Sex education est une merveille de teen show comme on en rêvait. Drôle, émouvant, moderne, frontal.
C’est en soi déjà une belle réponse à American pie. Dans le film de Paul & Chris Weitz, il s’agissait de savoir si Jim et ses potes allaient oui ou non respecter leur pacte et tremper leur biscuit avant la fac. Dans la série de Laurie Nunn on suivra Otis en espérant qu’il parvienne enfin à se branler. C’est un peu plus complexe que ça, évidemment, mais j’aime bien l’idée de la boucle enclenchée par une masturbation manquée puis réussie : On sort du cadre habituel de la première fois / première baise.
Otis, seize ans, fils d’une sexologue, vit dans un quartier aisé. Maeve, le même âge, sans parents, vit dans une caravane. Il est transparent, elle est populaire. Il est vierge, on la surnomme « la croqueuse de bites ». Le découvrant en train de donner des conseils à Adam qui est incapable d’atteindre l’orgasme, Maeve va embringuer Otis dans un business assez singulier de thérapie sexuelle au Lycée, en improvisant un cabinet thérapeutique clandestin dans des chiottes abandonnées.
Chaque épisode – à la manière de Six feet under, avec les morts – s’ouvrira sur un rapport difficile entre deux nouveaux personnages, afin qu’on voit plus tard, l’un ou l’autre, voire les deux, demander les services thérapeutiques de Maeve, qui gère la logistique et d’Otis, qui écoute et conseille. Et très vite, un lien se crée entre eux deux, un lien pratique qui se transforme rapidement en relation plus confidentielle – Ils se confient l’un à l’autre sur leurs problèmes personnels – sorte d’amitié perturbée par des sentiments plus forts, faisant naître un amour impossible in fine assez bouleversant. L’épisode de l’avortement est probablement celui par lequel j’ai compris que Sex education (qui par instants me rappelle le sublime Adventureland, de Greg Mottola ou la non moins sublime série Freaks & geeks, de Paul Feig) et moi, c’était gagné.
Il n’y en a pourtant pas que pour Maeve & Otis, puisque la série se focalise en réalité sur quatre personnages : Otis, Maeve, Adam & Eric. Adam est le fils du proviseur, c’est un cancre et un tyran solitaire, ayant la particularité d’être généreusement membré. Eric est le meilleur ami d’Otis, il est gay, assume pleinement son homosexualité mais supporte plus difficilement le regard des autres sur son homosexualité. Si ces deux personnages se greffent à merveille à Otis & Maeve, il faudra aussi compter sur beaucoup d’autres, à commencer par les parents (ou le frère, pour Maeve) dont on comprend vite qu’ils sont le reflet de leurs enfants ou la figure tutélaire trop imposante, mais aussi sur Lilly la clarinettiste, Jackson le nageur, Jakob le plombier, Ola la caissière du supermarché. C’est passionnant à tout point de vue. Pour chacun d’entre eux.
Sex education fait un bien fou. Avec son écriture absolument brillante, ses personnages hauts en couleur, sa maestria à contourner tous les stéréotypes et sa modernité, tout simplement. C’est à la fois très cru et très doux, sale et solaire, suranné et moderne, réaliste et merveilleux, à l’image de l’écrin scolaire et résidentiel dans lesquels le récit évolue ou de ces sanitaires désaffectés. L’imposante colorimétrie n’empêche pas une profonde noirceur.
Laissons-là décanter, mûrir, traverser le temps, se développer encore, mais pas impossible, si tout se passe bien, qu’on y retrouve une force similaire à celle d’un Freaks & geeks, le plus grand teen show de l’histoire des teen show.
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